Tosca n'avait pas été programmée à Lyon depuis 41 ans. Aller voir et entendre à l’opéra de Lyon, le célèbre ouvrage de Puccini, vous demandera en amont, un peu d'informations. Avec sa version décadrée et décapante, Christophe Honoré vous fera aimer les destins de divas. Explications.
La production proposée par l’opéra de Lyon a été créée l’été dernier au festival d’Aix en Provence. L’accueil critique a été plutôt bon mais la cour de l’archevêché avait retenti de sifflets mélangés aux vivats. Pour Lyon, la distribution a changée et il me fallait donc me rendre compte si ce démarquage radical avec la tradition passait la rampe en intérieur dans un théâtre lyrique.
L’opéra de Puccini créée en ouverture du XXe siècle a sans aucun doute été popularisé par la seule version filmée de Maria Callas dans un grand rôle où elle était mise en scène. « Tosca » est un monument pour une chanteuse lyrique. Toutes les grandes divas ont marqué leur passage dans cette histoire d’amour tragique entre un peintre et une prima donna. Amours contrariées dans leur idylle par le chef de la police, un rien sadique.
Une véritable résurrection lyonnaise
A Lyon, l’œuvre n’avait pas été montée depuis 41 ans. Entre deux tournages de cinéma, le metteur en scène, Christophe Honoré semble prendre de plus en plus goût a proposé au public un regard singulier du répertoire lyrique. Avec « Tosca », son 4e opéra à Lyon, c’est plus le personnage de la diva qui l’intéresse que l’histoire d’amour romaine sur fond de guerre napoléonienne adaptée par Puccini d’une pièce de Victorien Sardou. Ah la diva, la prima donna ! Celle qui par un simple air peut faire chavirer les cœurs, couler les larmes et user les vinyles sur le même air en boucle. Et c’est d’ailleurs par un disque jouant le fameux air de Tosca dans l’ace II que commence la représentation. Sur scène, Catherine Malfitano, célèbre interprète du rôle dans les années 80. Nous sommes dans son appartement hanté des souvenirs de ses succès. Avec elle, nous allons vivre la transmission de ce rôle de Tosca à une jeune chanteuse.
Diva d’un jour, diva toujours
Dans la version lyonnaise, Elena Guseva relève ce défi avec talent. Christophe Honoré tend en quelque sorte un miroir aux deux femmes pour ajuster leurs rôles. L’ancienne prima donna se regarde dans le rétroviseur, la jeune soprano ajuste petit à petit son image sous le regard de son ainée et de deux caméramen qui nous retransmettent sur écrans les actions simultanées sur le plateau. Ce qui ressemble à une sorte de documentaire sur la chanteuse vieillissante, à la manière du film « Sunset boulevard » totalement revendiqué par Honoré, se complexifie dans le deuxième acte. La multiplication des écrans et des images d’archives se mêlant à l’action sur le plateau peut perdre, voire distraire l’attention. Mais le geste de passage de flambeau du rôle-titre entre Catherine Malfitano et Elena Guseva au moment du plus célèbre air de Tosca vissi d’arte, vissi d’amore - j’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour me fait basculer dans le camp de Christophe Honoré. Tout est dit dans ces deux phrases. Elles résument le destin d’artiste d’une diva. Toute sa personne est dévolue à sa carrière et pourtant son parcours peut s’arrêter brutalement avec la perte de ses possibilités vocales. Honoré porte à l’incandescence ce rite sacrificiel de la chanteuse lyrique, divine diva. Dans une sorte de cérémonie païenne dans son salon, comme un objet sacré, on brandit son portrait au faîte de sa gloire. Elle a marqué les souvenirs à tout jamais dans ce rôle, aujourd’hui elle vit dans son passé au risque de s’y perdre. Il est temps pour elle de passer le relais.
Porté par un orchestre dirigé par Daniele Rustioni au sommet de sa puissance, cet opéra marquera tous les amoureux des grandes figures lyriques. Il déroutera ceux qui cherchent à retrouver une simple reprise de l’histoire du XIXe siècle. Avec un peu de préparation et quelques clés de lecture vous goûterez encore plus la sublime musique de Giacomo Puccini et vous fondrez dans l’univers des drama diva.
« Tosca » de Giacomo Puccini, mise en scène par Christophe Honoré, dirigée par Daniele Rustioni, à l’opéra de Lyon jusqu’au 5 février
Une version filmée est toujours visible en replay sur France.tv.