Mai 68 : la grève des journaux à Lyon

Alors qu'au niveau national les travailleurs de la presse ont pour consigne syndicale de continuer à faire paraître les journaux pour assurer l'information de la population sur le mouvement, dans la région lyonnaise les imprimeries du Progrès sont à l'arrêt, en grève illimitée. 

Mai 68 et l'exception médiatique régionale en Rhône-Alpes. Dans la région lyonnaise les imprimeries du Progrès sont à l'arrêt, en grève illimitée... Un mouvement qui donnera la place à une initiative de journal alternatif et militant unique en France. Ainsi voit le jour ; le Journal du Rhône rédigé  publié et vendu par des militants de la CFDT, du PSU et de l'association générale des étudiants lyonnais.
Une publication qui permettra pendant un mois de mobiliser et d'informer sur les luttes ouvrières et estudiantines.

Les évènements de Mai 68 à Lyon au fil des jours:

 1er mai

Importante manifestation à l’appel de la CGT, de la FEN et de l’AGEL. Depuis 14 ans, défiler le 1er mai était interdit dans la capitale.

  6 mai

Un appel à la grève lancé la veille est suivi à 80% à l’INSA, à la Faculté des Sciences et à la Faculté des Lettres de Lyon.
Grève des techniciens aux PTT.

  7 mai

Par solidarité avec le « Mouvement de Nanterre », environ 3 000 étudiants lyonnais manifestent entre 16 et 19 heures de l’INSA au centre-ville.

  8 mai

Nouvelle journée de grève aux PTT (préposés, tri et bureaux de poste). La grève étudiante se poursuit, sauf à la Faculté de Droit. Le SNE-Sup appelle les enseignants à la grève.

  8 au 10 mai

Série de manifestations étudiantes. On commence à voir apparaître de jeunes lycéens. Le 9 mai, des groupes isolés s’en prennent au hall du journal Le Progrès. Le 10, la Faculté des Lettres est occupée.

  11 mai

Une manifestation étudiante d’un millier de personnes passe pour la première fois aux abords de la préfecture.
De nombreux lieux à Lyon commencent à être rebaptisés : le lycée national du Parc devient le « lycée national de la révolte » et le quai Claude-Bernard se transforme en quai « Cohn-Bendit ». A la Faculté des Lettres, l’amphithéâtre Edgar-Quinet prend le nom de « Che Guevara ». D’autres amphithéâtres sont également renommés des noms de Fidel Castro, Mao Tsé-toung ou Rudi Dutschke.

  12 mai

Vers 22 heures, un groupe d’étudiants ayant la volonté de diffuser un communiqué en Une du Progrès et du Dauphiné libéré réussit à perturber l’imprimerie de Chassieu et la parution des quotidiens.

  13 mai

Défilés d’étudiants, lycéens et travailleurs dans toute la France. Occupation de la Sorbonne.
Les étudiants envahissent le Festival de Cannes.

  14 mai

2 000 jeunes des collèges techniques et lycées lyonnais manifestent à leur tour de la place Gabriel-Péri à la rue de la République. Ils poursuivent jusqu’au lycée Ampère et à l’Inspection académique.
Inauguration du Théâtre du Huitième par Louis Pradel.

  15 mai

Les premiers examens universitaires devant avoir lieu à partir du 20 mai, les étudiants de la Faculté des Lettres décident de ne pas les passer. En Psychologie, le boycott est adopté, en Histoire, le report est accepté à l’unanimité, tout comme en Géographie, en Anglais, Philosophie, Allemand et Espagnol. Le lendemain, les étudiants en Médecine votent également un report de la date des examens.

  19 mai

Les TCL – Transports en Commun Lyonnais – s’associent à la grève illimitée qui touche de nombreuses entreprises de la région. La grève est suivie à partir du 21 mai par les cars Citroën et partiellement par les cars Philibert.
Occupation de la Faculté de Médecine.

20 mai

Berliet, Rhodiaceta, Richard-Continental, SNAV, SNCF, Teppaz, Pelle, Brandt, Paris-Rhône, Seguin, Durschmitd, Uginor, Camping-Gaz sont les principales entreprises occupées par les ouvriers. Les services municipaux – égouts, service des eaux, Bureau d’hygiène, buanderie, etc. – sont également en grève.

