Le 25 novembre 2023, il y a tout juste un an, Gérard Collomb décédait des suites d'un cancer. Retour sur un parcours de vie politique atypique.
Gérard Collomb est décédé le samedi 25 novembre 2023 des suites d'un cancer. "Il souffrait beaucoup ces derniers jours, c'était une question de temps", nous avait alors indiqué un proche de la figure emblématique de Lyon. Selon nos informations, l'ancien maire et ministre de l'Intérieur était en sédation profonde depuis plusieurs jours.
"Maire humaniste"
"Gérard Collomb est mort. Il fut le digne successeur d'Édouard Herriot. Les Lyonnais sont orphelins et je partage leur chagrin" avait écrit sur son compte X, Emmanuel Macron, président de la République.
"C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris la mort de Gérard Collomb. Maire transformateur et humaniste, il aura marqué à jamais l’histoire de Lyon. Mes pensées les plus émues à sa famille", avait écrit Grégory Doucet, l'actuel maire (Les Écologistes) de Lyon.
Son parcours politique : les débuts
Gérard Collomb est né en 1947, fils d'un père ouvrier et d'une mère, femme de ménage. Professeur agrégé de lettres classiques, il se lance en politique dans les années 1970.
En 1981, porté par la vague rose de François Mitterrand, il est élu député du Rhône. Réélu en 1986, il doit batailler contre le gouvernement de droite alors aux affaires.
En 1995, nouveau look, sans lunettes, ni moustache, il devient maire du 9e arrondissement. C'est le début de sa politique de construction massive. Il réutilise des sites en friche pour développer son arrondissement et attirer les investisseurs. Face à Raymond Barre, il fait figure de dauphin.
2001, il est élu maire de Lyon à la majorité absolue
En 2001, profitant de la désunion à droite, il est élu maire de Lyon sous l'étiquette PS, avec une majorité composée de la gauche plurielle. Un concept qu'il a initié. C'est l'occasion de mener sa politique à l'échelle de la ville et de l'agglomération.
Son premier été de maire s'annonce chaud, très chaud. Une voiture est retrouvée au fond d'une piscine lyonnaise. Il affirme alors tout de suite sa politique répressive. " Ceux qui se sont livrés à des actes de violences seront poursuivis" assure-t-il. Difficile d'évaluer le niveau de délinquance dans la ville de Lyon durant ses mandats. Une certitude, Gérard Collomb aura dépensé des millions d'euros pour équiper la ville de caméras de vidéosurveillance. Il sera aussi celui qui, après avoir hésité, armera sa police municipale.
Grands travaux et démarche verte
Autre marque de fabrique de l'homme, les lancements de grands travaux. Première pierre, premier coup de pelle mécanique, visite de chantier durant ces différents mandats... Il n'aura eu de cesse de transformer la ville et la métropole. Aménagement des quais du Rhône, puis des rives de Saône, création de l'écoquartier de la Confluence et lancement du projet des gratte-ciel dans le quartier de la Part-Dieu. " Nous devons développer ce cœur de l'agglomération et même de la métropole de manière à pouvoir accueillir des activités nouvelles dans ce qui va devenir un hub européen."
Le vélo en ville
Dans cette optique d'attractivité, il développe les transports en commun : prolongation du métro, création de lignes de tramway, mise en service de Velo'v, premier système de location de vélos en libre-service en France. En 2005, son discours est résolument écolo compatible. " Nous essayons de susciter une envie de faire du vélo dans la ville. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui auront cette envie et qui auront dans les prochaines années une rupture dans leur choix de déplacement. Ils prendront le vélo plutôt que de prendre leur voiture pour faire 500 mètres."
Faire de Lyon une capitale culturelle
Son leitmotiv : une capitale européenne doit savoir attirer du monde. Dès son arrivée à la mairie, Gérard Collomb va faire de la Fête des Lumières un événement international. Et des millions de visiteurs viendront, chaque début décembre, arpenter les rues à la découverte de la magie made in Lyon.
A Lyon, il n'y avait rien. Il fallait donc faire un festival assez spécial qui marque.
Gérard CollombMaire de Lyon
Lyon et le monde
En 2009, la ville qui a vu naître le cinéma va enfin lui dédier un festival. Et puis, sous ses différents mandats, il lancera la Biennale de la danse, les Nuits sonores (festival de musique électro) réputées partout en Europe.
Et au-delà de l'Europe, il y a le monde. Gérard Collomb veut vendre les mérites de Lyon et de la métropole. Aux États-Unis comme en Chine, il va chercher les investisseurs potentiels. " Lyon aujourd'hui est de plus en plus connue et donc c'est ça qui nous permet d'avoir par exemple 70% d'investisseurs étrangers" se réjouissait-il.
Il remporte les scrutins électoraux de 2008 et 2014 et devient même sénateur.
Macroniste de la première heure
Le laboratoire lyonnais séduit. En 2017, il accède au gouvernement. Il devient le ministre de l'Intérieur d'Emmanuel Macron. Entre les deux hommes, c'est respect mutuel.
"C'est quelqu'un qui m'a fait confiance. Très tôt. Qui s'est engagé clairement, quand beaucoup de gens hésitaient, attendaient de savoir si les choses étaient déjà gagnées. Il m'a apporté son expérience d'élu local, sa connaissance du terrain", disait Emmanuel Macron à propos de Gérard Collomb.
Le discours de l'ancien socialiste devenu ministre d'État se radicalise. Porteur de la loi sur l'asile et l'immigration, ses prises de position divisent le pays. Ces positions ultra-sécuritaires ne plaisent pas à tout le monde.
Celles et ceux qui disent cela sont souvent des gens qui ne sont pas confrontés au problème d'insécurité. Oui, j'assume le fait que la sécurité est la première des libertés.
Gérard CollombMinistre de l'Intérieur
Embourbé dans l'affaire Benalla, il démissionne du ministère de l'Intérieur en octobre 2018. Il revient à Lyon dans une pagaille incroyable. Redevenu maire, il espère regagner le cœur des Lyonnais, mais son passage à Beauvau a laissé des traces.
2020, c'est la fin
La campagne pour les municipales de 2020 sera la plus étonnante de son parcours politique. Incapable de former une majorité sortante, son propre camp se divise. Contre toute attente, il s'unit pour le second tour avec ses anciens adversaires de la droite lyonnaise. Une pirouette que les électeurs n'auront guère appréciée. Ce soir de juin 2020, Gérard Collomb a perdu. Et la mairie et la métropole. C'est la soupe à la grimace. " C'est la fin de ma vie politique, en tout cas, moi, je continuerai dans le débat d'idées, puis d'aider celles et ceux qui ont été avec moi au cours de ces mois passés".
"Cette ville a donné un sens à ma vie"
En pleine épidémie de COVID, le protocole pour la passation de pouvoir à la mairie est contraint. Son dernier discours en tant que maire est chargé d'émotion. " J'ai consacré la plus grande partie de ma vie à notre ville, à notre agglomération, Lyon, les Lyonnaises et les Lyonnais ont toujours été au plus profond de mon cœur. Cette ville a donné un sens à ma vie".
Depuis sa défaite, Gérard Collomb siégeait en tant qu'élu d'opposition, fidèle à ses rendez-vous. Le 16 septembre 2022, il déclarait être atteint d'un cancer en rajoutant qu'il était bien déterminé à gagner ce combat-là.
Il s'est éteint le 23 novembre 2023, sur son lit d'hôpital, à Lyon sud. Des infirmières racontent avoir eu le temps de le remercier pour l'arrivée du métro aux portes de l'établissement.