Cela a de quoi surprendre. Depuis plus de 2 mois, Anna, une jeune femme russe, donne une très grande partie de son temps à la Croix-Rouge pour accueillir les réfugiés qui arrivent à Lyon.
"Avant j'étais fière quand on me demandait mes origines et maintenant j'hésite un peu à répondre à la question. Je pense que ça résume tout", déclare Anna Setnikova. Ce vendredi soir, Anna guette très attentivement les Ukrainiens qui arrivent à la gare de Lyon Part-Dieu. Une dizaine de réfugiés transitent en effet quotidiennement par cette gare.
"Lorsque tu arrives dans un pays étranger, c'est très dur psychologiquement"
Ce vendredi soir, Anna emmène des jeunes Ukrainiennes dans le local que la SNCF met à la disposition de la Croix-Rouge. Elle les conduit ensuite dans un gymnase où sont accueillis d’autres réfugiés. Ce soir, l’ambiance est plutôt calme, bercée par une petite musique ukrainienne. Le gymnase se partage entre tentes, grandes tables, lits de camps et jeux d’enfants.
"Lorsque la personne arrive assez tôt dans la soirée, on va l’accompagner pour aller manger à l’Armée du Salut. Si la personne arrive un peu plus tard, on a le buffet", explique Anna. Les femmes seules et les familles sont installées dans des tentes tandis que les autres dorment sur les lits de camp.
Ce n'est pas l'impuissance qui a poussé la jeune femme à s'engager mais une "volonté d’aider les personnes réfugiées de la guerre car moi-même j’étais réfugiée (…) lorsque tu arrives dans un pays étranger, c’est très dur psychologiquement".
"Sans solidarité, il y aura jamais la paix"
Les Ukrainiens ne sont que très rarement heurtés par l’origine d’Anna. "Je suis neutre", affirme une jeune réfugiée ukrainienne, fraîchement arrivée à Lyon. Les exilés louent plutôt l’humanité de la jeune femme, qui donne tous ses week-ends à la Croix-Rouge depuis mi-mars. "Certains sont surpris, d’autres gardent une certaine forme de neutralité. Un autre groupe de personnes me dit "Tu sais, malgré tes origines, ce n’est pas de ta faute", souligne la bénévole.
"Anna est une personne magnifique parce que, depuis le début, elle vient nous voir, elle nous demande si on a besoin de quelque chose (…). Sans solidarité, il n’y aura jamais la paix", confie Arthur Badazarian. "C’est très touchant, ce n’est pas la première fois qu’on me dit ça", réagit la jeune femme. Arthur en est à son deuxième exil. D’origine arménienne, il avait déjà fui l’Azerbaïdjan en 1993 pour l’Ukraine. "Nous sommes vraiment reconnaissants vis-à-vis des Français et de l’Etat français pour toutes les aides", ajoute le père de 2 enfants, couturier dans une autre vie.
"Ça peut être fatigant"
Et puis parfois, Anna sent la fatigue psychologique et émotionnelle guetter. Elle est envahie par "énormément d’émotions, il y a eu de la colère et de la joie en même temps, et puis il y a eu de la tristesse surtout quand on arrive à nouer des liens avec certaines personnes, avec certaines familles dont l’histoire nous a énormément touchés".
La jeune femme tisse des liens très forts avec les réfugiés. Elle ne cache pas son émotion lorsque ceux qui ont trouvé un logement quittent le gymnase : "J’essaie de garder un petit lien, soit par SMS, soit par Instagram, soit sur Facebook", confie-t-elle, un peu triste. Une bien jolie leçon d'humanité.