360 trottinettes électriques, louées aux lyonnais par quatre opérateurs, ont été la cible d'une opération de "neutralisation", organisée et revendiquée par les militants de "Extinction Rebellion", un collectif qui veut lutter contre le réchauffement climatique, avec des actions atypiques.
Mercredi 17 juin, le mouvement "Extinction Rebellion", dans une action intitulée symboliquement "Trottiniet", a annoncé avoir neutralisé pas moins de 360 trottinettes "pour protester contre leur désastreux impact social et environnemental".
Dans un communiqué, ces militants expliquent que les opérateurs qui proposent ces trottinettes participent, selon eux, à "un désastre social, avec l'exploitation sans fin des employés qui se voient refuser jusqu'à un statut protecteur". En plein débat lié aux élections municipales et métropolitaines -où les candidats rivalisent de propositions en faveur de l'environnement- le groupement d'action reproche également à ces engins d'être "une charge lourde pour les collectivités". Selon leurs informations, ces trottinettes seraient également "un danger qui menace les piétions, les usagers, puisqu'étant source d'accidents". La plupart de ces affirmations sont renforcées par des liens vers des articles publiés par des sites écologistes ou encore des articles de presse, comme celui publié par Libération en novembre 2019.
"Un moyen de contrôler nos déplacements quotidiens"
Pour justifier leur action, les militants anonymes lyonnais expliquent enfin que la trottinette est "une aberration écologique, notamment à cause de sa batterie". Elle serait coupable de "remplacer les déplacements piétons, en vélo ou même en transports en commun.". Plus étonnant, ils estiment que ces trottinettes sont "une façon de plus pour la société de surveillance portée par les entreprises de la Silicon Valley de s'introduire et de contrôler nos déplacements quotidiens".
Un débat très vif a débuté sur les réseaux sociaux
A contrario, les usagers n'ont guère apprécié cette idée et le font savoir, notamment, sur les réseaux sociaux. "Les vendeurs de 4*4 vous remercient" commente l'un d'eux. "En réalité, si vous réduisez la durée de vie moyenne d'une trottinette, vous entrainez la production d'autres, pour les remplacer. Si votre combat est réellement écologique, vous vous trompez" explique un autre internaute...
Votre véhicule personnel ne risque rien, je vous assure ? nous nous en prenons aux trottinettes car elle sont le symbole d'un système sur lequel les législateurs n'ont aucun contrôle et où les entreprises règnent en maître, un système qui ne laisse aucune place à l'opposition.
— Xyloforce (@xyloforcia) June 18, 2020
Donc en gros la logique c'est: MOI Xyloforce j'aime pas les trottinettes, donc vous tous je ne vous authorize pas a la les utiliser
— Remi (@Remi_Busseuil) June 18, 2020
"Les déplacements urbains doivent être pensés d'une autre façon."
Contacté par nos soins, Camille, qui représente officiellement le mouvement, ne revendique pas forcément toutes les réponses postées par tel ou tel militant "à titre individuel". "Chacun parle librement sur les réseaux sociaux mais on n'a pas un système hiérarchisé qui lui donne le droit de parler pour tout le groupe" explique-t-il. Il précise que le collectif sait pertinemment que les utilisateurs de ces trottinettes en location sont "d'abord des personnes aisées, et aussi des étudiants. Que ceux-ci estiment que c'est un système pratique, c'est un argument. D'ailleurs, on n'est pas là pour juger des individus. Mais plutôt se demander pourquoi on en arrive à ce que des entreprises privées mettent sur les marchés des instruments qui pourraient être organisés par le service public, tels un meilleur maillage des bus, et des vélos gérés collectivement". Ces militants veulent mettre en avant des solutions qu'ils considèrent plus écologiques et sociales. "On ne peut plus penser comme dans le monde d'avant. On doit réfléchir de façon collective, et pas satisfaire le besoin d'un tel, juste parce qu'il en a envie. On pense qu'on ne peut plus laisser des entreprises capitaliser sur de tels marchés à conquérir. Les déplacements urbains doivent être pensés d'une autre façon." insiste Camille.
"On écoute les critiques et on reste humble"
Quitte à saboter ? La stratégie adoptée est clairement assumée. "Nous sommes pour la diversité des tactiques. On encourage les initiatives faites pour négocier, mais on pense que toutes sont nécessaires. On pense que l'escalade est importante pour arriver à notre but. Il va falloir aller plus loin jusqu'à ce qu'on obtienne ce qu'on pense être bon. On estime que si des décisions politiques fortes étaient prises, ces entreprises quitteraient Lyon." Et l'image négative des actions auprès des usagers ? "On n'est pas un groupe autoritaire, au contraire. Cela nous permet de réfléchir pour voir si nos stratégies sont bonnes, voire les adapter. On écoute les critiques et on reste humble. Sur les réseaux sociaux, il y a des arguments pour et des arguments contre. Mais c'est vrai que cette action a été vue d'une moins bon oeil qu'une action similaire, en début d'année, où l'on avait simplement mis un coup de marqueur sur les QRcodes. Là, l'opinion publique était plutôt favorable."
Les opérateurs envisagent de porter plainte
De leur côté, les opérateurs regrettent ce type d'opération de sabotage et "se concertent actuellement pour déposer plainte", nous a expliqué le responsable de l'entreprise LIME à Lyon. "C'est regrettable et malheureux. Honnêtement, on se bat tous les jours pour avoir le service le plus propre possible, pour avoir des trajets non-polluants, qui ne font pas de bruit. Les actions ont touché l'ensemble des opérateurs, avec lesquels on travaille main dans la main, notamment pour organiser nos équipes de stationnement en ville ensemble." explique Antoine Bluy.
Malgré les affirmations des "Rebelles d'XR Lyon" qui parlent de la neutralisation définitive de ces engins, il semble que les dommages causés ne soient pas irréversibles. Des réparations sont déjà en cours. "Mais on préfère se concentrer sur les nouvelles positives et les innovations que nous apportons au quotidien. Ce sabotage, c'est la politique du pire. Ça crée des cadavres de trottinettes dans la rue, que l'on va devoir retrouver, récupérer et réparer. "
Un nouveau modèle débarque à Lyon dès le 19 juin
L'opérateur Lime annonce, dans la foulée, un nouvel abonnement et la mise en service imminente d'un nouveau modèle de trottinettes, qui sera disponible dès le 19 juin à Lyon. "C'est un modèle plus robuste, plus stable. Le fruit de deux ans d'écoute des attentes des utilisateurs. Il comprend une nouvelle fourche avec double-suspension, un nouvel écran, plus grand qui donne la vitesse, le pourcentage de batterie... Il sera plus sécure, avec un câble de frein intégré totalement dans le véhicule. Il y aura donc moins de pièces à réparer, ce qui augmentera la durée de vie de chaque trottinette."
A Lyon, après diverses implantations et échecs, et suite à une sévère concurrence, il ne reste quatre opérateurs : Lime, Voi, Bird et Dott.