Le protoxyde d’azote a été interdit sur l'espace public dans la Métropole de Lyon. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale souhaite contrôler sa vente et l'interdire aux particuliers. Une consommation, notamment chez les jeunes, qui peut avoir des effets dangereux et irréversible sur la santé.
Des cartouches et des bombes vides qui contenaient du protoxyde d'azote sont régulièrement abandonnées sur la voie publique dans l'agglomération lyonnaise. Plus de sept tonnes de bonbonnes vides de protoxyde d’azote qui ont été collectées par les services de la ville de Lyon en 2023. Jusqu'à 25 tonnes pour la métropole. Les pouvoirs publics tentent d'enrayer la consommation de ce gaz aux effets hilarants et dangereux pour la santé. À Lyon, une interdiction d'usage sur la voie publique a été prise il y a deux mois. Depuis quatre ans, la ville de Vénissieux a pris une mesure équivalente. Sans réels effets.
Consommation problématique
Ce gaz est utilisé dans l'industrie culinaire. Son usage est également médical. Mais depuis plusieurs années, en raison de ses effets euphorisants, ce gaz est détourné. Il est inhalé le plus souvent par le biais de ballons de baudruche. Les consommateurs sont majoritairement des adolescents et jeunes adultes. L'usage du protoxyde d'azote a des fins récréatives "a explosé chez les moins de 25 ans", notent les HCL. La tendance était pourtant encore marginale il y a cinq ans, toujours selon cette source.
Nous avons constaté au fil des mois que la consommation de ce protoxyde d'azote chez les mineurs et les jeunes majeurs ne cessait de croître. Les bonbonnes se multipliaient sur la voie publique durant les week-ends et les lendemains des week-ends.
explique Mohamed Chihi, l’adjoint au Maire de Lyon délégué à la Sécurité.
La consommation du "proto", un fléau pour la santé, a donc récemment poussé la ville de Lyon a décidé de son interdiction sur la place publique.
À Vénissieux, une mesure semblable avait été prise il y a quatre ans, sans véritablement enrayer le phénomène. Si la consommation sur la voie publique est interdite, les utilisateurs se cachent. "C'est fait dans les parkings, dans les voitures, les gamins se mettent avec les ballons dans le noir… Ce n'est pas à la vue de tout le monde", selon le constat de Mokrane Kessi, président de l'association France des Banlieues. "C'est festif, c'est ce qui est dangereux," ajoute ce dernier.
Pas d'interdiction
"C'est un produit qui a été banalisé et ce n'est pas interdit. Tant qu'il n'y a pas d'interdiction formelle de faire rentrer ces bouteilles en France, ça continuera. Il faut interdire ce produit sur le territoire national, il faut que ce soit clair !" martèle Mokrane Kessi.
Ce gaz a été longtemps en vente libre, en raison de son usage alimentaire courant. Il est notamment utilisé pour les siphons à chantilly. Parce que le N2O est aussi utilisé dans le domaine médical, il a aussi longtemps bénéficié d’une réputation d’innocuité.
Le législateur a tenté d'enrayer le phénomène et son usage. La vente aux mineurs a été interdite en 2021. Une limitation d’achat à 10 cartouches en une fois a été instaurée, la vente de grosses bonbonnes est illégale depuis en 2024. En vain, le phénomène ne ralentit pas. Il est d'ailleurs facile de s'en procurer en ligne. Un projet de loi est à l'étude à l'Assemblée nationale pour contrôler la vente, l'interdire aux particuliers et le réserver aux professionnels. "Une proposition qui va dans le bon sens", selon l'adjoint à la sécurité.
Banni de l'espace public à Lyon
La ville de Lyon, inquiète du phénomène, a décidé à son tour en novembre dernier de bannir ce produit de l'espace public. Une mesure radicale. Un arrêté d’interdiction de vente ou de don, de détention et d’utilisation de cartouches (ou de bonbonnes) de protoxyde d’azote sur l’espace public a été signé à Lyon en novembre dernier. Les contrevenants majeurs risquent jusqu'à 150 euros d'amende. Pour les mineurs, les parents sont convoqués en mairie d'arrondissement.
Notre volonté, c'est d'avoir une approche de sensibilisation. Une approche pédagogique. Et d'informer les familles, les parents de la consommation de leurs enfants mineurs.
Mohamed ChihiAdjoint au Maire de Lyon, délégué à la Sécurité
La ville de Lyon pointait en premier lieu les effets sur la santé "dès le premier usage". Un usage inapproprié de ce gaz hilarant qui "fait aussi encourir des risques dans l’espace public en termes de mise en danger d’autrui, de tranquillité publique et de salubrité", avait ajouté la ville de Lyon au moment de son interdiction dans l'espace public.
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"Séquelles irréversibles" et effets toxiques
Risques d'asphyxie, de perte de connaissance et de brûlures. Les dangers pour la santé sont nombreux. Un usage répété et massif peut aussi entraîner des complications neurologiques, hématologiques, une addiction et des complications psychiatriques. Les premières séquelles peuvent apparaître rapidement. "Potentiellement addictif, ce gaz peut s'avérer dangereux et provoquer des dégâts irréversibles sur le système nerveux", soulignent les HCL. Une atteinte des neurones à ne pas prendre à la légère.
Son usage a été détourné au profit récréatif. Ça provoque une sensation de relaxation, très euphorisante à plus forte dose. (...) Le protoxyde véhicule une image de sécurité liée à son usage médical, mais c'est faux ! (...) C'est hilarant, mais on en paye le prix.
Docteur Christophe RiouAddictologue, HCL
"Une consommation chronique de protoxyde induit des risques neurologiques sévères, une paralysie des jambes, sclérose combinée de la moelle, risques d'AVC ou d'infarctus", énumère le Docteur Christophe Riou, addictologue à l'hôpital neurologique de Lyon.
Toutes les deux semaines, un jeune de moins de 25 ans est admis au service de neurologie des HCL. "C'est la première substance des plus jeunes et la troisième substance consommée des adolescents", indique le médecin. "On est préoccupé par les complications rapides qui peuvent s'installer de manière définitive chez ces jeunes. (...) C'est dangereux et ne doit pas être pris à la légère", ajoute ce dernier.
Pour limiter ces hospitalisations, il faut traiter l'addiction en amont. Aux HCL, une téléconsultation spécialement dédiée aux consommateurs de protoxyde d’azote a vu le jour en 2024.