Quels sont les besoins des personnes mal logées et sans domicile ? Dans son rapport, l'agence régionale de la Fondation Abbé Pierre s'est penchée sur la question à travers une enquête de terrain. Cette étude menée à Lyon, Villeurbanne et dans six communes de la Drôme, a été publiée le 16 septembre.
La Fondation Abbé Pierre a tenté de comprendre : qu'est-ce qui empêche les sans-abris d'accéder à un logement, de sortir de la rue ? Elle a mené en 2019 une vaste enquête sur le secteur de Lyon et Villeurbanne mais aussi dans six communes de la Drôme (Tournon, Romans/Isère, Valence, Crest, Die et Nyons). Deux territoires très différents : d'un côté une métropole, de l'autre une zone plus rurale. Avec l'aide des associations et acteurs locaux, la Fondation a rencontré environ un millier de personnes sans domicile fixe sur ces deux territoires.
SDF : des profils très variés vivent dans la rue
La Fondation a fait des constats accablants et inquiétants : de nombreux jeunes vivent dans la rue, notamment en zone métropolitaine. Sur Lyon, 50% des personnes sans-abri rencontrées au cours de l'enquête sont "des jeunes qui n'ont plus les moyens de se loger". 28% d'entre eux ont entre 18 et 25 ans.Des jeunes à la rue mais pas seulement..." On voit aussi beaucoup de femmes, des familles à la rue... les profils sont très variés parce que les ressources financières aujourd'hui, du travail, de la retraite, des prestations et même des bourses étudiantes ne permettent plus à de larges catégories de la population de se loger," résume Véronique Gilet, directrice régionale de la Fondation Abbé Pierre.
Et la liste des catégories de personnes qui, aujourd'hui, vivent dans la rue est longue, elle énumère : "On a des personnes qui travaillent, des personnes âgées à la rue... des enfants, des étudiants, des demandeurs de logement social qui attendent depuis plus de deux ans, des migrants...". Selon le rapport, un tiers des personnes SDF interrogées sur la Métropole de Lyon par les enquêteurs sont des femmes, seules ou avec enfant. 13% des sans-abris interrogés ont plus de 50 ans. 51 % des personnes ont déposé une demande de logement et/ou d’hébergement et sont en attente d’une réponse.
"Gérer la vie à la rue", un frein à l'accès an logement
Si la variété des profils de gens qui vivent dans la rue est souvent méconnue, les réalités concrètes et matérielles quotidiennes auxquelles sont confrontés les SDF sont encore trop souvent ignorées. "Un des premiers obstacles c'est la difficulté à s'occuper de son accès au logement quand ont doit tenir ce que l'on appelle "le travail de la rue" à la Fondation Abbé Pierre," explique Véronique Gilet, directrice régionale de la Fondation, "c'est--à-dire la nécessité d'une recherche quotidienne d'un lieu où dormir, d'un lieu où manger, d'un lieu où être en sécurité, d'un lieu où se laver et surtout d'un lieu où poser ses affaires". La recherche de logement, les formalités administratives, les contacts avec les acteurs sociaux deviennent accessoires face à l'urgence du quotidien.La nécessité de "produire du logement abordable"
Comment les politiques publiques peuvent-elle s'attaquer au problème ? Pour Véronique Gilet, il y a "un écart entre les moyens et l'ambition d'une politique publique". Manque de logements, parc privé cher et "vraie difficulté à produire du logement abordable"... face à "bon nombre de citoyens" qui disposent de ressources de plus en plus faibles, l'équation semble insoluble.Quid du logement social et du rôle des bailleurs sociaux ? Pour Véronique Gilet, si l'offre de logements sociaux n'est plus suffisante, "en raisons de restrictions de moyens très forts", la responsabilité ne peut peser sur les seuls bailleurs sociaux : ces derniers "peuvent jouer leur part mais le sujet du logement abordable n'est pas QUE le sujet de la catégorie de production de logements sociaux." Pour la présidente régionale de la Fondation, "une politique des prix qui permet à tout un chacun de pouvoir avoir un logement abordable, digne et décent" s'impose.
Un décalage croissant entre actions et besoins
Selon l'enquête de la Fondation Abbé Pierre, un tiers des sans-abris rencontrés remplissent pourtant les conditions pour avoir accès à un logement... Comment expliquer cette situation ? Par la "raréfaction des moyens, une organisation complexe sur les territoires" qui ne coïncident pas avec des trajectoires personnelles parfois accidentées des personnes qui vivent à la rue, selon Véronique Gilet. "Aujourd'hui, on a des dispositifs de réponse qui sont organisés autour de la pénurie du logement et du manque de logement accessible".La Fondation Abbé Pierre dénonce "un fossé" entre l'action publique et les besoins des publics, "un fossé qui s'agrandit" pour Véronique Gilet. Elle évoque notamment un fossé "très fort entre des dispositifs qui attendent que les gens soient parfaits et des gens qui ont quelque fois des casseroles."
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre est disponible sur son site internet.