Jusqu'au 14 novembre prochain, douze skateurs proposent une chorégraphie poétique au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, sous la direction de Nicolas Musin.
La plupart n'avait encore jamais foulé la scène d'un théâtre d'envergure. Les douze skateurs qui donnent vie au spectacle "Archipel" ont plutôt l'habitude de slalomer sur les craquelures du béton, dans la rue, ou sur les rampes d'un skatepark. Cette fois-ci, le tracé de leurs courbes, leurs figures périlleuses et leurs sauts de haut vol se glissent entre les murs du Théâtre National Populaire de Villeurbanne pour dessiner une chorégraphie poétique.
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Un casting par vidéo
Pour qu'ils apprivoisent les mouvements de la danse du haut de leur planche, les skateurs ont été accompagnés par le chorégraphe suisse Nicolas Musin, danseur classique formé au prestigieux Opéra National de Paris. C'est lui qui a constitué son groupe, par temps de Covid-19, en improvisant un nouveau genre de casting sans rencontre physique : "On m'a envoyé des vidéos de jeunes que je n'avais jamais rencontrés. Je me suis engagé à travailler avec eux sur du rien, à partir de l'intuition, ce qui a fait que je ne me suis pas trompé", explique-t-il, "C'est finalement un casting très naturel qui n'est pas forcé, pas institutionnel."
Du skate à la danse
Pas de critère de sélection précis, un seul mot d'ordre : composer une palette de couleurs, de talents, de styles et de personnalités pour éclairer la scène. Par leur singularité, les skateurs ont d'ailleurs accompli les premiers pas du processus de création artistique, chacun convoquant son énergie, ses mouvements fétiches, initialement déployés dans la rue. "Au début, on a eu une liberté totale. On nous a laissé ce skatepark, énorme, on était comme des fous", s'enthousiasme Camilo-Nicolas Payares-Gonzalez, membre des skateurs-danseurs, "Petit à petit on a noté avec Nicolas les choses qui étaient intéressantes : parfois c'était les chutes, parfois de petites subtilités, les mouvements, les regards..."
Une fois les gestes artistiques proposés par les jeunes, le regard du chorégraphe a impulsé une ligne d'horizon, une harmonie d'ensemble. "Ici on est libres mais en même temps on fait une chorégraphie. On est parti de ce mouvement libre dans l'espace, qui se forme naturellement avec le skate, et à partir de ça on a créé une chorégraphie qui fait sens", détaille Camilo-Nicolas Payares-Gonzalez.
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"Quand on les regarde on a l'impression qu'ils ouvrent des espaces"
De la rue, à la scène, il n'y a qu'un pas. Mais le cadre de la chorégraphie, imposé à la culture urbaine et impulsive des skateurs, implique quelques adaptations : "Nous quand on va skater en street on s'amuse, on discute avec les copains, on fait du bruit on chante on jette la board, tandis qu'ici il faut avoir une rigueur, il faut se cadrer, il faut se concentrer", explique Florian Maillet, skateur.
Pour autant, Nicolas Musin ne voulait surtout pas départir les douze jeunes de leur énergie, des codes intrinsèquement liés à leur discipline. Au contraire, il a souhaité sublimer ces mouvements et ces rituels en les associant à ceux de la danse : "Moi ce que j'aime chez eux c'est l'immédiateté. Cette énergie immédiate, cette chose qui s'est un petit peu perdue dans la danse. La beauté de ce qu'ils font c'est qu'on a l'impression que l'espace s'ouvre, s'élargit et s'agrandit. Pour moi un grand skateur, comme un grand danseur, comme un grand traceur, c'est quelqu'un qui ouvre l'espace."
La chorégraphie est ponctuée de textes d'Italo Calvino, déclamés par de jeunes comédiens. Un mélange poétique des arts, des styles et des couleurs.