Santé : grève reconductible dans les laboratoires de biologie médicale

Après un mois de bras de fer avec le gouvernement autour du budget 2023 de la Sécurité Sociale, les biologistes privés ont franchi une nouvelle étape avec l'appel à une "grève illimitée" des laboratoires d'analyses médicales à partir de ce lundi 14 novembre. A l'origine de ce mouvement : des efforts d'économie demandés par le gouvernement. A Lyon, certains patients ont eu la mauvaise surprise de trouver les rideaux baissés.

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Ce lundi matin, les Lyonnais ont eu la surprise de trouver portes closes et rideaux tirés devant les laboratoires de biologie médicale. La grève était annoncée depuis plusieurs jours mais certains se sont laissés surprendre.  

"Je suis diabétique et j'étais venue faire une prise de sang. Je suis obligée de la faire tous les 3 mois. Je suis venue, je suis à jeun. Mais on n'a pas été prévenus", explique une patiente devant un laboratoire de la place Jean Macé, dans le 7e arrondissement. Cette dernière n'a d'autre choix que se rendre à l'Hôpital Edouard Herriot pour faire contrôler sa glycémie "Je suis obligée d'y aller pour mon diabète, je ne peux pas rester comme ça!" explique-t-elle.

Même déconvenue chez une autre patiente qui avait prévu de faire un prélèvement de sang et une analyse d'urine. "J'avais absolument besoin des résultats pour mercredi, c'est très embêtant ! C'est dommage de ne pas avoir été prévenue à l'avance," déplore-t-elle. 

La grève est prévue sur une durée de trois jours, du lundi 14 au mercredi 16 novembre. Elle est reconductible. Le mouvement devrait être largement suivi : neuf centres sur dix devraient être touchés. 

Une baisse de budget "inacceptable"

C'est une grève très rare. Mais qu'est-ce-qui a mis le feu aux poudres ? Michel Fernandez, médecin biologiste d'un laboratoire du 6e arrondissement de Lyon s'explique sur les raisons de ce mouvement de grève. Son laboratoire est fermé aujourd'hui. "On fait grève parce que le gouvernement veut baisser de façon importante le budget des analyses de biologie médicale. On ne peut pas accepter ça. Depuis que je fais de la biologie, ce budget n'a cessé de baisser, là c'est trop ! " explique ce médecin excédé. "On s'est toujours réorganisés, avec des mises en place de plateaux techniques, des regroupements de laboratoires, mais là ...."

Le gouvernement entend imposer aux laboratoires, dont les bénéfices ont fortement progressé en raison des tests réalisés pendant la crise sanitaire, une économie de 250 millions d'euros.

Dénonçant une baisse "inacceptable", le responsable du laboratoire Biogroup Unilians de Lyon Saxe pointe aussi du doigt de sévères conséquences de ce serrage de vis budgétaire. "Cette baisse drastique va concerner toute la biologie, alors que nous sommes d'accord pour discuter sur toute la partie Covid ! Mais en tapant sur toute la biologie, on prend un risque de mettre en péril des structures", assure le professionnel de santé qui craint notamment des conséquences sur les laboratoires de proximité et le personnel.

De son côté, le ministère de la Santé parle d'un effort qui doit être relativisé au regard des 3 milliards d'euros d'excédents réalisés pendant la crise Covid. Réponse de Michel Fernandez qui ne cache pas son agacement. Pour le biologiste, les laboratoires ont surtout été de bons élèves, des acteurs sanitaires efficaces, dans la lutte contre la crise sanitaire. "Plus que beaucoup de bénéfices, on a fait beaucoup d'activité. Car on nous l'a demandé. On a été très réactifs. On a mis en place dans tous nos laboratoires des centres de prélèvement. On a rendu nos résultats dans les 24 heures comme on nous le demandait. C'est une activité qui a été importante mais on ne l'a pas choisi : on a répondu à un besoin sanitaire", juge-t-il.

250 millions d'euros d'économie

Le bras de fer avec le gouvernement a commencé voilà un peu plus d'un mois, depuis l'annonce, fin septembre, des 250 millions d'euros d'économies à réaliser dans leur secteur.

Les biologistes libéraux qui s'alarment de ce "coup de rabot", s'y opposent par tous les moyens. Redoutant une baisse de tarifs pérenne, ils ont d'abord proposé une "taxe exceptionnelle" du même montant, au titre des profits engrangés grâce aux tests Covid. Faute d'accord, ils ont ensuite arrêté de transmettre les résultats de ces dépistages au fichier national SI-DEP, perturbant le suivi de l'épidémie pendant une semaine. Ce boycott a été jugé "inconséquent" et "inadmissible" par le ministre de la Santé, François Braun. Ce dernier les a même accusé de "prendre en otage l'ensemble de la population". Ce coup de semonce n'a pas fait bouger les lignes.

Reçus lundi soir (7 novembre) à l'Assurance maladie, les biologistes en sont sortis en dénonçant une "folie austéritaire" et en appelant à un mouvement de "grève reconductible" à partir du 14 novembre. Le mouvement est aussi porté par les grands groupe de laboratoires privés (Biogroup, Cerba, Eurofins, Inovie, Synlab), ainsi que par le réseau des Biologistes indépendants (LBI). Plusieurs syndicats d'autres professions ont également apporté leur soutien aux biologistes, dont les onze organisations regroupées au sein des Libéraux de santé, ainsi que les médecins de l'UFML. 

Avec AFP, propos recueillis par M.IEHL et B.Métral.

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