Le professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard, décédé samedi à 80 ans, était un des pionniers mondiaux de la transplantation, dont les plus marquantes restent celles d'une main sur un homme et d'un visage sur une patiente défigurée. Portrait
"Ma seule motivation, c'est de faire avancer la médecine. Je le fais pour mes malades", confiait en 2005 au quotidien Le Monde ce chirurgien hors pair, urologue de formation, dont l'ambition était à la mesure de son talent opératoire.
Né à Lyon le 17 mai 1941, Jean-Michel Dubernard avait fait toute sa carrière médicale dans la capitale des Gaules où il avait occupé le poste de chef du service urologie et transplantations à l'hôpital Edouard Herriot (1987-2002).
Parallèlement professeur à l'université Claude Bernard Lyon I et chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, il est l'auteur de quelque 500 publications médicales internationales. "J'avais à peine 11 ans quand j'ai eu la vocation après une opération de l'appendicite et l'annonce de la première transplantation de rein" (ndlr: à Boston aux Etats-Unis),expliquait au quotidien du soir ce bourreau de travail, grand amateur de rugby et de poésie à ses heures perdues.
Docteur en médecine et en biologie humaine, formé également à la Harvard Medical School de Boston auprès du chirurgien américain Joseph Murray, Prix Nobel de médecine en 1990, Jean-Michel Dubernard - que ses proches surnommaient "Max" - avait réalisé avec succès la première transplantation européenne rein-pancréas en 1976.
S'en étaient suivies la première greffe au monde d'une main, en septembre 1998, sur le Néo-zélandais Clint Hallam puis celle -bilatérale- des mains et avant-bras sur le Français Denis Chatelier en janvier 2000.
Cinq ans plus tard, à 64 ans, il frappait un nouveau grand coup planétaire en participant à la première greffe partielle du visage (le triangle formé par lenez et la bouche) sur la Française Isabelle Dinoire, défigurée par son chien. "Isabelle avait la gueule arrachée. On ne pouvait pas la réparer. Il fallait l'aider, sinon nous n'aurions pas été des médecins", disait-il encore au Monde après cet exploit. En 2008, il reçoit le prix Medewar qui consacre les contributions exceptionnelles dans le domaine de la transplantation.
Sa réputation est telle que bien des années plus tard un Islandais amputé des deux bras viendra, sur ses conseils, s'établir à Lyon pour bénéficier d'une greffe. Il sera finalement opéré en janvier, dans un nouveau succès de l'école lyonnaise de transplantation.
Double casquette
Ces réussites très médiatisées n'occupaient pas assez le Lyonnais, qui décidait au début des années 80 de se lancer en politique en s'inscrivant au RPR. Une double casquette que certains observateurs ont perçue comme un hommage à son père Marcel, médecin également et maire pendant presque 40 ans de la petite commune de Charly(Rhône).
Vice-président du comité de soutien de Jacques Chirac pour l'élection présidentielle de 1981, le professeur Dubernard étoffait un peu plus son parcours politique en soutenant deux ans plus tard à Lyon le gaulliste Michel Noir dans la course à l'Hôtel de Ville. "Noir (ndlr: qui perdra alors face au maire sortant Francisque Collomb avant de lui succéder six ans plus tard) récupérait des gens jeunes, qui avaient une signification professionnelle pour les mettre sur sa liste et pour changer l'image des politicards classiques", racontait l'urologue.
Adjoint au maire de Lyon de 1983 à 2001 - successivement de Francisque Collomb (UDF), de Michel Noir (RPR) puis du centriste Raymond Barre - mais aussi député de la 3e circonscription du Rhône (1986-2007), Jean-Michel Dubernard n'aura jamais de destin gouvernemental malgré un appel en 1986 de Jacques Chirac. Mais le ministère de la Recherche lui échappera au profit du sénateur Jacques Valade.
À Lyon, pour les élections municipales de mars 2001, le médecin n'obtiendra pas non plus l'investiture de la droite pour remplacer Raymond Barre. Il se ralliera à l'UDF Michel Mercier, candidat malheureux face à son adversaire socialiste, un certain Gérard Collomb.
À l'Assemblée nationale, le médecin, auteur du livre "Sauver la Sécu" et d'une épaisse encyclopédie de la chirurgie, avait également cumulé les postes de président de la Commission des affaires culturelles et de premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
Après un passage à la Haute Autorité de Santé (2008-2017), où il a dirigé la Commission de la transparence qui évalue les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché, Jean-Michel Dubernard s'était retiré de la vie publique.
Divorcé, il avait trois enfants. Il état chevalier de la Légion d'honneur, de l'ordre national du Mérite et des Palmes académiques.