Face à l'inflation et en quête de renouveau certains retraités font le pari de l'étranger. Le Portugal s'est imposé pour beaucoup d'entre eux comme une destination de premier choix. Une retraite au soleil et un meilleur pouvoir d'achat à la clé.
Il y a bientôt cinq ans, Marie-Christine (73 ans) et son mari Gérard (69 ans) ont pris la décision de quitter Grenoble et la région Auvergne-Rhône-Alpes pour le Portugal. Comme plusieurs milliers de retraités français, ils se sont installés dans la région de l’Algarve au sud du pays.
Avant tout c’est la recherche d’un climat ensoleillé qui a motivé ce couple rhônalpin à quitter "le froid de Grenoble" racontent-ils. S’ils ont brièvement hésité avec le Maroc, le Portugal les a attirés notamment pour sa proximité avec la France. Les maisons colorées et la vie calme d’Albufeira finissent de séduire Marie-Christine et Gérard. Ils y emménagent en juin 2018. La sécurité est la seconde motivation du couple qui jouit dans sa ville d'adoption d'une atmosphère bien plus paisible selon eux qu'en France.
« Ici, les gens sont respectueux entre eux et de l'autorité. Ils sont aimables, personne ne vous parle mal et je me sens plus en sécurité quand je sors. Je ne crains ni les incivilités ni les vols », note Marie-Christine 73 ans, habitante d'Albufeira au Portugal.
Un immobilier avantageux
Malgré une pension confortable, le montant moyen en France étant établi à 1 400 euros bruts mensuels en 2022, Gérard et Marie-Christine estiment qu'ils n'auraient pas pu profiter de la même manière de leur retraite, obtenue après des décennies de métiers physiques et un départ à 64 ans pour Gérard.
Au niveau immobilier, la comparaison est sans appel. Pour un logement de 170m2 (dont 50m2 de terrasse), la taxe foncière est moitié moins élevée que pour leur ancien T2 de 64m2 à Grenoble. "J'ai tout fait moi-même: de la plomberie à l'électricité à l'aménagement", récapitule l'ancien salarié du secteur nucléaire. Les assurances aussi restent moins élevées qu'en France.
Marie-Christine consacre une heure par jour en moyenne à apprendre le portugais sur sa tablette. "On est des immigrés ici, insiste-t-elle, c'est normal d'apprendre la langue". Ils passent la majeure partie de leur temps avec d’autres expatriés français et anglais. Une façon de recréer un cocon même s’ils se sont adaptés à la vie portugaise et à sa gastronomie. "On se cuisine un gratin dauphinois de temps en temps quand même", précise Gérard.
Le Portugal pour une vieillesse dorée
Selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), 1,6 millions de retraités français vivent à l’étranger en 2022. Il n'existe pas de statistiques officielles par pays car rien n'oblige un retraité à se déclarer au consulat, d'où la difficulté de trouver des chiffres précis.
Depuis dix ans, Paul Delahoutre propose sur son site "retraites sans frontière", un palmarès des 10 meilleurs pays où passer sa retraite. Le Portugal y est rangé à la 2e place derrière la Grèce. Paul Delahoutre estime à 40 000 le nombre de retraités au Portugal. En Grèce: ils seraient 15 000.
"Je note des pays sur 12 critères dont le coût de la vie, la valeur de l'immobilier, le climat, le patrimoine naturel et culturel, la santé, la sécurité etc. Je me base sur des réunions de groupe de retraités" détaille Paul Delahoutre.
Tout n'est pas mathématique, des critères subjectifs comme le patrimoine culturel sont intégrés. "L'idéalisation de la France des années 1960 avec une vie paisible sans grèves et sans incivilités joue aussi sur la perception des retraités qui se sentent en décalage" confirme P. Delahoutre. D'où le départ de ces derniers vers des terres jugées plus "traditionnelles".
Mais c'est bien le pouvoir d'achat qui reste la priorité des seniors.
