VIDEO. Le coup de gueule d'un directeur d'EHPAD sur la maltraitance : "c’est l’Etat qui ne suit pas les directives"

Franck Descotes, directeur d'Ehpad, estime que l'Etat ne suit pas les directives de la Défenseure des droits. Respecter un taux de 8 soignants pour 10 résidents : impossible selon lui, car il lui manque 200 000 euros par an de dotations.

C'est l'anniversaire d'un succès littéraire et d'une prise de conscience sur les mauvaises conditions de vie de nombreuses personnes âgées dans les Ehpad. Il y a un an en janvier 2022 était publié le livre enquête du journaliste Victor Castanet, qui a révélé les nombreuses dérives du groupe Orpéa, propriétaire de plus de 1 000 Ehpad à travers le monde, dont des dizaines en France. Un livre vendu à plus de 170 000 exemplaires, car des milliers de familles sont concernées.

Les conditions de vie des résidents dans les établissements se sont-elles améliorées ces derniers mois ?

Nous avons posé la question à Franck Descotes, le directeur général d'Odelia, association qui compte quatre Ehpad en Auvergne-Rhône-Alpes, sur les raisons qui poussent les établissements à ne pas recruter suffisamment de personnel.

Il nous a répondu que, selon lui, les Ehpad publics et associatifs, qui représentent environ 80% du parc, n'ont pas reçu les aides promises par l'Etat pour pallier le manque de personnel. 

"Il me manque 200 000 euros par an"

"On fait un recours au tribunal administratif, ce qui est le droit de tout gestionnaire, parce que l’Etat a décidé l’année passée d’augmenter les salaires de tous les personnels d’Ehpad avec ce qu’on a appelé le Ségur de la santé.

L’Etat a fixé le montant : 183 euros net, en nous disant qu’ils allaient nous financer cette augmentation. Sauf que cette augmentation n’est pas financée à 100% et que 70% des établissements que j’ai interrogés en Rhône-Alpes n’ont pas reçus ce financement. Pour mes 4 établissements, il me manque 200 000 euros par an", confie Franck Descotes. 

Il y a un an, la Défenseure des droits publiait un rapport sur "Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad", avec notamment 64 recommandations en vue d'améliorer les conditions de prise en charge des résidents. 

Seules 9% des recommandations sont suivies

En janvier 2023, la Défenseure des droits a évalué la mise en œuvre de ses recommandations. "Dix-huit mois après les recommandations de la Défenseure des droits, le bilan est hélas nuancé", peut-on lire. Sur les 64 recommandations, seules 9% ont été suivies d'actions, alors que dans 36% des cas la Défenseure des droits constate "une absence de réponse" des directions d'Ehpad. 

Parmi les recommandations, il y a une proposition phare : fixer un ratio minimal dans les Ehpad de huit employés pour 10 résidents. Mais les établissements spécialisés sont encore loin d'avoir atteint ce taux d'encadrement, note la Défenseure des droits dans son suivi du rapport. 

"C'est du temps humain, qu'il faut quand on s'occupe des personnes âgées. On n'a plus de temps humain"

Franck Descotes

directeur général du groupe Odélia

Franck Descotes pointe également la responsabilité de l'Etat. "Aujourd’hui, aucun d’entre nous n’a les moyens de bien répondre aux besoins des résidents. Donc, on est maltraitant malgré nous. La Défenseure des droits a bien raison de soulever ça. Mais, ce ne sont pas les Ehpad qui ne suivent pas les directives. C’est bien l’Etat qui ne suit pas les directives. Le nombre de soignants, ce n’est pas nous qui le décidons. C’est l’Etat par les dotations. Et quand l’Etat ne nous augmente pas, nous ne pouvons pas augmenter les dotations, ni le personnel. 

Le directeur d'Odélia regrette aussi la mauvaise image, dont souffre désormais la profession, à cause des dérives d'un géant comme Orpéa. Et contre ça, les dotations de l'Etat n'y peuvent pas grand-chose. 

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