Vénissieux, dans la métropole de Lyon, ne compte que 44 médecins pour 100 000 habitants, deux fois moins que la moyenne nationale. Les généralistes doivent suivre 2000 patients en moyenne.
Guy Créquie recommencera sa tournée, toquera à toutes les portes, appellera chaque cabinet à la recherche d’une denrée rare… Un nouveau médecin généraliste. "J’en ai un seulement jusqu’au mois d’octobre", lâche ce retraité de Vénissieux. Une situation ubuesque, qui n’est malheureusement pas une première pour cet octogénaire : "J’avais aussi un autre médecin généraliste que j’ai eu jusqu’en décembre 2021. On est en permanence en train de chercher des médecins donc c’est un vrai souci."
"Ma crainte, c’est de devoir aller toujours plus loin"
Le secteur de Vénissieux semble en effet être sinistré, d’un point de vue médical. "C’est aussi le cas des ophtalmologistes. J’avais une ophtalmo pendant 30 ans. Quand elle est partie en retraite, son collègue successeur, surchargé, me donnait un délai invraisemblable pour avoir une consultation, raconte-t-il alors. J’étais encore chez un autre ophtalmologiste, qui est parti à la retraite. Donc j’ai été à La Part-Dieu pour trouver un énième ophtalmologiste. C’est pareil pour trouver un dentiste."
Ce qui pose un réel souci pour la santé du patient. "Si tous les ans, je dois chercher un médecin généraliste à 80 ans, c’est quand même un problème pour le suivi médical, l’antériorité même s’il y a la carte vitale etc., s’inquiète-t-il. Ma crainte, c’est de devoir aller toujours plus loin. J’ai de l’arthrose dans les doigts, et devoir prendre le bus, le métro, la voiture, c’est de la fatigue énergétique, ce sont des frais. Le temps qu’on passe, qu’on court, ce n’est pas comptabilisé." Et ce n’est pas que le cas de Vénissieux, comme le résume ce retraité : "Villes rurales, villes moyennes, c’est national."
44 médecins pour 100 000 habitants
Du haut de ses 80 ans, Guy Créquie a pu voir la situation des soins de proximité s’empirer : "Il y a quelques années, on avait un cabinet médical. On avait 4 à 5 médecins qui faisaient même des visites à domicile, se remémore-t-il. Maintenant, il n’y en a plus que trois, qui n’acceptent plus de nouveaux patients."
Un âge d’or qui n’est plus d’actualité. Pascal Dureau, médecin généraliste remarque : "On est en dessous de la Creuse. On est à 44 médecins pour 100 000 habitants. La moyenne en France, c’est 87 médecins". Et d’ajouter : "Tous les médecins de Venissieux sont à 2000 patients en moyenne."
La dématérialisation des services
Ce délégué national du syndicat MG France évoque son cas personnel : "Si j’ai augmenté de 400 à 500 patients, c’est bien qu’il y a un problème, note-t-il. Moi, j’ai 63 ans. Il faut mettre en place les structures nécessaires quand on part, et malheureusement, aujourd’hui, les médecins sont restés peut-être sur des modèles d’installation un peu anciens, et les jeunes ne veulent pas s’installer dans ces conditions-là."
Pour les médecins, le problème réside aussi dans la dématérialisation des services et réservations de créneaux : "J’ai deux rendez-vous de nouveaux patients par semaine et dans 90% des cas, les gens ne viennent pas et ne préviennent pas, s’insurge-t-il. En plus, pour les nouveaux patients, on prévoit 30 minutes, c’est l’équivalent de deux rendez-vous. Mais les gens ne viennent pas, c’est l’effet doctolib. La relation entre le médecin et le patient devient virtuelle."