Nadège Druzkowski, journaliste, autrice et réalisatrice, raconte l'histoire du mouvement artistique Art déco et lève le voile sur quelques remarquables constructions lyonnaises.
Art déco, c’est l’abréviation d’Arts décoratifs. Un mouvement qui englobe aussi bien l’architecture que les arts et qui est associé aux années 20. Il prend son nom de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui a lieu à Paris en 1925.
D’où vient ce style architectural ?
C'est en fait un mouvement qui commence dès les années 1910, comme on peut le voir avec un immeuble construit à Vaise, dans le 9e arrondissement, l’immeuble Cateland. C’est le tout premier immeuble en béton construit à Lyon. Il présente déjà toutes les caractéristiques de l’Art déco : lignes droites, motifs géométriques, ferronnerie travaillée, bow-windows…
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La ville est dotée d’une grande richesse de créations dans ce domaine, comment cela s’explique ?
Les années 1910/20 sont marquées par la reconversion de Lyon dans le textile artificiel, mais aussi par le développement de l’industrie chimique, mécanique, pharmaceutique (c’est l’émergence des grandes familles Lyonnaises) et il y a un réel développement économique à Lyon dans ces années-là. Un bel exemple est celui de l’usine TASE, à Vaulx-en-Velin, construite en 1925 par la famille Gillet, dont la façade typique Art déco est aujourd’hui classée et qui était spécialisée dans la soie artificielle.
Le 6e arrondissement regorge de constructions Art déco singulières, pourquoi ?
Oui, il y a des constructions emblématiques de l’Art déco dans ce quartier, comme le Palais de Flore, construit en 1930 mais beaucoup d’autres.
Pendant longtemps, le centre culturel et social de Lyon s’arrêtait au Rhône. La rive gauche n’est colonisée qu’à la fin du 19e siècle, avec la construction de la Préfecture. C’est un quartier en plein mutation qui continue de s’agrandir au début du 20e siècle et va accueillir la nouvelle bourgeoise lyonnaise. Progressivement le 6e arrondissement et les Brotteaux deviennent le quartier chic.
Une autre construction emblématique du 6e arrondissement est l’immeuble Barrioz (1929-32). Exemple atypique à Lyon qui marrie la brique rouge et le ciment armé. Tout en hauteur, il rappelle les gratte-ciels américains. Le bâtiment est coiffé d’un fronton crénelé, typique de l’Art déco, et décoré de deux visages, haut de 2.70 m chacun. On dit que ce sont les visages du couple Barrioz (couple de soyeux), d’autres y voient Minerve, la déesse de la sagesse et Mercure, le dieu du commerce.
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Lyon a aussi de célèbres exemples de garages Art déco comme le garage Citroën ?
Lyon possède plusieurs beaux exemples de garages Art déco. Le garage Citroën, bien connu de tous les Lyonnais, ou encore les anciens garages Atlas, avec une superbe façade aux motifs géométriques. Il y a un autre garage que j’adore dans le 6e arrondissement : l’ancien palais de l’automobile avec ces deux bas-reliefs du sculpteur Chorel, d’une femme et d’un homme les cheveux au vent. Réalisé en 1930, ils sont pour moi typiques de l’Art déco, synonyme de modernité, de vitesse… et le portrait de cette femme rappelle l’autoportrait de Tamara de Lempira, une peintre femme très libre, au style Art déco.
En dehors de constructions privées, y-a-t-il des exemples d’architecture publique à Lyon ?
Oui notamment des centraux téléphoniques qui se généralisent dans les années 1920/30. Le central Lalande, en face du Palais de Flore, est typique de l’Art déco avec sa façade ornée de nombreux bas-reliefs aux motifs floraux et organiques.
Les fleurs, comme les chevrons sont des motifs typiques de l’Art déco, mais aussi les vagues et les spirales. Vous pourrez vous amusez à scruter les bâtiments lyonnais, ces motifs de vagues sont très souvent présents et joliment stylisés.
Nadège DruzkowskiÉmission "Vous êtes formidables" - 30 mars 2023
Enfin une petite maison assez méconnue à la Croix Rousse a été construite par le plus connu des architectes lyonnais, Tony Garnier pour Claudius Linossier. Claudius Linossier est lui aussi méconnu mais c’était pourtant une grande figure de l’Art déco. Il était sculpteur, orfèvre et dinandier, à savoir artisan travaillant le métal en feuille par martellage. On retrouve sur sa porte le motif des vagues, ses initiales entrelacées et un magnifique bas-relief avec une femme à la chevelure stylisée tenant un vase de fleurs dont la devise en latin signifie : l’habilité artistique est longue à acquérir, le vie est courte.
"Vous êtes formidables"
Une émission présentée par Jérémy Allebée
Du lundi au vendredi à 10h00 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes
Revoir l'émission avec Nadège Druzkowski qui évoque l'Art déco à Lyon