"Qu'il exécute sa peine jusqu'au bout !" : une victime de Bernard Preynat s'oppose farouchement à sa libération conditionnelle

Le père Bernard Preynat a été condamné en mars 2020 à cinq années de prison ferme pour des agressions sexuelles sur mineurs. Incarcéré depuis deux ans, il a fait une demande de libération conditionnelle ou de détention à domicile sous bracelet électronique. L'une des victimes, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, s'y oppose fermement.

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Bernard Preynat va-t-il bientôt sortir de prison ?  Un juge d'application des peines doit prochainement se prononcer sur la demande de l'ancien ecclésiastique qui a passé deux ans derrière les barreaux. Le septuagénaire a fait une demande de libération conditionnelle ou d'aménagement de peine. Également condamné par l'Église, il a été réduit à l'état de laïc en 2019.

Emprisonné à Riom

Bernard Preynat a été condamné en mars 2020 pour agressions sexuelles sur dix mineurs entre 1971 et 1991, par le tribunal correctionnel de Lyon. Des faits commis sur des jeunes scouts du diocèse de Lyon. Face à lui, au moment du procès, 10 parties civiles. Plusieurs dizaines d'autres faits sont tombés sous le coup de la prescription. L'ancien prêtre avait renoncé à faire appel.
Aujourd'hui âgé de 78 ans, Bernard Preynat purge une peine de cinq années de prison ferme. Derrière les barreaux depuis novembre 2021, il a d'abord été détenu à Saint-Étienne, puis à Riom, dans le Puy-de-Dôme.

Le détenu a cependant une santé fragile. L'ancien prêtre a demandé à sortir de prison en raison d'un état jugé "préoccupant". Sollicité, son avocat, Me Frédéric Doyez n'a pas souhaité s'exprimer. 

Le juge d'application des peines de Clermont-Ferrand va être amené à se prononcer bientôt sur la demande de Bernard Preynat. Les victimes en ont d'ailleurs été informées par courrier. "M. Bernard Preynat a sollicité l'octroi d'un aménagement de peine sous forme d'une libération conditionnelle ou d'une détention à domicile sous surveillance électronique", explique le courrier daté du 18 octobre reçu notamment par Pierre-Emmanuel Germain-Thill, partie civile dans le dossier.

"Qu'il exécute sa peine jusqu'au bout !"

Pierre-Emmanuel Germain-Thill est un ancien membre de La Parole Libérée, l'association qui a fait éclater ce scandale de pédocriminalité dans l'Église au sein du diocèse de Lyon. Il est l'une des rares victimes dont le cas n'était pas prescrit et qui a pu se constituer partie civile, lors du procès de Philippe Barbarin et de celui de Bernard Preynat.

"Ce monsieur lui-même a été abusé enfant. Je pardonne à l'enfant, mais pas à l'adulte qui a reproduit". Au téléphone, sa colère semble plus nuancée, mais Pierre-Emmanuel Germain-Thill n'en démord pas : Bernard Preynat doit rester derrière les barreaux. Impossible pour lui de le voir sortir au bout de deux ans. "Qu'il exécute sa peine jusqu'au bout, c'est sa punition, sa pénitence !" 

Informé par la justice le 18 octobre dernier de la demande de l'ancien ecclésiastique, il a aussitôt fait connaître par écrit sa position sur le sujet, comme le prévoit la loi. Une position exprimée dans un courrier teinté d'indignation et de colère froide que nous avons pu consulter. 

Pierre-Emmanuel Germain-Thill s'oppose aujourd'hui "catégoriquement à toute remise de peine et à tout aménagement". Cette victime du père Preynat souhaite "fermement" que l'ancien prêtre "exécute sa peine jusqu'à son terme", écrit-il. Une demande non négociable pour l'enfant abusé d'autrefois. "J'estime que l'âge n'est pas une raison valable pour être retiré de prison (...) qu'il exécute sa peine jusqu'au bout !", explique-t-il ce 26 octobre au téléphone. Quid de l'argument de l'état de santé fragile de l'ancien prêtre ? Pierre-Emmanuel Germain-Thill méfiant, prévient : "cet homme est un manipulateur. Il manipulait les foules, il fallait voir ses super sermons".

Plus de trois ans après le procès de l'ancien prêtre, ce dernier est toujours partagé entre colère et indignation. Le maintien de Bernard Preynat derrière les barreaux pour exécuter la totalité de sa peine "l'apaiserait" malgré tout, il en convient. Mais pour lui, l'ancien homme d'Église coupable d'actes pédophiles s'en est déjà tiré à bon compte.

Il a échappé à beaucoup plus lourd. Il n'a été condamné qu'à cinq ans de prison, alors que le maximum en correctionnelle est de 10 ans (...) Il peut s'estimer heureux. Il a échappé à la cour d'assises. Si toutes les plaintes avaient été acceptées, il aurait pu être condamné à 20 ou 30 ans.

Pierre-Emmanuel Germain-Thill

Dans son courrier au juge d'application des peines, invoquant "le bon sens", il avance son argument majeur : "cet homme a agressé sexuellement des enfants pendant des dizaines d'années, sans compter toutes les victimes qui ne se sont pas fait connaitre"

Victimes ad æternam 

Dans ce même courrier, il rappelle aussi le rôle joué dans ce scandale par Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Si le prélat avait dénoncé le prêtre lorsqu'il a eu connaissance de ses agissements, certaines prescriptions auraient pu être évitées, selon lui. "Libérer Preynat, c'est une injure faite aux victimes. On se moque aussi des victimes qui ont été violées et n'ont pas pu avoir de procès. Mes pensées vont surtout vers elles", déclare-t-il ce matin, au téléphone.

Bernard Preynat utilise son droit. Sa demande est légale, ça fait partie du droit français et il faut l'accepter. Mais les victimes ont pris perpète, y compris moi même si j'ai avancé dans la vie. On garde des séquelles à vie. Des familles aussi ont été détruites.

Pierre-Emmanuel Germain-Thill

Comme le prévoit la loi, en tant que partie civile, il souhaite aussi être informé de toutes les modalités d'exécution de la peine de Bernard Preynat jusqu'à son terme. Enfin, il entend aussi être informé de sa libération. "Vous comprendrez aisément que je me refuse à voir un pédophile, qui n'a pris que cinq ans de prison, à pouvoir être libéré", conclu Pierre-Emmanuel Germain-Thill dans son courrier. 

L'ancien jeune scout abusé est devenu un adulte, dont la colère est intacte : "aujourd'hui, un enfant sur cinq est abusé ou violé et rien ne bouge, il n'y a rien de concret. C'est potentiellement 20% d'adultes qui risquent d'être en grande difficulté".

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