  21 mai

L’Entreprise de presse n° 1 (EP1) et les ouvriers du Livre sont en grève. Jusqu’au 7 juin, la grève rend impossible la publication de nombreux quotidiens, notamment du Progrès de Lyon, de L'Echo-La Liberté, du Dauphiné libéré et de Dernière Heure lyonnaise. Seule La Voix du Lyonnais, supplément régional de l’Humanité, paraît encore quotidiennement sous le titre provisoire de La Voix du Rhône, bientôt suivi à partir du 24 mai par un nouveau quotidien, Le Journal du Rhône.
Même situation dans les studios et les émetteurs-radio et TV de l’ORTF qui ne diffusent plus que trois journaux parlés et un journal télévisé régional chaque jour, à l’exclusion de tout autre programme.
Etats généraux de la Culture au Théâtre de la Cité à Villeurbanne (jusqu’au 11 juin).
La raffinerie de Feyzin cesse ses activités. Le port Edouard-Hérriot est bloqué. La Sécurité sociale et les PTT sont en grève.

  22 mai

Les Hospices civils de Lyon et le Centre de Chèques postaux sont à leur tour touchés.
Fermeture des grands magasins : Galeries Lafayette, Grand Bazar, Carrefour (Vénissieux), Nouvelles Galeries (Bron), Prisunic.

  23 mai

400 étudiants manifestent dans le quartier de Vaise et se rendent devant les portes de l’usine occupée de la Rhodiaceta.
Vers 23 heures, un demi-millier de jeunes gens, parmi lesquels de nombreux étudiants venus des Facultés qu’ils occupent, se dirigent vers la préfecture. La manifestation se termine dans le calme vers 2 heures du matin.
Le Théâtre de la Cité est occupé par le personnel.

  24 mai

Plus de trente directeurs de Centres dramatiques réunis à Villeurbanne rédigent un manifeste pour remettre en cause leur fonction et leur rôle.
Parallèlement, vers 15 heures, le personnel de l’Opéra de Lyon et celui du Théâtre des Célestins décident une grève immédiate avec occupation des lieux de travail pour une durée illimitée.
Dans l’après-midi, l’UNEF organise une grande manifestation de Bellecour aux Terreaux qui se déroule dans un premier temps sans incidents. En fin de parcours, quelques manifestants débordent le service d’ordre. Une lutte s’engage, d’abord sur la rive gauche du Rhône, dans le quartier de la préfecture, rue Vendôme et cours Lafayette, puis dans le quartier des Cordeliers. Les affrontements se poursuivent jusque tard dans la nuit.
Vers 23h40, un camion chargé de pierres est lancé par les émeutiers contre les forces de l’ordre. Un commissaire de police, René Lacroix, est mortellement blessé sur le pont Lafayette.
Les affrontements avec les forces de l’ordre dans la nuit du 24 au 25 mai donnent lieu à près de 200 arrestations. Une quarantaine de personnes est hospitalisée.
Les émeutes connaîtront également des suites judiciaires : deux jeunes gens, Michel Raton, ouvrier agricole de 19 ans, et Marcel Munch sont inculpés d’homicide volontaire sur la personne du commissaire René Lacroix (ils ne seront jugés qu’en septembre 1970, puis acquittés). Douze autres personnes sont déférées au Parquet.

  28 mai

En l’absence de presse, En Bref Lyon, journal du Cercle Tocqueville de Lyon, passe, le temps de cinq numéros, d’une parution bimensuelle à une parution bi-hebdomadaire. Le journal modifie également son format pour devenir une grande feuille recto-verso vendue sur la voie publique au prix de 50 centimes.
Le commissaire René Lacroix est cité à l’Ordre de la Nation et une cérémonie officielle a lieu à la préfecture du Rhône. Ses obsèques se déroulent en début d’après-midi à l’église Saint-Bonaventure dans le quartier des Cordeliers.
Un appel au calme est lancé par Louis Pradel, maire de Lyon.

  29 mai

Une grande manifestation unitaire, organisée par l’ensemble des syndicats ouvriers et l’UNEF, rassemble 80 000 personnes. Elles défilent de la place Bellecour à la place Jules-Ferry dans le quartier des Brotteaux.
Le journal télévisé régional est supprimé par décision de l’intersyndicale de l’ORTF.

  30 mai

A 15 heures, une manifestation organisée à l’appel de l’AGEL, et à laquelle devait prendre part Jacques Sauvageot (vice-président de l'UNEF), s’achève par un meeting sur la place Lazare-Goujon à Villeurbanne. Au nom des artistes du Théâtre de la Cité, le comédien Jean Bouise demande aux manifestants de ne pas occuper le théâtre.

  31 mai

A l’appel des comités d’Action civique du Rhône, une contre-manifestation gaulliste est organisée de Bellecour aux Terreaux. Elle réunit entre 70 et 100 000 personnes. En signe de soutien, Louis Pradel apparaît au balcon de l’Hôtel de Ville.

