C’est par un communiqué que le sort de l’Anneau des sciences semble définitivement scellé. Gérard Collomb, maire de Lyon et grand défenseur du projet depuis toujours, renonce au bouclage du périphérique lyonnais à l’ouest de l’agglomération, sans pour autant l'enterrer complètement.
Qui donc aura eu raison de l'Anneau des Sciences, vieux serpent de mer de la politique lyonnaise ?
L'opportunisme politique ? Ou le Coronavirus, à qui l'on semble vouloir reprocher tous les maux ?
"La crise sanitaire générée par le Covid-19 aura un impact économique et social fort et ce, pour quelques années. (…) Le bouclage du périphérique ne peut plus être une réalisation envisageable en l’état même si ses finalités demeurent pertinentes (…)"
C'est en ces termes que, dans un communiqué, l'actuel maire de la Ville de Lyon, défenseur historique de l'Anneau des Sciences, enterre le projet.
Son argument ? "Les finances des collectivités locales, en particulier leurs capacités d’autofinancement vont être profondément touchées, avec pour conséquence une contraction de leur investissement".
Maudite crise sanitaire, diront les uns. Il était temps, diront-les autres. Mais le Covid a bon dos, diront-ils tous.
Surprise et déception
"Je suis surpris par l'abandon d'un projet aussi structurant que celui-ci", regrette Pascal Charmot, maire LR (réélu) de Tassin-la-Demi-Lune et fervent défenseur de l'Anneau des sciences.C'est en effet sa ville qui supporte le plus gros du flux quotidien de la circulation vers Lyon. "On va de posture en posture et de revirement en revirement sur ce dossier, et c'est dommage parce que la vision de l'agglomération à long terme ne peut pas se faire avec de telles attitude", dénonce-t-il.
Car l'Anneau des Sciences, c'est 50 ans de réflexion, trente ans d'études, vingt ans de débats et de querelles politiques. Ce tronçon d’une vingtaine de kilomètres, visant à boucler le périphérique lyonnais à l’Ouest de la ville et essentiellement sous-terrain, a pour la première fois été évoqué dans les années 70. Puis oublié, puis ressorti des cartons, puis abandonné à nouveau, avant de revenir sur le devant de la scène dans les années 2000, porté par l'ambitieux et nouvel édile de la ville de Lyon, Gérard Collomb.
La suite ? Des années de débats, de fronde, de manifestations, de tribunes, de controverses politiques, de trahisons et de défections... Gérard Collomb était, à peu de soutiens près, l'un de ses derniers défenseurs. Jusqu'à ce mardi 19 mai.
Pas totalement abandonné
Mais attention, l'abandon n'est pas total. Le «débat» devra reprendre lorsque "les voitures électriques, biogaz ou même à hydrogène se seront développées, nos habitudes de travail auront sans doute changé", précise le communiqué. Cependant aujourd'hui, l'Anneau des Sciences, qui doit coûter entre 75 et 100 millions d'euros, n'est plus une priorité. En tout cas pas «dans les trois ans qui viennent», comme l'élu l'a expliqué au journal le Progrès.Qu'est-il donc arrivé au "plus beau projet écologique de notre ville", comme le qualifiait Gérard Collomb en 2013 ? Car il l'a martelé tout au long de sa campagne électorale, c'est l'Anneau des Sciences, "ou la mort de Lyon". De retour dans la capitale des Gaules après un intermède au ministère de l'intérieur, le maire de Lyon brigue la Métropole et fait de "l'ADS" le cœur de son programme : sans lui, c'est la congestion et la pollution.
Le projet devient alors tout un symbole. Ecologique, moderne et indispensable pour Gérard Collomb et ses soutiens. Inutile et "climaticide", pour ses opposants – les Verts en tête. Même le dissident David Kimelfeld finit par retourner sa veste et refuse désormais son soutien au contournement. Le projet moribond ne suscite plus que l'adhésion des Républicains et du Rassemblement National, mais avec beaucoup de "si"concernant le tracé, principalement.
"On a dépensé des dizaines de millions d'euros en études pour arriver à cet échec total... Mais on ne va pas regretter qu'il renonce", ironise Jean-Charles Kholaas, farouche opposant au contournement depuis presque vingt ans. Cependant, pour le candidat à la mairie d'Oullins, directement concernée par l'Anneau des Sciences, "la raison invoquée n'est pas la bonne. Gérard Collomb ne renonce pas pour des raisons structurelles mais conjoncturelles", dénonce-t-il. L'écologiste craint en effet qu'une fois la crise financière passée, ce projet "dont efficacité est nulle par rapport à l'objectif annoncé" ne redevienne d'actualité.
Opportunisme politique ?
Doit-on alors accuser le Maire de Lyon d'opportunisme politique ? Douché par ses résultats au premier tour des élections métropolitaines, Gérard Collomb profite-il de la crise sanitaire pour se débarrasser d'un dossier devenu encombrant ? S'agit-il alors de ménager l'éventuel allié écologiste, arrivé en tête au premier tour des municipales et désormais maître du jeu politique ? Ou de se rapprocher de David Kimelfeld, son allié le plus naturel mais aujourd’hui encore, farouche adversaire ?"C'est un coup politicien", assure Jean-Charles Kholaas. "Il aurait pu être plus honnête avec les électeurs. J'ai du mal à imaginer que les citoyens puissent être dupes. Et je trouverais assez minable que Gérard Collomb cherche par-là à se rapprocher de David Kimelfeld, leurs projets sont tellement différents".
Mais tous les soutiens à l'Anneau des Sciences ne sont pas morts pour autant. Du côté des Républicains, on continue à défendre le projet. "Je reste déterminé à faire en sorte que ce projet se réalise", affirme Pascal Charmot. "Tassin ne peut pas continuer à porter ce flux de circulation qui engorge son centre-ville". Alors véritable dénouement ou énième péripétie pour ce serpent de mer qui hante la politique lyonnaise depuis trente ans ? Affaire à suivre.