La Commission Sauvé se prépare à rendre son rapport. Un long chemin a été parcouru depuis janvier 2016, date à laquelle l'association La Parole Libérée apparaît au grand jour à Lyon. Fondée par des victimes du prêtre Preynat, elle entendait "briser l'omerta" des agressions sexuelles dans l'Eglise.

Installée depuis le 8 février 2019, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) rend son rapport final ce mardi 5 octobre 2021. C'est l'aboutissement d'un long travail de deux ans et demi, mené par son président Jean-Marc Sauvé et 21 experts d’horizons très divers. A l'origine de la création de cette Commission d'enquête sur la pédocriminalité dans l'Eglise catholique, il y a le travail de libération de la parole de victimes. Tout a commencé en décembre 2015 avec la création de l'association lyonnaise La Parole Libérée. C'est un coup de tonnerre pour le Diocèse de Lyon et surtout un séisme pour l'Eglise Catholique, dont les répliques se font encore sentir. 

François Devaux (Parole Libérée) : le travail inédit de la Commission

"Je pense que ça va être un grand tournant. On va comprendre l'ampleur d'un crime de masse qui s'est passé en France et de là; on va pouvoir estimer ce qui s'est passé ailleurs," a expliqué François Devaux, à la veille de la restitution du rapport de la Commission Sauvé. Ce dernier a souligné la démarche inédite de la Commission Sauvé. Un rapport qui est allé "plus loin" que ceux qui ont été faits jusqu'à présent, notamment à l'étranger. Au-delà des chiffres et de la "qualification du traumatisme", la Commission a essayé de "comprendre les mécanismes et l'origine du problème." Et il ajoute, évoquant les trois travaux qui accompagnent le rapport :

C'est la Science qui parle, ce sont des travaux de recherche conduits par des responsables éminents.

François Devaux (Parole Libérée)

Pourtant, il n'a pas caché son scepticisme et son inquiétude au lancement de la commission Sauvé. "La première raison, c'était à cause de l'affiliation catholique de Jean-Marc Sauvé (...). La deuxième raison c'était l'absence de victimes au sein de cette commission (...). Très vite cette commission s'est confrontée à des auditions et des libérations de la parole. Elle a très bien compris l'importance qu'a eu l'action lyonnaise." Depuis, François Devaux, qui a été entendu par la Commission, a revu son jugement, allant jusqu'à faire l'éloge du travail accompli. "Je suis profondément admiratif de ce travail et de la méthodologie. De la manière dont le président a porté cela mais aussi de l'interaction de chacun des membres. La sincérité de leurs travaux était évidente et c'est bien cela que les victimes attendaient."

Près de 6.500 victimes se seraient rapprochés de cette Commission indépendante.

Au commencement était "La Parole Libérée"

"On a démarré, la fleur au fusil avec un objectif : faire éclater la vérité sur l'histoire Preynat, avec un groupe de jeunes trentenaires et quadra à Lyon. Finalement, on s'est tous mis dans la même direction, comme une start-up. On a eu peur de rien,", explique Alexandre Dussot-Hezez. Il est, avec François Devaux, l'un des créateurs de l'association lyonnaise La Parole libérée voilà bientôt six ans.

Janvier 2016: de jeunes hommes témoignent, à visages découverts, des abus sexuels dont ils ont été victimes. Ils se rassemblés dans une association qu'ils ont baptisé "La Parole Libérée". Les fondateurs de cette association se lancent dans une croisade pour faire sortir de l'ombre les victimes. L'association dévoile publiquement les noms des agresseurs, fustige l'Eglise... demande des comptes pour des faits qui se sont produits plusieurs décennies auparavant.

Plus question de faire silence. Ainsi, à Lyon, plusieurs dizaines de victimes du père Bernard Preyat, d'anciens scouts, réclament justice. A Saint-Etienne, ce sont des victimes du père Régis Peyrard qui se mobilisent. Partout l'Eglise est sous pression. Des prêtres sont poursuivis devant les tribunaux. 

Trois procès symboliques et historiques à Lyon

Si l'institution fuit devant la presse, elle ne tarde pas à être rattrapée. L'archevêque de Lyon et Primat des Gaules Philippe Barbarin, est accusé d'avoir couvert des agressions sexuelles sur de jeunes scouts. Des agressions commises par Bernard Preynat, prêtre de son diocèse. Séisme, l'une des voix les plus influentes de l'épiscopat, comparaît en janvier 2019, devant le tribunal correctionnel de Lyon. Il est condamné en première instance à six mois de prison avec sursis pour "non-dénonciation d’abus sexuels".  Lors du procès, le procureur n'avait requis aucune peine. Le prélat est finalement relaxé en appel à Lyon, l'année suivante. Blanchi de tous soupçons, il a donné sa démission, acceptée par le Pape Français et quitte ses fonctions.
Puis vient le tour du père Preynat de se retrouver face à la justice et face à ses victimes. Poursuivi pour "agressions sexuelles", il a été condamné en mars 2020 à une peine de 5 années de prison ferme, au terme d'un procès qui a duré une semaine et a vu défiler dix parties civiles, dix "cas" non-prescrits d'anciens scouts agressés entre 1986 et 1991. Ils étaient âgés de 7 à 15 ans au moment des faits. Bernard Preynat avait renoncé à faire appel de sa condamnation.

Pédocriminels dans l'Eglise, des chiffres vertigineux

Mais les victimes demandent plus. Elles exigent que l'Eglise fasse son introspection et dévoile l'étendue du mal qui la gangrène. Devant la commission du Sénat, La Parole Libérée poussent aussi les politiques dans leurs retranchements. 

La CIASE, la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise a vu le jour en 2019. Jean-Marc Sauvé, son président a fait un tour de France pour recenser les victimes d'abus sexuels commis par des membres de l'Eglise catholique, expliquer les mécanismes du silence de l'institution à l'égard des prêtres pédophiles. Un appel à témoignage est lancé le 3 juin 2019 pour recueillir ces témoignages de victimes d'abus sexuels commis par des religieux. Le tour de France de la commission dans les capitales régionales entrepris le 29 novembre 2019 s’est achevé le 5 octobre 2020. La commission doit rendre son rapport ce mardi 5 octobre 2021, à ses mandants, Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, et Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France.

Le lourd rapport que la commission va restituer donne déjà le vertige. Depuis les années 50, l'Eglise compterait entre 2.900 et 3.200 pédocriminels. Et c'est une estimation minimale.

Retransmission de la remise du rapport de la Commission Sauvé

La remise du rapport sera retransmise en direct sur plusieurs plateformes mardi matin à partir de 9h :

- sur la chaîne KTO;
- sur la chaîne Youtube de KTO  
- sur le groupe Facebook de la CIASE 

A l’issue de cette réunion seront mis en ligne le rapport de la commission ainsi que ses annexes dans leur totalité, sur le site web de la CIASE.

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