Violences conjugales : "les enfants, co-victimes, ont besoin d'une prise en charge psychologique " (S.Moisson)

Le Grenelle des violences conjugales s'achève ce lundi 25 novembre. Samedi, des manifestations ont rassemblé des milliers de personnes dans les rues. Face aux violences conjugales, la justice est-elle démunie ou défaillante?  Le point avec Sylvie Moisson, Procureure générale de Lyon.

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En France, une femme meurt en moyenne tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-conjoint. En 2018, 121 femmes ont été victimes de féminicides. Selon les derniers chiffres officiels, près de 213 000 femmes majeures sont victimes chaque année de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint.  Le 3 septembre dernier, face à ce phénomène, le gouvernement a lancé un Grenelle des violences conjugales. Il se termine ce lundi 25 novembre par l'annonce d'une série de mesures.

La rue s'est particulièrement mobilisée ce samedi 23 novembre contre les violences faîtes aux femmes. Elles sont nombreuses à être descendues dans la rue. La manifestation lyonnaise a rassemblé près de 5000 personnes. Les manifestants étaient dix fois plus nombreux dans les rues de la capitale ce samedi....

Dans certains cortèges, des pancartes proclamaient "Ras le viol", "Féminicides, pas une de plus", "Brisons le silence, pas les femmes", "Qui ne dit mot ne consent pas"...  Sur certaines banderoles et pancartes, certains slogans ont interpellé  la justice.
Parmi les slogans qui ont fleuri samedi dans les manifestations, celui de "justice complice". Un slogan injuste ? 

Pour Sylvie Moisson, Procureure générale de Lyon, "ces marches blanches et ces actions sont très signifiantes. Elles sont très importantes. Elles sont révélatrices de l'implication des citoyens qui est essentielle ... les termes sont forts mais ne correspondent pas à la réalité de nos actions." Pour la Procureur générale de Lyon, il y a peut-être "un déficit de communication". 

Certains ont le sentiment que la justice ne suit pas, que des affaires sont classées ou que porter plainte est parfois très difficile. La Procureure générale de Lyon rappelle que les affaires classées pour la Cour d'appel de Lyon sont de l'ordre de 12% au niveau des affaires délictuelles. "Il n'y a pas d'affaires classées dans le domaine criminel". 

"Je ne vais pas vous dire que tout fonctionne parfaitement. A l'aune de l'appréciation de notre efficacité, c'est certain que tout ne fonctionne pas parfaitement. Mais ce qui est certain c'est que nous sommes mobilisés". 

" L'audit que j'ai pu mener depuis le début de l'année avec mes cinq procureurs a démontré que si nous avions tous les outils, c'est sans doute la fluidité, l'efficacité et la coordination de l'ensemble du partenariat de tous les acteurs - les magistrats, le Procureur de la République en tout premier lieu, les associations, les personnels de santé - qui nécessitent d'être vivifiés. Et nous nous y employons fortement."

(nb - Mardi 26 novembre, une journée table-ronde est organisée à Lyon)

>> En France, on compte 138 féminicides. Mais ce chiffre en cache un autre : 213 000 femmes victimes de violences au sein du couple. L'un des reproches fait à la justice c'est le manque d'écoute des forces de l'ordre. La difficulté pour ces femmes de porter plainte auprès des forces de police ou de gendarmerie... Est-ce-une réalité ?

"Je ne pense pas que ce soit une réalité absolue actuellement. La réalité c'est qu'une femme sur cinq seulement veut déposer plainte. La réalité c'est que si elle se fait aider, accompagner d'associations, le message de son dépôt de plainte passera encore mieux. La réalité, c'est aussi que les fonctionnaires de police et de gendarmerie sont dans une prise en compte et dans une conscience  forte qu'il faut qu'ils s'améliorent. Comme la chaîne judiciaire d'ailleurs." 

>> Les fonctionnaires ne sont pas assez formés ?

"On peut toujours être mieux formé. Quand on est policier, gendarme, magistrat, il faut être polyvalent. Il faut comprendre la spécificité dans tous les domaines. Et la spécificité des violences faîtes aux femmes est très importante."

>> Edouard Philippe a annoncé ce matin une quarantaine de mesures comme l'éloignement des personnes violentes, notion d'emprise psychologique inscrite dans la loi ... 

"Tout apport législatif est toujours intéressant mais il faut qu'il soit bien mesuré. Je pense tout particulièrement à la levée du secret médical. Une question qui m'interpelle beaucoup."

>> La notion d'emprise psychologique permettrait de prévenir les féminicides ?

"Je ne suis pas certaine qu'elle permettrait de prévenir les féminicides. Il y a un certain nombre de personnes qui ne se signalent pas comme étant victimes de violences ou d'emprise psychologique. C'est bien le problème. La plupart des féminicides surviennent au moment de la séparation ou de l'annonce de la séparation, alors que ni la police, ni la gendarmerie, ni la justice n'ont été alertées auparavant par une plainte déposée pour des violences." 

>> Les enfants co-victimes des féminicides sont mal pris en charge...

"Les enfants co-victimes du féminicide ont été pris en charge de manière très empirique pendant des années. Comme l'enfant qui aurait reçu un coup de couteau a besoin de soins physiques immédiats, on sait maintenant que ces enfants ont besoin d'une prise en charge d'une prise en charge psychologique pour éviter un psycho-traumatisme immédiat... ce que je suis en train de mettre en place avec tout un partenariat ici dans le Rhône, et bientôt au profit des trois départements de la Cour d'appel, c'est que ces enfants soient pris en charge immédiatement; transportés à l'hôpital dans un milieu pédiatrique et pédo-pédiatrique.
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