Un enseignement est proposé aux cadres religieux et imams de Lyon, en partenariat avec l'université catholique et bientôt l'université Lyon 3. Dans la métropole, ce type de formation existe depuis 2012 et a permis de former 120 imams.
Abdelmadjid Ariouat est imam bénévole à la mosquée de Saint-Priest, dans l'agglomération lyonnaise. Il assure le prêche chaque vendredi depuis que le titulaire, venu d'Algérie, a été congédié. Cet imam bénévole se rend également dans d'autres lieux de culte...
Laïcité, droit et questionnements des fidèles
Abdelmadjid Ariouat a bénéficié d'une formation à l’Institut français de civilisation musulmane (IFCM). Dans ce centre, les cadres religieux acquièrent des connaissances sur le droit français, les autres religions et la laïcité. Abdelmadjid n'a pas suivi de cursus religieux en Algérie, son pays d'origine. Il voulait adapter sa religion à la société française : "cette année, on a décidé de participer à cette formation parce que la laïcité, il faut la comprendre pour qu'on puisse l'expliquer (...), il est temps que l'on donne la bonne explication à la majorité des gens qui posent des questions".
Pour Bruno Abd-al-Haqq Guiderdoni, enseignant Institut français de civilisation musulmane (IFCM) sont face à des défis et des questionnements complexes. "Les imams ont à faire face à des questions qui leur viennent de leurs fidèles, qui sont souvent des jeunes, qui sont passés par l'école de la République, qui sont pour beaucoup à l'université et qui posent des questions sur la société française du 21e siècle." Il précise : "un imam doit avoir des réponses à proposer à ces questions et il ne peut pas se contenter des recettes apprises lorsqu'il était en faculté de théologie et qui ne sont pas connectées avec les besoins et attentes des citoyens français de confession musulmane".
Former les imams de demain
Dans la métropole de Lyon, les cadres religieux et imams sont formés en deux ans. Cette formation s'effectue en partenariat avec l'université catholique et bientôt avec l'université Lyon 3. Ce type de formation, qui tient compte du contexte national, existe depuis 2012 à Lyon. Elle a permis de former 120 imams.
"Pendant longtemps, on se contentait de recevoir des imams de l'étranger qui ne connaissaient ni les institutions, ni l'état d'esprit du pays. Ils venaient et enseignaient n'importe quoi", explique Kamel Kabtane, Président du Conseil des mosquées du Rhône. "Aujourd'hui notre responsabilité, c'est d'abord de former les imams pour l'avenir."
Une connaissance essentielle de la société
La question du statut des imams est sensible. Une grande majorité travaille pour gagner leur vie. Comme la quasi-totalité des 2.000 imams en France, Abdelmadjid Ariouat exerce un métier en parallèle. Il est directeur commercial d'une petite entreprise créée avec son ami Hassan, imam bénévole comme lui. Cet ancrage dans la société est une valeur ajoutée et vient enrichir leurs prêches. "Un imam aujourd'hui, il ne faut pas qu'il soit entre quatre murs, entre chez lui et la mosquée", explique Abdelmadjid Ariouat. "Ce que partage l'imam avec les fidèles, c'est ce qu'il vit tous les jours". Pour Abdelmadjid Ariouat, c'est ainsi que l'imam peut donner aux fidèles "les codes pour respecter la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui, avec ses principes, ses valeurs, ses droits..." Une connaissance du contexte français aujourd'hui enrichie par la formation.
Le problème du statut et du financement des imams
La formation des imams en France vise à se prémunir d'une instrumentalisation de l'Islam à des fins politiques. Reste que les mosquées demandent aujourd'hui à être aidées financièrement pour ne plus avoir recours à des religieux venus de l'étranger. En France, rares sont les imams qui perçoivent un salaire. Ils sont seulement dédommagés de leurs frais par l'argent de la quête. La majorité des associations de culte n’ont pas les moyens de salarier un imam. "Nous on n'a pas les moyens. Si l'imam vient d'Algérie, c'est l'Algérie qui paye". Mohamed Miloudi, Président association culturelle mosquée Saint-Priest résume simplement la situation: les imams venus de l'étranger sont rémunérés par leur pays de provenance.
Au-delà de la question de la formation, la question du financement pose donc un vrai problème. Pour Azzedine Gaci, "tout est problème de finances". Et le Président du conseil théologique des imams du Rhône explique : "Il y a des imams qui ont une formation, un bac +5 ou bac +4, mais les mosquées et notamment les petites mosquées, n'ont pas la capacité financière de les prendre en charge'.
D'ici 2024, tous les imams devront être formés en France. L'objectif de ces formations : lutter contre les imams importés ou pire, contre les imams autoproclamés. Ils sont encore 300 sur 2000 en fonction, à venir de l'étranger, principalement du Maroc, de Turquie et d'Algérie.