Nouvelle journée de grève dans l'enseignement. Aux revendications nationales, s'ajoutent des problématiques spécifiques dans l'éducation prioritaire. Témoignage d'un professeur d'arts plastiques d'un collège de banlieue à Rilleux-la-Pape.
"Des fenêtres de classe, on ne voit que des barres d'immeubles aux alentours". Baptiste connaît bien son collège, le quartier et surtout ses élèves :"un public dévaforisé, il faut savoir tenir les élèves". Il enseigne les arts plastiques depuis treize ans dans cet établissement classé réseau d'éducation prioritaire. Nous sommes dans la proche banlieue de Lyon, à Rilleux-la-Pape. Près de la moitié de la population habite en HLM. Le taux de pauvreté est de 25 %. Selon la définition de l'INSEE, "un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté".
Voilà pour le cadre.
Des heures en moins, des élèves en plus
Dans son collège, Baptiste a connu de nombreuses réformes. Mais, "le choc des savoirs" voulu par la nouvelle ministre de l'Éducation nationale ne fait qu'amplifier les problématiques. "Ce qui se passe chez nous, se passe partout en France". Baptiste, comme une vingtaine de ses collègues ce mardi, est en grève. Il se reconnaît dans le mot d'ordre national, lancé par les organisations syndicales. Mais, selon lui, "aux revendications nationales se sont greffées des revendications locales". Ici, deux classes vont fermer à la rentrée prochaine. Des heures de cours seront supprimées, des professeurs mutés. Résultat, les effectifs par classe vont augmenter.
Avec des classes à 22 élèves, on voit la différence, les cours sont beaucoup plus simples. En fermant des classes, on va se retrouver avec des effectifs à bloc.
Baptiste Fraigneau, Porfesseur d'Arts Plastiques
"Une école à deux vitesses"
Les groupes de niveau, déjà expérimentés par le passé, ont montré leurs limites. "Ça creuse les écarts. Je vois un truc bien, c'est pour les bons élèves. Eux, ne vont plus s'ennuyer. Mais les moins bons ne pourront jamais rattraper le retard. On va créer une école à deux vitesses".
À cela, se rajoute la "congestion des plannings". Avec la création des groupes de niveaux, là où pour deux classes, il y avait deux professeurs, il faudra en prévoir un de plus sur les mêmes créneaux horaires. "Une contrainte supplémentaire" pour organiser les emplois du temps.
L'éducation prioritaire pénalisée
Si la réforme des groupes de niveaux se généralise, les établissements classés REP+ seront pénalisés, "ce sont eux qui vont perdre des heures". Car, selon Baptiste, c'est "le principe des vases communicants qui va s'appliquer, et il ne joue pas en notre faveur". Et d'ajouter : "on enlèvera nos moyens pour les répartir sur d'autres établissements".
Se pose aussi, pour lui, la question de la stabilité des équipes enseignantes face à un jeune public déjà perturbé.
"L'éducation prioritaire restera une priorité"
De son côté, l'académie de Lyon a réagi. Dans un communiqué, en ce jour de grève, elle rappelle qu'un "effort budgétaire très important (près de 2 000 heures) a été réalisé pour permettre l'installation de ces groupes de niveaux dans les collèges". Le rectorat dit "contester l'affirmation selon laquelle la préparation de la rentrée et la mise en place de ces groupes se feraient au préjudice des moyens attribués à l'éducation prioritaire".
Baptiste, lui, a assisté à une assemblée générale dans son collège avant de rejoindre le cortège Lyonnais en début d'après-midi. Il pense être parti sur "un mouvement long". Pas forcément des grèves à répétition, mais des actions ciblées. Aujourd'hui, le collège fonctionnait au ralenti.