Explosion des demandes, pénurie de personnel : comme tous les SAMU de France, le 15 de Lyon connait une situation critique. Récit d'un quotidien sous pression pour les régulateurs
"On a eu l'impression de se retrouver pendant la première vague de Covid : la grève des généralistes a fait exploser le standard", témoigne Alexandre Creux-Maluga. Co-président de l'AFARM - association française des assistants de régulation médicale - il exerce au centre 15 du Rhône, submergé au moment des fêtes de fin d'année.
Ce centre d'appel, installé à l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon et ouvert 24h/24 et 365 jours par an, centralise et traite les appels au SAMU et aux Maisons médicales de garde du Rhône. "Pour vous donner une idée, mercredi 4 janvier, nous avons reçu 1635 appels en 24 heures, alors que le dimanche 18 décembre, il y en avait eu 3012 !", précise-t-il.
Jusqu'à une heure d'attente pour avoir un médecin en ligne
Alors que la France faisait face à une triple épidémie covid-grippe-bronchiolite, les autorités avaient conseillé aux particuliers d'appeler le 15 plutôt que de se rendre aux Urgences déjà engorgées. "Ce mot d'ordre était justifié", estime l'assistant de régulation, "mais nous souffrons tellement de sous-effectif que le résultat a été terrible. Certains appelants ont patienté jusqu'à une heure au téléphone !"
Un service dégradé, mais aucun malade n'a été mis en danger : en moyenne, les assistants de régulation mettent entre 45 secondes et une minute pour repérer une urgence extrême (crise cardiaque, AVC ou blessure grave), ils ont alors la capacité d'envoyer des moyens (pompiers, SMUR) et de prodiguer en direct - et parfois en visio - des conseils pour que les patients puissent recevoir des gestes de première urgence. Le dossier est ensuite suivi par un médecin urgentiste.
En cas de forte affluence, si le cas décrit au téléphone ne présente pas de caractère d'urgence, l'attente peut se prolonger avant que le patient soit orienté vers un médecin généraliste ou un urgentiste. Au 15, en moyenne, un tiers des appels reçus concerne des urgences vitales, pour deux tiers d'urgences relatives.
Sous-effectif chronique au 15
Le pic d'appels connu ce Noël était exceptionnel, mais l'activité des centres 15 reste très élevée depuis l'arrivée de la pandémie de Covid. Pour Alexandre Creux-Maluga, c'est la conséquence d'une médecine de ville de moins en moins disponible : "Les patients n'ont pas le choix, le 15, c'est leur dernier recours. Mais nos effectifs ne suffisent pas à y faire face".
L'AFARM - association française des assistants de régulation médicale - qu'il copréside, a donc alerté le ministre de la Santé. Les professionnels réclament des recrutements et le comblement des postes non pourvus (à Lyon, sur 59 postes d'assistants de régulation médicale, 10 sont vacants). Pour cela, le métier doit devenir plus attractif : "Il faut être prêt à faire le sacrifice de ses nuits, de ses week-ends ou jours fériés, et tout ça pour un salaire de 1300 euros nets mensuels en début de carrière... ça ne peut pas marcher !", insiste Alexandre Creux-Maluga.
Cet ancien aide-soignant réclame que les ARM soient non plus rattachés à la filière administrative de la fonction publique hospitalière, mais à la filière des soignants, et que leurs compétences soient rémunérées à leur juste valeur.
Un risque de grève
Longtemps, les régulateurs (ancien pompiers, secrétaires médicaux ou aides-soignants) ont été formés en interne, mais la règlementation les oblige depuis 2019 à valider un diplôme avant fin 2023. Problème : avec la pandémie et les différents Plans blancs, les formations de 12 mois ont été ajournées, et beaucoup de professionnels (environ un tiers des 2500 ARM de France ne détient pas l'indispensable sésame) ne seront pas en mesure de satisfaire à cette échéance. Leur association réclame donc un report de la mesure à fin 2026.
Les assistants de régulation médicale préviennent : si, à la mi-janvier, ils n'ont pas reçu de réponses concrètes de la part du ministère de la Santé, une grève sera inévitable.