Le 1er février 1954, l'Abbé Pierre lançait son célèbre appel sur les ondes. Au lendemain de cet anniversaire, le 27e rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en France vient de paraître. Alors que le quinquennat d'Emmanuel Macron arrive à son terme, la fondation dresse un constat sévère.
"Mes amis, au secours, une femme vient de mourir gelée, cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du Boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée..."
Le 1er février 1954, il y a tout juste 68 ans, l'Abbé Pierre lançait son appel sur les ondes de Radio Luxembourg. Avec cet appel à la solidarité, il interpellait aussi les pouvoirs publics sur la situation des personnes sans abri lors de cet hiver particulièrement rigoureux.
68 ans après cet appel, la question du logement reste épineuse en France. Chaque année, la Fondation Abbé Pierre publie un rapport sur "l’état du mal-logement en France". Selon le rapport 2022, le logement a été "le parent pauvre du quinquennat du président Macron".
Logement : le bilan du quinquennat pointé du doigt
"De manière générale, il apparaît que le logement n'a jamais été une priorité de l'exécutif au cours de ce mandat", dénonce la fondation.
Le phénomène n'est pas nouveau mais les chiffres dévoilées ce jour donnent toujours le vertige : selon la Fondation Abbé Pierre, 4,1 millions de personnes sont mal logées dans le pays. Elle a décompté 300 000 personnes sans domicile, soit deux fois plus qu'en 2012. Enfin, plus de 22 000 personnes vivant dans un lieu de vie informel ou indigne, squat, bidonville.
Qu'en est-il au niveau régional? Difficile de traduire ces chiffres nationaux en région et notamment en Auvergne Rhône-Alpes qui comporte trois métropoles, selon Véronique Gilet, Directrice de la Fondation Abbé Pierre en Auvergne Rhône-Alpes. Concernant les personnes qui vivent dans la rue, le phénomène est difficilement quantifiable : "c'est un public très évolutif et très mobile. Les profils sont très variés," ajoute-t-elle. En soulignant l'initiative récente de la ville de Lyon, la première nuit de la solidarité.
Les inégalités en matière d'accès au logement se sont-elles renforcées lors du quinquennat écoulé? "De manière générale, il apparaît que le logement n'a jamais été une priorité de l'exécutif au cours de ce mandat," dénonce la Fondation Abbé Pierre.
La Fondation pointe notamment du doigt la réforme des aides au logement (APL). Ces aides sont désormais calculées en fonction des revenus récents et non plus ceux remontant à deux ans auparavant. La Fondation propose de revaloriser les APL, et de les articuler avec les minima sociaux, dont elle réclame qu'ils soient augmentés à hauteur de 50% du revenu médian (900 euros par mois) et ouverts aux 18-25 ans.
Logement social ou parc privé : les ménages à faibles revenus à la peine
Egalement dénoncée, la baisse du nombre de logements sociaux autorisés chaque année. Elle a été continue pendant le quinquennat jusqu'à un rebond en 2021 : 104.800. Mais c'est nettement moins que les 150.000 annuels réclamés par la fondation.
En matière de location, la demande est "très tendue" avec "neuf demandes pour une offre" selon Véronique Gilet. Le parc privé n'est pas accessible et le manque de logements sociaux est criant pour ceux qui n'ont d'autres choix. "Au niveau national, on est face à une baisse de la production de logements sociaux de 30%. Un logement sur trois n'est pas produit," explique-t-elle. "Et avec un parc privé qui dérape, les ménages à petits budgets, qui n'ont pas un salaire conséquent, ne peuvent pas se loger." Le constat est sans appel.
Quant à l'encadrement des loyers, mesure testée à Lyon et Villeurbanne depuis le 1er novembre, "c'est une mesure qui arrive trop tard," selon la responsable régionale de la Fondation. C'est notamment le cas pour "toute une frange de la population qui n'a déjà plus accès au parc privé."
Crise du logement: des tendances lourdes
La Fondation Abbé Pierre s'inquiète également des "tendances lourdes d'une crise du logement" à venir dans les prochaines années. Elle évoque notamment la "progression incontrôlée du prix du logement", le fonctionnement "dégradé" des services publics qui porte préjudice aux plus fragiles. Mais aussi des jeunes, dans l'incapacité de quitter le foyer familial, des classes moyennes, "coincées entre l'évolution des prix des logements et la stagnation de leurs revenus", et des classes populaires, de plus en plus éloignées des centres villes, sont les principales victimes de ces évolutions.
"Les ménages s'éloignent de la Métropole, vont vers d'autres territoires, dans la Loire ou l'Ain. On va de plus en plus loin, avec d'autres coûts," résume Véronique Gilet.
2022 : une centaine d'enfants SDF en métropole de Lyon
Le Collectif "Jamais sans toit" rappelle qu'aujourd'hui dans la métropole de Lyon, 40 enfants sont SDF et 94 sur la Métropole.
A Lyon, mardi soir, le Collectif "Jamais sans toit" organisait un rassemblement pour commémorer cet anniversaire. Le rendez-vous a été fixé à 18h, devant le Mur des Lyonnais, dans le 1er arrondissement de Lyon, au pied du portrait de l'Abbé Pierre, pour un moment festif et revendicatif.
"Jamais sans toit" se bat au quotidien pour aider les enfants scolarisés et leurs familles qui sont sans domicile, investissant notamment des écoles pour les héberger. L'association réclame aujourd'hui un toit pour ces familles.