Le théâtre des Célestins à Lyon met en lumière une jeune compagnie de théâtre au nom étrange, "courir à la catastrophe" mais au talent certain et qui interpelle. 15 jours pour les découvrir.
En ces temps où le repli sur soi est fortement stimulé, la compagnie de théâtre « Courir à la catastrophe » donne comme signal tout le contraire. « Courez au théâtre ». Et elle a bien raison car elle ne vous fera pas regretter le déplacement.
La jeune compagnie créée en 2017 par deux complices sortis de l’ENSATT de Lyon, Sacha Ribeiro et Alice Vannier, occupe une partie du théâtre des Célestins. Le collectif s’est installé pour une grande quinzaine de jours dans la salle de la Célestine. Elle propose une création et deux reprises. La création a eu lieu le 5 janvier. « Œuvrer son cri » est une drôle de réflexion autour de l’occupation de théâtre.
Quelles revendications ?
L’Histoire est jalonnée d’actions politiques d’occupations de locaux dans des théâtres souvent de renoms : à Berlin, Rome, Bruxelles, l’Odéon à Paris ou les Célestins à Lyon en 2016. Une façon de revendiquer, mais de revendiquer quoi ? Là est la question.
Sur le papier ce thème d’occupation de théâtre peut sembler concerner un petit nombre de personnes, intermittents ou militants sans vraiment atteindre le large public. Mais toute l’intelligence de la compagnie dans son écriture collective est d’en faire une sorte de farce tout en gardant son sérieux. Elle met en scène une occupation des lieux avec vidéo d’effraction du théâtre et entrée fracassante dans la salle à la clé. Et nous voilà plongés dans une sorte d’abime, vivant avec les comédiens et les techniciens ces six jours d’occupation d’un théâtre des Célestins fermé et qui serait voué à un changement de destination, centre commercial, parking ou terrain de jeux.
Une galerie de portraits à mourir de rire
La troupe passe de ses débats personnels à un faux débat citoyens qui résonne bien en ces temps municipaux parfois tendus sur le terrain de la métropole. Ces prises de paroles de faux citoyens forment une galerie de portraits de Lyonnais à mourir de rire, mention spéciale à la vieille abonnée du théâtre des Célestins et à l’adjoint à la culture du 2e arrondissement.
Scènes fragmentées, sans transitions, du débat des comédiens jouant les occupants : « qu’est-ce qu’on fait là ? Pour quoi faire ? » Avec parfois des états d’âme « je n’ai pas envie d’être une imposture », aux fictions-citations comme une apparition d’un Bertold Brecht dans un monologue d’un théâtre grandiloquent, les sept comédiens venus pour la plupart de l’ENSATT ou de la comédie de Saint-Etienne démontrent qu’ils ont un vrai talent collectif, sachant mêler légèreté et propos plus politiques sans ennuyer. Bien au contraire.
Remettre du politique dans la vie
Ces jeunes comédiens nous prouvent qu’ils ne sont pas là pour rien. Qu’ils savent d’où ils viennent sans sacraliser les grands maîtres de la scène et qu’ils ébauchent leur raison d’être sur cette scène, avec, comme l’écrit la co-fondatrice de la troupe Sacha Ribeiro, l’envie de s’interroger : « comment je peux remettre du politique dans ma vie sans que la vie ne soit absorbée par le seul militantisme ». A voir la jeunesse du public présent à la première on se dit que ce théâtre-là a un bel avenir.
Œuvrer son cri jusqu’au 13/01. Pour prolonger cette découverte deux autres pièces créées précédemment par la compagnie Courir à la castastrophe sont programmées dans cette quinzaine. 5,4,3,2,1, J’existe du 11 au 16/01 et En réalités (Prix Célest’1 2019 – section Grand Format) du 11 au 16/01.