  1er juin

Une jeune syndicaliste de la CGT, Michèle Sarola, est grièvement blessée par le directeur de l’usine Scandale à la Croix-Rousse alors que ce dernier tente de forcer le passage à la porte de son établissement.
  3-4 juin
Après l’annonce du report des examens universitaires en septembre, la Faculté de Droit décide de maintenir la date initialement prévue pour les étudiants en licence, en la reportant simplement de quatre jours, entre le 4 et le 8 juin. Dans la nuit du 3 au 4 juin, et jusqu’à 13 heures, la Faculté de Droit est réoccupée par les étudiants en Lettres désireux d’empêcher le bon déroulement des épreuves.
Parallèlement, vers 19 heures 30, la Faculté des Lettres est attaquée par des étudiants en Droit et des groupes d’extrême-droite. Intervention des forces de l’ordre vers 22 heures.
Dans les jours qui suivent les facultés connaissent de nombreux vols, saccages et dégradations.

  6 juin

Les postiers, les cheminots et les agents d’EDF reprennent le travail, suivis le lendemain par les traminots des TCL. On compte encore 40 000 ouvriers en grève dans le secteur de la métallurgie et 10 000 dans celui de l’industrie chimique lyonnaise.

  11 juin

La reprise du travail s’amorce doucement dans les principales usines de la région : le 11 juin à la Rhodiaceta, le 19 à Berliet, le 25 à Paris-Rhône (3 400 salariés) et à la SIGMA de Vénissieux et Villeurbanne (1 700 salariés), le 26 à la SNAV (Société Nouvelle des Ateliers de Vénissieux, 900 salariés)..

  Mi-juin

Les examens universitaires sont dans la plupart des cas repoussés au début de l’automne : en septembre pour la licence de Droit, le 16 septembre pour les étudiants en Lettres, en septembre et octobre pour les étudiants en Sciences.

  23 au 30 juin

Elections législatives et victoire gaulliste.

  29 juin

Fin de l’occupation de l’école des Beaux-Arts de Lyon après intervention des forces de l’ordre.

  1er juillet

La CIFTE (Compagnie industrielle des Tubes électroniques, 625 salariés), sur la route d’Heyrieux, est l’une des dernières usines du département à reprendre le travail après 42 jours de grève.

  11 juillet

La Faculté des Lettres du quai Claude-Bernard est fermée après évacuation des derniers occupants.
Alors qu'au niveau national les travailleurs de la presse ont pour consigne syndicale de continuer à faire paraître les journaux pour assurer l'information de la population sur le mouvement qui prend une ampleur nationale, dans la région lyonnaise les imprimeries du Progrès sont à l'arrêt, en grève illimitée. Un mouvement qui donnera la place à une initiative de journal alternatif et militant unique en France. Intervenants : Bernard Saugey, 75 ans ancien journaliste, Robert Lagrange, 78 ans ancien linotypiste du Progrès ; Jean Léonardi, 79 ans militant CFDT ©France3 RA

 

Chronologie des événements
En 1967, la situation sociale à Lyon est tendue. Si l’on excepte la période estivale, plusieurs usines se mettent en grève dès cette année-là avec des revendications portant sur la sécurité de l’emploi, les salaires, les conditions de travail : chez Berliet en mars, à la Rhodiaceta – à Lyon comme à Besançon – en février, mars et décembre.
La situation est similaire du côté des Facultés. Dès le 16 novembre 1967, plusieurs dizaines d’étudiants sont arrêtés lors d’une manifestation interdite, organisée dans le centre de la ville par les organisations politiques et syndicales (CFDT, PSU, AGEL) qui tentent de dénoncer l’intervention américaine au Vietnam. Quelques mois plus tard, le 8 février 1968, une autre manifestation se tient devant le Rectorat au moment même où Jacques Chirac, ministre d’Etat à l’Emploi, en visite à Lyon, vient confirmer des aides spécifiques de l’Etat aux industries de pointe et la création d’une Agence nationale pour l’Emploi dans le Rhône, la Loire, l’Ain et l’Isère. Enfin le 14 mars, une manifestation qui réunit 500 personnes est organisée par la Fédération des résidences universitaires de l’UNEF et de l’AGEL. Elle aboutit à la fin du mois à plusieurs protestations contre la « ségrégation sexuelle » et la distinction entre « majeur » et « mineur » (la majorité civile est alors de 21 ans) au sein des résidences universitaires.
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