Menace terroriste : Laurent Wauqiez demande l'expérimentation de la reconnaissance faciale autour des lycées, que dit la loi ?

De la reconnaissance faciale aux abords des lycées pour répondre à la menace terroriste. Cette demande - à titre expérimental - de Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes, intervient après l'attaque survenue dans un lycée à Arras et la mort d'un enseignant.

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C'est une demande du patron de la Région Auvergne Rhône-Alpes qui risque de faire réagir. Quatre jours après l'attaque au couteau dans un lycée d'Arras, Laurent Wauquiez, le président LR d'Auvergne-Rhône-Alpes, demande à expérimenter la reconnaissance faciale aux abords des lycées de sa région. Une demande formulée dans un entretien au Parisien, ce mardi 17 octobre.

Dans un message posté ce mardi soir sur le réseau social X, le président LR de la région, qui relaie son interview au quotidien, indique : "Face au terrorisme, je refuse la fatalité : il y a des solutions, mais il faut du courage. La République doit avoir les moyens de se défendre".

Laurent Wauquiez avait fait de la sécurisation des lycées une des mesures phare de sa campagne pour les élections régionales de 2015. Depuis 2016, la région a dépensé plus de 110 millions d'euros pour la sécurisation des lycées.

"Détecter des personnes suivies pour radicalisation terroriste" 

Candidat potentiel de la droite à l'Élysée en 2027, Laurent Wauquiez demande dans cette interview à "pouvoir expérimenter autour des lycées de (sa) région l'utilisation de ces logiciels" qui, selon lui, sont parmi les "moyens technologiques (...) qui permettraient de mieux lutter contre le terrorisme". 

Ce dispositif serait mis en place "exclusivement pour détecter les individus suivis pour radicalisation terroriste", a-t-il précisé lors de cette interview. Convenant que "notre droit actuel ne le permet pas", il a ajouté : " mais le rôle du politique, c'est de changer le droit."

Dans son entretien, le Président de la région Auvergne Rhône-Alpes a toutefois assuré ne pas "renoncer aux valeurs de la République", alors que l'acte revendiqué au nom de l'organisation État islamique a replongé la France dans l'effroi face aux attentats djihadiste. 

Mais l'idée d'expérimenter la reconnaissance faciale aux abords des lycées n'est pas neuve. En octobre 2019, La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait rendu un avis sur la mise en place des portiques de reconnaissance faciale à l'entrée d'un lycée de Nice et dans un autre établissement de Marseille. Le dispositif avait été jugé disproportionné

Reconnaissance faciale : de quoi parle-t-on ?

La reconnaissance faciale est une technique biométrique qui permet à partir des traits de visage d’authentifier une personne. C’est-à-dire, vérifier qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être (dans le cadre d’un contrôle d’accès). On compare son image à une image déjà existante dans une base de données.
Elle permet aussi d’identifier une personne. Autrement dit, de retrouver une personne au sein d’un groupe d’individus, dans un lieu, dans une image ou dans une base de données. La reconnaissance peut être réalisée à partir d’images fixes (photos) ou animées (enregistrements vidéo). Un logiciel génère une empreinte faciale, à partir de points caractéristiques du visage. L'empreinte est ensuite comparée aux images présentes dans les bases de données. 

Que dit la loi aujourd'hui ?

L'utilisation de cette technique peut présenter des risques pour le respect de la liberté. Les données biométriques font l’objet d’une attention juridique renforcée. Elles sont considérées comme sensibles par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Ces données biométriques ne peuvent être traitées qu’avec le consentement des personnes concernées ou "sur la base d’un intérêt public important", comme le rappelle la CNIL.

La reconnaissance faciale sans le consentement de la personne visée, par exemple, est donc par principe interdite. Son utilisation doit faire l’objet d’une autorisation par loi ou décret. Si la France écarte le recours à la technique de reconnaissance faciale dans l'espace public, des évolutions législatives sont déjà engagées.

Sénat : la biométrie à la Commission des lois 

En octobre 2020, la Commission des lois, à l'initiative de son président, le sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet, a créé une mission d'information sur le sujet. Fin mai 2023, la commission des lois a adopté la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public. Le texte adopté par la commission pose des interdits et définit des principes relatifs à l’usage de ces technologies. "La commission a ainsi interdit toute catégorisation et toute notation des personnes sur la base de leurs données biométriques". Elle a également interdit "toute reconnaissance à distance des personnes sur la base de ces données éminemment personnelles".

Mais la commission a cependant estimé qu’il n’était "pas possible de se priver de la reconnaissance faciale dans des cas particulièrement graves afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, à condition que son déploiement, exceptionnel, soit entouré des garanties nécessaires." La commission a estimé que "la nouveauté et le caractère intrusif des technologies biométriques" justifiaient de ne pas prendre des dispositions définitives, et donc "de n’adopter qu’un régime expérimental". 

Un texte adopté par la Chambre Haute

Le 12 juin 2023, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public. La loi a été adoptée par 226 voix, contre 117, la gauche ayant voté contre. 

La proposition de loi, émanant du Sénat, a été portée par Marc-Philippe Daubresse (LR) et Arnaud de Belenet (Alliance centriste). Les deux élus qui avaient déjà rendu un rapport d’information sur le sujet, adopté à l’unanimité en commission le 10 mai 2022. Les parlementaires, dont l'objectif est de  "faire obstacle à une société de surveillance", ont ouvert la voie à un champ d’expérimentation inédit pour des technologies controversées.

Ce texte voté au Sénat entend cependant créer un cadre légal d’expérimentation pour une durée de trois ans. Le texte fait par ailleurs la distinction entre l’utilisation de la reconnaissance biométrique a posteriori, c’est-à-dire, dans le cas de la reconnaissance faciale, sur des images récoltées puis traitées. Et la reconnaissance biométrique en temps réel, plus sensible.

L’usage de cette dernière sera circonscrit, pour les services de renseignement, à la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité. Les enquêteurs judiciaires pourront y faire appel pour les mêmes motifs ainsi que pour les affaires d’enlèvements d’enfants ou pour identifier des suspects dans des affaires de criminalité particulièrement graves. Dans ces deux cas, les autorisations délivrées – soit par le Premier ministre, soit par le procureur ou juge d’instruction – ne seront valables que quarante-huit heures.

Pour ce qui est du traitement biométrique a posteriori, il sera autorisé dans le cadre des enquêtes judiciaires pour terrorisme et faits graves, en s’appuyant sur les images et données déjà présentes dans le dossier d’enquête, et sur autorisation du procureur ou du juge d’instruction. L'expérimentation sera aussi autorisée en matière de renseignement.


Ce texte a été transmis à l'Assemblée nationale.

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