Le projet de réforme des retraites prévoit le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Pour certains, la solution pour ne pas partir plus tard passe par le rachat de trimestres. Mais à quel prix ? On vous explique tout ça avec l'aide d'un expert.
Ils sont des centaines de milliers, voire plus d'un million, à être descendus dans la rue le 31 janvier 2023 pour manifester contre le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement, qui veut faire passer l'âge de départ légal à la retraite de 62 à 64 ans. Mais, le projet de réforme porte aussi sur la hausse de la durée de cotisation de 41 ans et 9 mois pour les personnes nées en 1960 à 43 ans pour les personnes nées en 1973 et après.
Le report de l'âge de départ à la retraite est donc bien réel pour des millions de personnes en France. En plus de manifester, certains s'intéressent ainsi au rachat de trimestres pour ne pas partir plus tard, voire plus tôt. Mais les candidats sont peu nombreux (56 000 personnes ont racheté des trimestres sur les 16 dernières années), car l'opération peut être très onéreuse et est difficile à bien cerner.
On vous explique tout sur le rachat de trimestres avec Michel Eric, expert de la question au sein d'Altis Conseil, un cabinet indépendant spécialisé dans le conseil et l’accompagnement sur les droits à la retraite.
Qui peut racheter des trimestres ?
En pratique, un très grand nombre de travailleurs en fin de carrière peut racheter quelques trimestres. "Le rachat de trimestres porte sur des périodes dans une carrière où vous n'avez pas travaillé une année complète, c'est-à-dire moins de quatre trimestres", explique Michel Eric d'Altis Conseil.
Cela signifie que si vous avez effectué des jobs saisonniers dans votre jeunesse par exemple, vous pouvez peut-être compléter votre année incomplète en rachetant un, deux ou trois trimestres. Attention, il faut tout de même atteindre un salaire minimum sur une année incomplète pour prétendre au rachat de trimestres.
Deuxième solution : vous pouvez racheter des années d'études supérieures. Par exemple, si vous avez fait une licence, il vous est possible de racheter trois années d'études, soit douze trimestres.
Douze trimestres, c'est aussi le maximal que vous pouvez racheter dans le cadre de votre retraite. Il n'est pas possible d'en acquérir davantage, que ce soit pour des années incomplètes, d'études, ou un mélange des deux.
Combien coûte le rachat d'un trimestre ?
Le prix du rachat d'un trimestre est très variable. Plus vous êtes jeune et moins l'opération est coûteuse. Et le tarif dépend aussi de l'option que vous choisissez : un rachat "pour le taux", qui permet de diminuer ou d'annuler votre décote si vous partez à la retraite plus tôt que l'âge qui vous permet de bénéficier d'un taux plein. Ou un rachat "pour le taux et la durée d'assurance", qui permet de réduire la décote et également d'augmenter la durée de cotisation prise en compte pour le calcul de la pension du régime de base.
Deux principes sont ensuite à retenir, le tarif sera croissant en fonction de votre âge et de votre revenu.
"Si vous avez 20 ans et que vous gagnez moins de 33 000 euros sur l'année, pour le taux simple, le rachat d'un trimestre vous coûtera 1 055 euros. Si vous avez 66 ans et que vous êtes dans la même fourchette salariale, il vous coûtera 3 044 euros pour le rachat d'un trimestre", détaille Eric Michel.
Le prix sera donc encore plus élevé si vous avez 66 ans, que vous gagnez plus de 43 000 euros par an et que vous voulez racheter "pour le taux et la durée d'assurance". Avec ces conditions, un trimestre vous coûtera en effet 6 015 euros.
Qui rachète réellement des trimestres ?
S'il est nettement moins onéreux de racheter des trimestres dans les 10 années qui suivent la fin de vos études, ce ne sont en réalité pas les jeunes qui rachètent des trimestres. D'ailleurs, Eric Michel a très peu de demandes dans ce sens. "Nous, on préconise d'avoir de la visibilité sur l'âge de départ, de ce fait je dirais 2 ou 3 ans avant la retraite", conseille l'expert d'Altis Conseil. "Il faut être sûr que le rachat d'un trimestre sera utile. Lors de la réforme de 2010, des trimestres rachetés avaient été remboursés, mais ça ne sera pas forcément le cas dans la réforme en cours".
"Aujourd'hui, les gens sont plutôt dans l'attente de la réforme définitive", poursuit Eric Michel. Selon lui, le profil type de client qui achète des trimestres est une personne avec des revenus élevés. Car il faut avoir évidemment les moyens et le rachat de trimestres est également une opération intéressante pour ceux qui sont imposés à un taux élevé. "Si un individu est imposé à 30%, le trimestre ne lui coûtera que 70% de son prix", note Eric Michel.
De manière générale, il constate que de nombreux jeunes retraités préfèrent partir avec une décote que de racheter des trimestres. Ainsi, "30% des professeurs de l'enseignement public partent avec une décote", conclut Eric Michel.