Tandis que son associé et sa famille viennent de remettre le pied sur le sol français, Mustafa s’inquiète pour l’avenir de sa jeune épouse et de ses frères et sœurs restés à Kaboul.
Il a 30 ans et vit à Lyon depuis 2014. Il a été en contrat avec l’armée française pendant trois ans, dans les années 2010. Et aujourd’hui, il demande plus que jamais le rapatriement de sa femme, Madina et de sa famille encore installés en Afghanistan. Les relations entre Mustafa et la France débutent en 2010. Il devient interprète pour l’armée française. Un lieutenant-colonel, qui l’a remarqué, le sent doué pour les langues étrangères. Il encourage Mustafa à apprendre le français pour travailler comme traducteur pour l’armée française très présente à Kaboul. Les besoins sont considérables. Pour Mustafa, qui en a toujours pincé pour la langue de Molière, c’est une occasion unique. Pendant quatre ans, il va collaborer avec les troupes françaises. Jusqu’à la fin 2013, date à laquelle son contrat prend fin. Les Français songent de plus en plus à quitter le bourbier afghan, et nombre de traducteurs voient leurs contrats rompus.
Statut de réfugié
A la fin de leur mission, les traducteurs peuvent bénéficier du statut de réfugié et se rendre en France. Mustafa débarque à Grenoble et rejoint Lyon où la communauté afghane est plus importante. C’est là qu’il va croiser le chemin de Shapour et le rejoindre dans son magasin d’alimentation lyonnais. Sur place, il a laissé sa copine avec qui il vit depuis 2012, Madina. Les années passent et Mustafa, qui ne peut retourner dans son pays d’origine, en raison de son statut de réfugié, se lance avec Madina, dans les préparatifs de leur mariage. En 2019, tous les papiers administratifs sont enfin réunis et le mariage est prononcé sans la présence de Madina, toujours à Kaboul.
Un contexte redoutable pour sa famille
Aujourd’hui, l’inquiétude gagne chez Mustafa. Le nouveau contexte afghan lui fait redouter les pires ennuis pour sa femme et son entourage familial. Ces deux dernières années, il a réussi à rassembler les documents administratifs en vue d’un regroupement familial. Mais le temps passe et le dossier est en quelque sorte au point mort. « Il faudrait que l’on puisse décrocher un rendez-vous dans une ambassade ou un consulat de France dans un pays limitrophe, l’Inde, le Pakistan ou l’Iran, explique Mustafa. Deux rendez-vous avaient été fixés en juillet et en octobre prochain, mais ils ont été annulés, à cause du Covid, m’a-t-on laissé entendre. »
Dans le collimateur des Talibans
Pourtant, le temps presse… Madina, qui intervient en qualité d’économiste pour l’ONG Afghan Women Network à Kaboul, est dans la collimateur des Talibans. Les frères et sœurs de Mustafa, dont certains ont également travaillé avec les forces françaises, aussi. Depuis l’annonce du président Macron, Mustafa espère que la situation de Madina et de ses cadets trouvera un aboutissement rapide. Pour lui, c’est primordial : « J’ai travaillé fidèlement, j’ai tout donné à la France. Ce que je lui demande en retour, c’est la mise en sécurité de ma famille. Son rapatriement avant que ce ne soit trop tard, avant qu’ils ne soient éliminés par les Talibans. »