"Comment je suis obligé d’autoriser la construction d’une école islamiste turque", écrit dans une tribune au Figaro Vox, ce 8 avril, le maire d'Albertville, contraint de délivrer le permis de construire d'une école de l'association islamique Millî Görüs.
"Le 7 avril, le tribunal administratif de Grenoble m’a condamné à signer un arrêté accordant le permis de construire d’une école privée portée par l’association Confédération islamique Millî Görüs (CIMG). Cette association est celle qui, actuellement, construit la mosquée de Strasbourg et qui fait partie des trois organisations ayant refusé de signer la charte des principes pour l’islam de France."
Voilà pour les faits énoncés dans cette tribune signée par Frédéric Burnier-Framboret, le maire divers droite d'Albertville, qui estime "avoir été mis en demeure d'autoriser la création d'une école de la Confédération islamique Millî Görüs, bras armé de l’État turc, sans avoir aucun moyen juridique de m'y opposer".
Le permis de construire de l'école privée avait été refusé en 2019, par la municipalité "faute de places de stationnement". L’association CIMG avait déposé un recours contentieux et l'a emporté devant la justice. Le maire a deux mois pour délivrer le permis de construire, mais envisage de faire appel.
"Nous, élus locaux, en 1ère ligne, sommes démunis"
Le maire est en colère et exprime aussi son impuissance : "les élus locaux en première ligne et au plus près des réalités (sont) totalement démunis en pareille situation", enrage-t-il, "alors que l'association islamiste turque Confédération islamique Millî Görüs, comme à Strasbourg, cherche à avancer ses pions partout en France et fait partie des trois organisations ayant refusé de signer la charte des principes pour l’islam de France".
A Albertville, l'association veut installer une école hors contrat que l'édile détaille : "le groupe scolaire envisagé comprendra 16 classes, un réfectoire, une cuisine, un gymnase. La capacité de cet établissement s’élèvera à 400 élèves au total, ce qui représente un quart des 1200 écoliers de notre commune. Cette nouvelle école, de par son ampleur, aura des conséquences immédiates dramatiques : la fermeture de plusieurs classes, voire à terme d’une école publique, ainsi que la polarisation d’un quartier pour lequel je travaille depuis mon élection en 2017, afin d’y instaurer un vivre ensemble solidaire et harmonieux".
"le projet de Millî Görüs est pour le moins clair, et met en péril l'équilibre de notre commune"
Frédéric Burnier-Framboret s'inquiète : l’école sera implantée au cœur d’un quartier de 3 000 habitants, classé prioritaire au titre de la politique de la ville (...) Le projet de Millî Görüs est pour le moins clair : "la crainte clairement exprimée de ses dirigeants est l’assimilation de la jeunesse turque aux valeurs républicaines de la France ».
"La construction d’une telle école au cœur d’Albertville, où avait déjà été achevée en 2014 une mosquée Millî Görüs, agirait en faveur de la partition territoriale souhaitée par l’association sous forte influence gouvernementale turque", s'alarme l'édile qui s'en remet... à l’Assemblée nationale en concluant : "il est urgent que le Parlement adopte des dispositions législatives adaptées pour permettre aux maires de contrer l’installation d’associations ou d’entreprises pilotées par des puissances étrangères qui favorisent une cristallisation identitaire au cœur de nos territoires ».
*Sollicité par France 3 Alpes, le maire d'Albertville n'était pas disponible ce jour pour répondre à nos questions.
"Des propos aussi tendancieux qu'inexacts"
Les propos du maire sont « aussi tendancieux qu’inexacts », a rétorqué Fatih Sarikir, président de CIMG France, dans un communiqué transmis ce vendredi soir à l'AFP.
L’école qu’il souhaite construire « ne sera ni "islamiste, ni turque" » mais « une école confessionnelle hors contrat comme il y en a déjà tant en France, la plupart catholiques ou juives », ajoute-t-il en espérant que son établissement pourra passer sous contrat après le délai légal de cinq ans.
Le responsable balaie l’argument de la concurrence scolaire, sauf à vouloir « fermer toutes les écoles privées », et dénonce, derrière le « prétexte » du stationnement pour bloquer son projet, « l’hypocrisie » de Frédéric Burnier-Framboret et « son obsession avec nos origines ».
« Je ne suis pas le représentant d’un pays étranger. Je suis autant Français que vous, ne vous en déplaise », conclut M. Sarikir.
Une mesure nouvelle dans la loi "séparatisme" adoptée par le Sénat
Le Sénat dominé par l’opposition de droite a donné un large feu vert jeudi à un dispositif nouveau introduit par le gouvernement dans le projet de loi sur le séparatisme, inspiré de l’affaire de la subvention de la mairie de Strasbourg pour la construction d’une mosquée.
Cet amendement, qui a donné lieu à de longues discussions, y compris après son adoption, prévoit d’instaurer une obligation d’information du préfet trois mois au préalable, avant toute subvention publique pour la construction d’un lieu de culte.
« Il permet de garantir aux collectivités un accompagnement net, clair, précis, de l’Etat », a souligné le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Il « permet également d’éviter les ingérences étrangères et le financement des associations séparatistes », a également précisé le ministère dans un communiqué.
« Nous considérons que c’est une sécurité pour les collectivités locales », a affirmé Gérard Longuet (LR). « C’est une façon d’être protégées pour la décision qu’elles auront à prendre ».
« Cet amendement a été rédigé à la suite du vote de la subvention de la grande mosquée de Strasbourg par la municipalité verte », a confirmé l’entourage du ministre à l’AFP, alors que des sénateurs ne se sont pas privés de relever le lien avec l’actualité.
L’Etat est engagé dans un bras de fer avec la mairie écologiste de Strasbourg après ce vote controversé sur le « principe » d’une subvention municipale de plus de 2,5 millions d’euros destinée au chantier d’une mosquée de la Confédération islamique Millî Görüs.