Rabah, le deuxième étudiant sans master en grève de la faim, a levé le camp ce mardi 12 octobre 2021. La veille, sa jeune collègue, Iman faisait un malaise et était hospitalisée. Les deux jeunes campaient devant les universités Lyon 3 et Lyon 2 depuis une semaine.
Ce mardi 12 octobre, Rabah, le second étudiant en grève de la faim à Lyon a levé le camp. Aucune admission en Master à Lyon n'aurait pour l'heure été proposée au jeune homme de 25 ans pour le moment.
Après une semaine de grève de la faim, dans le froid, Iman et Rabah étaient à bout de force. La jeune femme de 23 ans a fait un malaise. L'étudiante a été évacuée et transportée à l'hôpital lundi en début d'après-midi. De son côté, Rabah s'était dit déterminé à poursuivre la grève, jusqu'à ce qu'on lui propose des solutions.
Le droit de poursuivre leurs études...
Rabah et Iman sont tous deux licenciés en droit. Ils ont obtenu leur diplôme à l'université Lyon 3, en 2021 et veulent poursuivre leurs études jusqu'au niveau master, dans une filière de droit, à Lyon. Les deux jeunes gens se sont retrouvés sans place. Ils disent avoir épuisé tous les recours possibles auprès des universités lyonnaises. Ils se sont heurtés depuis cet été à de nombreux refus. Aujourd'hui, ils demandent le respect de leur droit à la poursuite de leurs études.
En désespoir de cause, le 5 octobre dernier, Rabah et Iman se sont installés dans la rue devant la faculté Lyon 2 et ont entamé une grève de la faim. Abrités par un parasol, installés sur des chaises de camping, les deux jeunes gens se sont heurtés à une indifférence quasi-générale. Après une semaine de privation, les deux étudiants n'avaient toujours rien obtenu de concret de la part des Universités Lyon 2 et Lyon 3.
Sur le carreau malgré une licence...
Comme des milliers de diplômés en France, Iman et Rabah, se sont retrouvés sur le carreau cette année. Des jeunes sans solution, malgré une licence en poche. Pourtant, selon un décret du 19 mai 2021, les étudiants doivent "se voir proposer (...) au moins trois propositions d'admission" dans le cadre de la procédure "Trouver mon Master". Dans le cas d'Iman, de Rabah et de nombreux autres étudiants, cette procédure est encore en cours jusqu'à fin octobre. Cette échéance est lointaine pour ces jeunes qui dépendent de bourses et de logements universitaires. Cette affaire fait également écho à la précarité étudiante.
La situation d'Iman et Rabah met aussi en lumière le manque de places dans les universités et les capacités d’accueil limitées. Certaines filières, comme le droit, sont en tension. Conséquences : certains masters sont devenus très sélectifs. Ainsi, au printemps dernier, l'université Lyon 3 a reçu plus de 35.000 demandes pour 1.000 places en Master 1 de droit. Lyon 2 a enregistré 5.000 demandes pour 250 places en Master de Droit.
... un nombre insuffisant de places en Master
Pour Nathalie Dompnier, Présidente de l'Université Lumière Lyon 2, cette situation est due à la hausse de la démographie étudiante. "On est dans une situation d'extrême tension. On a beaucoup d'étudiants qui ont été pris en licence dans les années antérieures, notamment en droit, avec une démographie de bacheliers croissante au fil des ans. A la demande de notre ministère de tutelle, nous avons créé des places en licence et aujourd'hui, le nombre de places en Master est insuffisant pour répondre aux demandes des étudiants titulaires d'une licence".
Dans le cas des étudiants sans master, la situation est " assez paradoxale", selon la Présidente de l'université lyonnaise: "la sélection a été positionnée à l'entrée du Master mais la règle veut qu'il y ait un droit à la poursuite d'études". Elle poursuit : "cela impose au rectorat de faire des propositions aux étudiants qui ont candidaté à au moins 5 Masters à la fin de leur licence".
Le rectorat s'attache à faire le plus possible de propositions, les différents universités de la région académique sont sollicitées pour voir s'il reste des places (...) Mais au final, le nombre de places ne sera pas équivalent au nombre de demande. Mais selon toute vraisemblance, des étudiants vont rester sur le carreau.
En fait, depuis la réforme de 2017, la sélection à l’entrée en master se fait dès la fin de la troisième année de licence, et non plus, à l’obtention d’un master 1. Le passage au niveau bac + 4 s’est transformé en goulet d’étranglement. Et les capacités d’accueil en première année de master n'ont pas vraiment évolué. Entre la rentrée 2010 et la rentrée 2019, si le nombre d’étudiants en licence progressait de 155.000, il n’augmentait que de 70.000 en master, selon le ministère de l’enseignement supérieur. Avec la crise sanitaire, le taux de réussite au bac a même augmenté. La tension n'est pas prête de retomber dans les prochaines années.
Augmenter le nombre de places en Master, est-ce la solution ? Pas vraiment selon Nathalie Dompnier, qui pointe du doigt le manque de moyens pour ouvrir des places supplémentaires. Elle s'explique : "aujourd'hui dans mon université, dans la filière de Droit, le taux d'encadrement est à moins de 50% (...) Augmenter le nombre d'étudiants et le nombre de places amènerait à dégrader encore les conditions d'études et la formation dispensée dans l'établissement".
Surpopulation étudiante, manque d'anticipation et manque de moyens... le cocktail est détonnant dans les universités. Pour la présidente, c'est un "problème au long cours". Il faudrait selon elle, "un plan pluriannuel pour accroitre le nombre de places dans un certain nombre de filières" et "ajuster l'offre de formations".
Cette année, les témoignages de détresse de jeunes sans admission ont afflué sur les réseaux sociaux, dès la fin du mois de juin, sous le hashtag #EtudiantsSansMaster.