Jean-Salim Charvet a commencé la musique à Sainte-Foy-lès-Lyon avant de décrocher une bourse du Berklee College of Music de Boston. Aujourd'hui, il est sollicité par de nombreux groupes américains en vogue tant en studio que sur scène. Il est en tournée en Europe cet été. Portrait.
À New-York, le nom d'un tout jeune saxophoniste lyonnais est sur toutes les partitions jazz. On ne compte plus ses collaborations. Diplômé du Berklee College of Music de Boston, Salim Charvet traverse de nouveau l'atlantique cet été et sera en tournée en Europe avec le groupe américain très en vogue, “Dana and Alden”. Les deux frères l’ont choisi au sax.
Tout comme Ciara Moser. Mettez un casque sur vos oreilles, tapez sur YouTube “Blind So What”, et laissez-vous emporter par l’album de cette musicienne aveugle, qui a choisi, elle aussi, Salim Charvet.
Entretien avec une étoile montante de la scène new-yorkaise !
Vous n’avez que 22 ans, et déjà une carrière incroyable et prometteuse. Vous jouez dans les clubs de jazz les plus en vogue de New York, comme le Ornithology à Brooklyn, des musiciens en vogue vous réclament, quel est votre secret ?
J’ai eu une chance extraordinaire en obtenant une bourse du Berklee College of Music de Boston. C’est l’une des plus grandes écoles de musique privée des États-Unis. Ma formation sur quatre ans a entièrement été financée et cela m’a ouvert un carnet d’adresses énorme.
Obtenir une telle bourse, ce n’est pas qu’une question de chance.
Ma chance, c’est d’avoir eu, dans le jury, Jim Odgren, un prof de sax qui a joué avec Gary Burton. Et il a aimé ma vibe. Je n’avais pas été pris au Conservatoire National de Paris. Berklee, c’était extraordinaire d’être pris. Ils ont dû voir en moi un côté caméléon, ce quelque chose qui me permet aujourd’hui de m’éclater, jusqu’à la soul zouk ! Mais les premiers mois à Berklee ont été durs. On me faisait jouer tous les styles. Ça ne me plaisait pas. Mais quand on a une bourse intégrale Berklee, on est obligés de bosser.
Tout jeune, vous écoutiez le saxophoniste américain, James Carter. Au conservatoire régional de Lyon, vous avez appris le jazz avec Manu Filliat, et fait partie du Big Band Junior... si “la chance fait partie du talent”, le travail aussi, non ?
Le saxophone fait partie de ma vie depuis longtemps ! J’ai commencé au conservatoire de Sainte-Foy-lès-Lyon avec Pascale Amiot. C’est elle qui m’a vraiment initié au jazz, tout en me donnant des bases solides… puis à 12 ans, je suis entré au Conservatoire Régional de Lyon et à 13 ans, j’ai effectivement intégré le Big Band Junior du Conservatoire Régional. Cette formation créée par le trompettiste et professeur Thierry Seneau a révélé pas mal de talents.
À Jazz à Vienne en 2017, je jouais avec ce big-band junior aux côtés de Jon Boutellier, le saxophoniste fils du fondateur de Jazz à Vienne. Jon est installé lui aussi à New York. Je suis d’ailleurs son remplaçant officiel, quand il n’est pas là, dans une école de musique du Queen.
Au Big Band Junior, il avait 13 ans, il était toujours en avance, avec son saxophone baryton. Il m’a joué un thème de Duke Ellington, “In a sentimental mood”. C’était incroyable. J’ai tout de suite entendu une identité sonore. Il avait déjà des éléments de langage.
Thierry Seneau,trompettiste, fondateur du Big Band Junior du CRR de Lyon
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
J’ai plusieurs projets musicaux différents. Le plus gros, c’est un groupe qui s’appelle “Dana and Alden”, deux frères avec qui je joue et qui sont devenus très importants aux États-Unis. Les concerts sont à guichets fermés. Ils ont fait un premier album et je joue sur le deuxième qui sort en juin. On part jouer en Europe cet été, le 23 août, on sera à Nice, avant une tournée américaine.
Alden,était à Berklee comme moi. On s’est rencontrés le premier jour. On ne connaissait personne. C’est un super batteur. Pendant la covid, il s’est fait connaitre par ses blagues. Il a ensuite été assez habile. Il a remplacé les blagues par sa musique. Maintenant, on est en colocation dans un appartement à Brooklyn.
À Berklee, j’ai aussi rencontré Ciara Moser, une bassiste autrichienne. C’est plus du jazz fusion. On a un album qui s’appelle “Blind so what”. Ce qui veut dire “Aveugle, et alors” car Ciara est effectivement non-voyante de naissance. Tous les morceaux sont sur cette thématique. On a fait pas mal de tournées dont une d’un mois exclusivement en Autriche l’année dernière.
Un autre album, plus jazz traditionnel, c’est le “Nikos Chatzitsakos Tiny Big Band 2”, disponible également sur toutes les plateformes. Plus qu’un big band, c’est un nonet, avec des chanteuses. Et franchement, c'est cool, car les musiciens sont les meilleurs de mon âge à New-York.
Salim Charvet’s Senior Recital from Berklee on Vimeo.
Et pas de projet plus personnel ?
Je suis en plein mixage de mon propre projet. Un quartet un peu plus jazz ECM avec la pianiste suédoise Ebba Dankel. Je joue aussi avec le guitariste Ely Perlman qui est surtout connu pour être le nouveau guitariste de Christian McBride.
Aujourd’hui, vous êtes diplômé de Berklee, pourquoi avoir choisi de vivre à New-York ?
Quand on termine Berklee, le dilemme, c'est toujours Los Angeles ou New-York. A L.A., tu sais que tu ne vas plus jouer de la musique pour des productions, alors qu’à NY, c’est du live qui t’attend. J’ai choisi le live. NY, c’est la ville où tu as le plus de lieux pour jouer. C’est fou cette ville, cette énergie !