Arthur, manifestant aux neuf dents cassées : à Lyon, deux policiers seront jugés en février 2021

Un an, jour pour jour, après avoir gravement blessé un manifestant de 23 ans, deux policiers devaient comparaitre devant le tribunal correctionnel de Lyon ce 10 décembre. L'affaire de violences policières sera finalement jugée le 23 février 2021. Retour sur les faits avec Arthur Naciri, la victime.

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Arthur Naciri, 23 ans a eu la mâchoire fracturée le 10 décembre 2019 tandis qu'il manifestait contre la réforme des retraites à Lyon. Plusieurs photos et vidéos de manifestants présents sur place indiquent qu'il a été violemment extrait du cortège par un agent de police. "C'est là qu'il m'ont plaqué", raconte le jeune homme, un an après, en indiquant un tronc d'arbre de la place Bellecour à Lyon. "Ils m'ont roué de coups!" affirme t-il. Bastien Doudaine, médecin et photographe indépendant, assiste à la scène et saisit plusieurs instants qui attestent qu'Arthur Naciri a été plaqué au sol par plusieurs policiers et qu'il présente de très graves blessures au visage, avec neuf dents cassées.
 


 Après sa prise en charge à l'hôpital Edouard Herriot, le jeune homme dit avoir voulu porter plainte mais que cette demande lui a été refusée dans un commissariat et une gendarmerie. Des photos publiées par la presse, le montrant la mâchoire ensanglantée avaient abouti à l'ouverture d'une enquête par le Parquet de Lyon, qui avait ensuite saisi l'IGPN. Les agents ont indiqué avoir voulu l'immobiliser et le maintenir au niveau des jambes, mais la Police des polices a conclu à un usage disproportionné de la force. 

 

 

20 000 euros de frais dentaires 

Un an après les faits, deux policiers sont appelés à répondre de "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique" dont un avec arme, devant le tribunal correctionnel de Lyon ce jeudi 10 décembre. Leur avocat demande le renvoi de l'audience qui pourrait être reportée au premier trimestre 2021. 
 

 


"Je leur demande d'assumer leurs actes", résume Arthur Naciri. "J'ai besoin d'être reconnu comme victime pour me soigner au mieux et faire les opérations dont j'ai besoin."
Après avoir dépensé 20 000 euros de frais dentaires, dont 30% pris en charge par la sécurité sociale, le jeune barman, aujourd'hui sans emploi, ajoute :  "Tout ça a impacté ma vie de tous les jours, j'ai de gros problèmes d'argent et je suis obligé d'emprunter à mes proches."  Pour lui permettre de continuer ses soins, sa famille a décidé de relancer une cagnotte , 4000 euros avaient déjà été récoltés de cette façon les mois derniers. 

 

 

Des manquements dans la hiérarchie ? 

"Personne ne reconnaît les coups portés à la mâchoire" regrette Thomas Fourrey, avocat d'Arthur Naciri, qui dénonce : "une politique de l'autruche. Dans la police, on ne parle pas des autres même s'il y a un truc qui déconne à côté, si votre collègue fait mal son travail, on ne dit rien ! Le propos d'Arthur Naciri n'a jamais été de dire que tous les policiers sont des pourris, mais d'obtenir justice sur ces faits particulièrement graves" conclut l'avocat.

Le comité de liaison contre les violences policières, a adressé une lettre à Claire Hédon, la Défenseure des droits, dans laquelle il pointe des manquements de la Direction Départementale de la Sécurité Publique Rhône dans cette affaire. Ce comité dénonce notamment dans ce courrier le fait que "tous les échelons hiérarchiques se sont abstenus de dénoncer les faits", et parle d'une "politique institutionnelle de banalisation et de déni des violences policières à l’œuvre à Lyon".
 

L'avocat des deux policiers mis en cause n'a pas souhaité faire de commentaire. La Direction de la Sécurité Publique du Rhône a également refusé de s'exprimer avant l'ouverture du procès. Elle rappelle le droit à la présomption d'innocence et confirme que les deux agents ont été maintenus en poste jusqu'à maintenant.
Le procès était programmé pour le 10 décembre 2020. Accompagné de son avocat, Arthur Naciri était présent au tribunal. Contrairement aux deux policiers. "Je regrette qu'ils ne soient pas venus. J’aurais bien aimé mettre un visage derrière ces cagoules, qu’ils soient présents pour leur jugement, parce que c’est le leur", a simplement déclaré le jeune Lyonnais. L'audience a été reportée au 23 février 2021.
 

 

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