C'est sans doute la première cartographie de la ville de Lyon. Tel un puzzle, un plan daté du 16e siècle, est soigneusement conservé aux archives municipales. Il est composé de 25 planches. Pour les spécialistes, c'est un document prestigieux, mais également mystérieux.
C'est un trésor soigneusement conservé aux archives municipales de Lyon. Il s'agit de la première cartographie de la ville de Lyon, établie au milieu du 16e siècle. Le plan qui mesure 5m2 est composé de vingt-cinq planches. Ces documents ne quittent que très rarement leur classeur et protection de plastique. Louis Faivre d'Arcier, le directeur des archives municipales de Lyon, a toutefois accepté de nous en dévoiler quelques secrets, à l'occasion de notre série sur les trésors cachés de la ville pour l'édition locale du Grand Lyon.
Un document fragile et prestigieux
"J'y vais doucement". C'est avec moult précaution que Louis Faivre d'Arcier accepte de sortir deux planches topographiques de leur rangement. "Je ne les sors jamais", insiste-t-il en faisant glisser l'un des documents hors de sa pochette. Le directeur des archives de Lyon avoue même, "un peu de crainte", en manipulant ce qui constitue l'un des fleurons de la collection municipale. "C'est extrêmement fragile..." Au dos d'une des planches, il y a comme des cicatrices. Celles laissées par le temps et les nécessaires restaurations.
Cet immense plan de la ville de Lyon a été élaboré au milieu du 16ème siècle. Plusieurs détails de la cartographie permettent de l'affirmer. "Il y a la présence du monogramme d'Henri II, qui permet de penser que ça date du milieu du 16e siècle puisqu'il commence son règne en 1547 et l'achève en 1559", indique Louis Faivre d'Arcier. Autres éléments de contexte : la trace des remparts dont la construction a commencé en 1544, et des traces d'édifices construits à partir de 1548. Au vu de ces éléments, la fourchette de datation oscille "entre 1544 et 1553, sachant qu'il y a probablement une version manuscrite qui a dû préexister à cette gravure", précise le directeur des archives de Lyon.
Mystère autour de la commande de cette cartographie
Les guerres d'Italie, la présence de la cour royale à ce moment-là, le développement du commerce de la soie, la banque... Autant d'éléments qui attestent qu'au milieu du 16e siècle, Lyon est une ville très importante au sein du royaume de France. À cette époque-là, un mouvement de cartographie des grandes villes est lancé en Europe. Et c'est sans doute, ce qui a conduit à l'élaboration de ce plan de Lyon, selon le directeur des archives municipales.
"C'est manifestement un document de prestige parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments qui montrent que l'on y a mis des moyens importants pour représenter cette ville de Lyon", estime Louis Faivre d'Arcier. Et il a fallu des moyens importants pour l'établir.
Il faut imaginer plusieurs géomètres qui montent dans les clochers et qui font plusieurs campagnes de dessins extrêmement précis. Il y a 4.000 maisons représentées, un peu plus même. Et pour autant, il n'y a aucune trace dans les archives de la ville de ces travaux.
Qui a pu établir ce plan et pourquoi ? La réponse de Louis Faivre d'Arcier fuse : "On ne le sait absolument pas". Ce mystère fascine les spécialistes, et suscite des attentes. "Rien n'exclut qu'on ne retrouve pas un jour une pièce qui nous donne quelques éléments de datation supplémentaires, ou des éléments de contexte qui nous permettent de savoir pourquoi ce plan a été dressé".
L'illusion d'une vue du ciel, mais un tableau vivant
Les 25 planches qui consituent, tel un puzzle, ce plan de la ville de Lyon, offrent à la vue des scènes de vie de l'époque. On peut y voir des pêcheurs, des promeneurs au bord du fleuve, des moulins amarrés à la rive, et des barques qui témoignent de l'intense activité de navigation sur le Rhône et la Saône. "Le transport des marchandises est plus pratique sur les fleuves que sur les routes qui ne sont pas forcément très bonnes".
L'emplacement de la place Bellecour est alors un clos tout à fait vide. Monument important du 16e siècle, l'Hôtel Dieu apparaît dans une configuration assez différente de celle d'aujourd'hui, avec son cimetière à proximité. Les maisons n'ont que deux, voire trois étages. La ville compte, à peu près à cette époque là, 50.000 habitants.
Au milieu du 16ème siècle, il n'y avait pas de vue aérienne possible. On se servait de repères qui pouvaient être les clochers, les collines qui marquent la topographie de Lyon, et les rives des fleuves qui permettent d'avoir une vue assez large.
Seule une observation des détails permet de déjouer l'illusion d'une vue du ciel. "Il y a des différences de points de vue relativement importantes", explique ainsi le directeur des archives municipales. Le centre de Lyon, par exemple, avec une vision des îlots qui est assez claire, se dessine quasiment comme il le serait sur les plans d'aujourd'hui. "Pour d'autres zones de la ville, et notamment pour les collines et pour la rive gauche du Rhône qui à l'époque n'est pas très urbanisée, c'est un peu différent. On sent que l'on est plus dans la vue perspective", explique Louis Faivre d'Arcier.
Un plan de cette qualité et de cette ampleur, c'est sans doute le premier de la capitale des Gaules. Un témoignage précieux de la vie dans la ville de Lyon à la Renaissance.