Retard et annulation de commande, erreur de destinataire... "C'est ingérable", regrette la présidente du syndicat des médecins généralistes du Rhône. Certains jettent l'éponge face à ce qu'ils considèrent comme un manque de considération.
Ce 1er juillet 2021, le docteur Guylaine Ferre a pu organiser sa matinée de vaccination. Les doses étaient là, livrées au cabinet. Mais ce n'est pas toujours le cas, loin de là. "On a du faire face à tous les cas de figure : annulation de commandes, retards, attribution à un autre professionnel". L'agacement est palpable chez certains médecins généralistes du département du Rhône. Engagés volontairement dans la campagne de vaccination anti-Covid, tout comme les pharmaciens, ils ont du mal à répondre à la demande.
L'essentiel des doses part vers les centres de vaccination
Certes la vaccination s'essouffle dans les cabinets généralistes. "Les plus fragiles sont vaccinés, les centres offrent énormément de places" et ont la préférence des familles. La vaccination est également possible en pharmacie. "Et notre offre n'est peut être pas la plus en vue" estime le Dr Guylaine Ferre. Mais la présidente du syndicat des médecins généralistes du Rhône défend leur nécessaire implication dans cette vaste campagne de lutte contre le Covid :
On arrive facilement à convaincre nos patients.
Mais pour vacciner, encore faut-il avoir les doses sous la main, et que le carnet de rendez-vous coïncide parfaitement avec celui des livraisons. Or le bât blesse. "La semaine dernière, on s'est retrouvé avec une matinée pleine de patients pour leur injection, mais aucune dose de vaccin d'arrivée". Et derrière, il faut tout réorganiser.
Concrètement, on demande une meilleure organisation, un suivi des commandes. Il y a eu une petite amélioration, mais cela reste le bazar. La priorité, c'est d'assurer la livraison des commandes.
Face aux difficultés d'approvisionnement en vaccins, certains médecins préfèrent arrêter. La généraliste installée à Givors connaît des confrères dans cette situation : "ils arrêtent de vacciner en cabinet car c'est ingérable si on n'a pas de personnel pour nous aider à tout organiser. Appeler les patients, les rappeler pour annuler, reprogrammer...."
"Notre place est essentielle dans la vaccination"
Le plus frustrant, selon la présidente des médecins généralistes du Rhône, c'est de ne pouvoir vacciner ceux qui jusque-là y étaient réfractaires. Certes, c'est plus difficile avec les jeunes "qui ne se sentent pas forcément concernés, pas prioritaires, qui n'ont pas très envie de bousculer leurs vacances et de calculer les dates entre deux doses". Pour les enfants de 12 à 17 ans, pas d'injection de Moderna possible, uniquement le Pfizer, un vaccin indisponible en cabinet généraliste.
On sait que notre parole a du poids auprès de nos patients. Ils nous font extrêmement confiance. On a vraiment des gens très réticents qui repartent d'ici avec un rendez-vous.
13% de ces professionnels de santé seraient fermement décidés à arrêter la vaccination. Mais pas le Dr Guylaine Ferre, qui affirme son côté "militant". "Dans l'idéal dans un futur proche, ce que l'on souhaiterait ce serait d'avoir des mono doses. On les aurait au frigo et on vaccinerait au fil de la journée les volontaires. Ce serait utile, ça irait beaucoup plus vite et y aurait moins de gaspillage de doses".
Les listes d'attente s'allongent en pharmacie
Autre professionnel de santé confronté au manque de vaccins : les pharmaciens. Lionel Amsellem, le gérant d'une officine de Villeurbanne peut en témoigner : cela fait dix jours qu'il attend la livraison de ses doses.
On a du mal à s'approvisionner. Cela arrive au compte-gouttes et on a 10, 15, 20 demandes par jour et malheureusement on ne peut pas vacciner tout le monde.
Le pharmacien l'assure : les commandes sont faites quotidiennement. Mais les flacons ont du mal à arriver chez ces acteurs de proximité, prisés par certains. Des jeunes et plus âgés viennent chaque jour prendre rendez-vous. Pas besoin de passer par internet, les uns et les autres se connaissent déjà. Mais voilà, la liste d'attente s'allonge.
Les gens sont demandeurs, on se doit de les vacciner mais on doit repousser, on leur dit "laissez-nous un peu de temps".
Et il va falloir administrer les deuxièmes doses. Alors, il faut prioriser, et renvoyer les plus jeunes et plus mobiles vers le centre de vaccination le plus proche. Depuis début mars, le pharmacien a vacciné une centaine de personnes. Un chiffre qu'il aurait multiplié par cinq si les délais de livraisons avaient été tenus.