Trois jours après l'assassinat de Dominique Bernard, enseignant à Arras, la reprise des cours ce lundi a été décalée. Objectif : laisser le temps aux équipes pédagogiques de se retrouver et de discuter. Au lycée La Martinière-Montplaisir, les enseignants présents ont voté pour une journée "de deuil".
Ils ne font pas cours et n'accueilleront pas leurs élèves. Ce lundi 16 octobre, des enseignants du Lycée La Martinière-Montplaisir à Lyon, ont décrété une journée "de deuil".
Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty et trois jours après celui de Dominique Bernard, le monde de l'éducation se recueille. Dans tous les lycées et les collèges, les cours avant 10 heures ont été annulés et une minute de silence a été observée à 14 heures. Insuffisant pour les enseignants de ce lycée situé dans le 8ᵉ arrondissement.
"On nous dit de retourner gentiment devant nos élèves"
"On avait besoin de se retrouver, de sentir qu'on était ensemble. On a un métier, où on est souvent seul face à nos élèves, explique Anne Moury, professeure de lettres. On nous accorde deux heures et on nous dit de retourner gentiment devant nos élèves."
Pour ces enseignants, les deux heures bloquées pour permettre aux équipes pédagogiques de se retrouver ne sont pas à la hauteur du drame. "À chaque fois, on a l'impression que c'est une minute de silence et qu'on passe à autre chose", s'exaspère Eric Lahi, professeur de physique chimie.
"Aujourd'hui, pour la première fois, des collègues ont reconnu haut et fort qu'ils avaient parfois peur d'aborder certains sujets."
Anne Moury, professeure de lettres
"Je n'ai pas envie de renoncer"
"Récemment un film est sorti sur l'enseignement dont le titre est "Un métier sérieux", on devrait plutôt parler d'"Un métier dangereux", fait remarquer l'enseignante, face aux deux attentats qui ont coûté la vie à des collègues.
Alors, face au danger, compte-t-elle quitter l'éducation nationale ? "Je n'ai pas envie de renoncer, ce n'est pas un métier comme un autre, on ne veut pas laisser notre jeunesse se perdre." Anne Moury l'assure, en classe, elle ne se censure pas et enseigne normalement : "on fait ce pour quoi on est là, on ne baissera pas les bras !".
"Le lycée n'est pas une bulle "
L'enseignante et ses collègues attendent davantage de moyens du gouvernement. "Il faut plus d'encadrants, de personnels, on n'a pas assez de surveillants, de psychologues, d'assistantes sociales. Le malaise des jeunes s'accroît, si on n'est pas assez nombreux, on ne peut pas faire l'impossible."
"On ne peut pas faire l'impasse sur l'actualité et laisser les jeunes être victimes de désinformation. On doit apporter une parole de raison, d'ouverture d'esprit et de laïcité."
Anne Moury, professeure de lettres Modifier la citation
Même conviction pour son collègue Eric Lahi. "On a des jeunes avec des vies familiales très dures, qui ne voient plus l'école comme un escalier social. La société est tendue et le lycée n'y échappe pas, ce n'est pas une bulle. Quand on a des classes de 35 élèves, comment discuter des idées obscurantistes ? On a l'impression d'être en première ligne, c'est comme les hôpitaux, ça se délite et il n'y a que de grands discours."
Les professeurs ont profité de cette journée de deuil pour se réunir et préparer leur retour devant les élèves mardi matin. Anne Moury a déjà son programme. "On va créer un échange autour de deux textes sur la tolérance, sans rentrer dans les polémiques".