"C'est le coût de la vie qui est le plus important pour les retraités" (avec un panier d'environ 40 produits comparés chaque année entre dix pays)
Paul Delahoutre, créateur et responsable du site retraitessansfrontieres.fr
Eldorado fiscal
Surtout, les retraités du secteur privé installés au Portugal avant le 31 mars 2021, sous le statut de résident non-habitue (RNH), sont exonérés d’impôt sur leurs revenus. Ce statut leur offre ainsi une exonération complète à 0% sur les revenus d'origine étrangère pendant dix ans ans.
Le gouvernement d’Antonio Costa a mis fin à ce statut en mars 2020 et l'exonération fiscale est dorénavant limitée pour les retraités français installés après le 1er avril 2021. Ils sont imposés au Portugal à hauteur de 10 % sur leurs revenus, pendant 10 ans et sont ensuite soumis au régime d'impôt progressif du Portugal.
Cet avantage fiscal indéniable n'est pourtant pas la première raison pour laquelle Michelle, originaire d'Ardèche, a choisi la terre de Casal de Areia à 80 km au nord de Lisbonne. Cette ancienne directrice de Foyers logement public et son mari, retraité de l'industrie, ont eux aussi tout quitté pour le Portugal il y a cinq ans. "On est tombés amoureux", raconte la sexagénaire. Dans l'ordre: la tranquillité de la vie, un climat tempéré "comme en Bretagne" et la gentillesse des gens ont pesé dans la balance.
Avec un peu moins de 4 000 euros de retraite à deux, le pouvoir d'achat du couple s'est accru en passant les frontières. Surtout au niveau des courses alimentaires. "Si je dépense deux euros pour un kilo de poivrons c'est bien le plus cher que je paie", analyse Michelle. Contre 4 à 6 euros le kilo en France. L'ex-Ardéchoise estime qu'elle économise environ 30% par rapport à ses dépenses en France.
Michelle et son mari ont conscience du luxe de pouvoir profiter de produits locaux à bas prix. Le coût de la vie au Portugal est 25 % moins élevé qu'en France. Malgré une inflation établie à 7,8% dans le pays en 2022, la vie reste beaucoup moins chère en comparaison avec l’Hexagone. Le SMIC a été augmenté par le gouvernement socialiste portugais en 2022 et s'élève à 822,5 euros bruts mensuels (contre 1 709,28 euros bruts par mois en France)
Des pensions en baisse
Quel regard portent ces retraités sur la réforme en France ? "La population vieillit, ça semble normal de travailler plus longtemps" indique Michelle. Mais elle reconnait qu'elle a du mal à faire le tri dans les informations. "On entend que les caisses sont vides pour financer les pensions et en même temps j'ai l'impression que le gouvernement est dispendieux inutilement". Elle ajoute: "Il faut aider à revaloriser les petites retraites mais quand je vois les Portugais partir à la retraite à 67 ans, je me dis qu'on est peut-être trop plaintifs en France". Elle, a pu partir à 62 ans, "une chance".
Malgré la revalorisation des petites retraites annoncée par le gouvernement, pour Paul Delahoutre, la tendance des retraités quittant la France ne peut que perdurer.
Le retraité de classe moyenne voit sa pension diminuer et le coût de la vie augmenter en France. S'il veut préserver voire améliorer son confort de vie, l'expatriation dans les pays du sud de l'Europe ou en Asie du sud-est reste la meilleure solution
Paul Delahoutre
Aujourd'hui, seule la santé ferait rentrer Michelle et son mari de manière permanente en France. "C'est dur de trouver un médecin traitant ici", confirme Michelle. "Les urgences sont très performantes ici mais pour les maladies graves il vaut mieux aller dans le privé et la prise en charge reste très coûteuse", ajoute-t-elle. Son mari a dû rentrer plusieurs fois pour se faire soigner. Quand on vieillit, la santé devient un souci pour ces deux retraités. Et le système de soin français reste un des plus avantageux d'Europe selon le Panorama de la santé de l'OCDE.