À Lyon, la Fondation Abbé Pierre et le collectif lyonnais de photographes ITEM veulent rendent visible les situations de mal-logement et les conditions de vie des personnes mal logées sur les différents territoires de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Une collaboration engagée en 2019.
La famille M. vit dans une tente coincée entre un mur et une voie de tramway... le père se déplace en fauteuil roulant et ne sait pas s'il va subir une amputation de la jambe.
Madame J. a 66 ans, elle passe des heures dans le halle de la gare Part-Dieu, pour se mettre à l'abri du froid, entre ses heures de ménage du matin, et celles du soir. Elle a largement dépassé l'âge de la retraite mais elle travaille encore 32 heures par semaine pour une société de nettoyage. Son emploi ne lui permet pas de trouver un logement. Quand elle ne trouve pas de place par le biais du 115, elle dort sur le canapé d'un hall d'hôtel, à l'abri des regards.
La vie de Monsieur B., 71 ans, est à peine plus enviable. Le vieil homme vit dans 9 m². Après 34 années passées à faire des petits boulots, de serveur ou de manutentionnaire, il touche une maigre retraite de 650 euros pour un loyer qui lui coûte 270 euros ! Alors, le septuagénaire travaille pour compléter sa pension. Il n’achète presque jamais de viande, explique-t-on. Pour les toilettes et la douche, il faut sortir, traverser la cour... descendre et monter un escalier.
D'autres vivent dans squat, dans leur voiture, ont trouvé refuge dans les parties communes d'un HLM. Autant de portraits, de parcours de vie et de personnes en situation dramatique... jeunes, retraités, femmes isolées, familles, travailleurs pauvres, handicapés, réfugiés... le mal-logement n'épargne personne. Près de 4 millions de personnes en France souffrent de ce fléau, selon le 25e rapport sur l’état du mal-logement en France.
Cette enquête menée avec le collectif ITEM restitue vraiment la dignité de ces personnes.
Des articles, témoignages et photographies... la Fondation Abbé Pierre Auvergne Rhône-Alpes et le collectif de photographes ITEM à Lyon présentent le projet Ab[r]iter. " A travers ces reportages et enquêtes, on a souhaité rendre visible" et mieux "incarner le réel" de ces personnes en situation de mal-logement, explique la directrice régionale de la fondation, Véronique Gilet. Il s'agissait aussi de "mieux rendre compte des problématiques locales et micro-locales sur les territoires".
Des refuges dans "des interstices de la ville"
Le projet va se dérouler sur trois ans et trois thèmes vont être décryptés. En 2020, le premier volet était consacré à "l'habitat refuge(s)" et vient de sortir : "On a souhaité alerter sur la multiplication de ces situations de personnes qui remplissent toutes les cases du logement ou de l'hébergement, qui ont fait les démarches et qui attendent des semaines, des mois, voire des années et qui pour se protéger de la rue ou pour protéger leurs enfants (...) mobilisent comme elles le peuvent des refuges" précise Véronique Gilet. Ces personnes trouvent refuge "dans les interstices de la ville" ou dans "des abris qui n'en sont pas comme des garages ou en louant des cabanons de jardin...". Pour la directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre, "le mal-logement se multiplie, change de forme et il est toujours aux interstices des catégories statistiques...".
On pense par exemple à Mariano, un SDF originaire de Roumanie, devenu une figure du quartier de la Part-Dieu, à Lyon. L'artiste de rue est installé depuis deux ans au pied d'un immeuble et vit dans un abri de fortune.
Des refuges précaires qui se multiplient
Comment expliquer la multiplication des refuges précaires dans l'agglomération lyonnaise ? "Un logement, ça se construit, ça se fabrique, ça se paie, ça se porte politiquement ... on est au croisement de l'ensemble de ces difficultés," explique Véronique Gilet. Selon la responsable régionale de la Fondation Abbé Pierre, Lyon est "une ville qui construit beaucoup, qui est très attractive, avec des prix qui ont doublé en dix ans". La conséquence directe de cet engouement pour la capitale des Gaules : les personnes dont les revenus sont modestes, voire très modestes, n'ont plus accès au parc locatif privé.
Ces personnes se reportent sur le logement social, sur l'hébergement qui ne pourra pas tout éponger. Alors devant l'attente, elles sont contraintes de trouver des solutions par elles-mêmes.
"Conçues pour une courte période, ces formes d’habitats refuge(s) s’inscrivent majoritairement dans la durée entraînant ainsi une remise en cause en cascade de nombreux autres droits fondamentaux," expliquent les porteurs du projet qui dénoncent spirale infernale et cercle vicieux. Plus qu'un regard sur "la débrouille" de ces personnes en grande précarité, le projet Ab[r]iter vise à interpeller les pouvoirs publics et trouver des solutions avec les acteurs locaux.
Le projet Ab[r]iter est visible sur le site de la Fondation Abbé Pierre. Le premier volet consacré aux habitats refuges. Le deuxième volet s'intitulera ""Mal logés confinés" et enfin le dernier volet, "Loger les plus exclus : quand les citoyens s'en mêlent".