Le maire de Grenoble Eric Piolle maintient que c'est à l'Etat de prendre position dans l'affaire du burkini. Une semaine après l'action coup de poing d'une dizaine de militantes à la piscine Jean-Bron, l'édile dénonce une "hypocrisie d'Etat".
Les militants pro-burkini du collectif Alliance Citoyenne étaient de retour devant la piscine Jean-Bron à Grenoble, dimanche 30 juin. Cette fois, l'heure était à 'échange avec les autres usagers pour "calmer le jeu". La quinzaine de militants réunis devant l'établissement ont débattu dans le calme et tenté de sensibiliser à la cause des musulmanes qui souhaitent porter un burkini.
Mais la polémique continue d'enfler en France, une semaine après leur première action coup de poing lors de laquelle une dizaine de femmes vêtues d'un maillot de bain couvrant étaient allé se baigner dans une piscine municipale. Plusieurs ministres ont réagi, condamnant cette atteinte au règlement. Et le maire de Grenoble Eric Piolle a maintenu ses positions dimanche, appelant le Président de la République Emmanuel Macron à "siffler la fin de la récréation et à clarifier cette hypocrisie d'Etat" sur la question.
Alliance Citoyenne a finalement renoncé à une nouvelle opération coup de poing, de toutes façons rendue impossible par le lourd dispositif de sécurité mis en place depuis trois jours. "On veut s'inscrire maintenant dans le temps long", a expliqué Adrien Roux, le directeur de l'Alliance citoyenne à Grenoble. Le maire s'est "réjoui" dimanche soir que la journée "se soit bien passée".
"Le gouvernement est entré dans cette polémique"
Mais il a dénoncé la manière dont le Premier ministre Edouard Philippe, la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa et la ministre de la Justice Nicole Belloubet s'étaient joints au débat cette semaine. Eric Piolle, qui "dénonce la stratégie du choc" employé par "les professionnels du développement communautaire et des religieux politiques", a jugé qu'il aurait fallu "écraser ce buzz". "Au contraire, le gouvernement est entré dans cette polémique", a-t-il déploré.
Il a appelé Emmanuel Macron à trancher : "Est-ce que le gouvernement veut ou pas que la piscine devienne, comme l'école, un sanctuaire qui soit protégé du religieux, et donc avoir un regard qui est contraire, aujourd'hui en tout cas, aux regards de l'Observatoire de la laïcité et du Défenseur des Droits ?", s'est-il demandé, estimant que "ce n'est pas aux 36 000 maires de définir l'égalité face aux lois de la République". Un constat que ne partagent pas les opposants politiques du maire de Grenoble.
Un mois après la première action coup de poing des militantes pro-burkini, Eric Piolle plus que jamais ciblé : "Il y a 30 000 maires en France qui n'ont pas besoin de l'Etat pour savoir gérer ces questions, a déclaré Matthieu Chamussy, conseiller municipal (Gaulliste) d'opposition. Si Eric Piolle avait eu une prise de position ferme depuis le début, il n'y aurait pas eu de sujet. Il faut comprendre que ces militants communautaires, dès qu'ils détectent une faiblesse, ils appuient et ils insistent pour faire rompre la digue."
Quant à la question de l'hygiène du burkini, qui définit son autorisation ou pas par les règlements de piscines, Eric Piolle a concédé que "les règlements évoluent en permanence" et il n'a pas fermé la porte au principe de "travaux techniques" pour se déterminer sur cet aspect.
Mais comme "il n'y a pas de discussion possible avec des religieux politiques, et que ça ne se fait pas dans les périodes d'effervescence politique où tout le monde cherche à fracturer la société, cette question ne se pose pas de toute façon dans la période qui vient", a-t-il affirmé. Les éventuelles contrevenantes continueront à être verbalisées, a-t-il fermement rappelé. Réunie en assemblée générale improvisée, Alliance Citoyenne dit vouloir poursuivre ses actions. Dans les piscines grenobloises, le burkini risque donc de faire de faire encore des remous.
Dans un communiqué, Olivier Véran s’étonne de la réaction du Maire de Grenoble.
"Le Maire de Grenoble et son conseil municipal ont adopté un règlement intérieur pour les piscines municipales de la ville qui interdit le port de certains maillots de bain, dont le burkini. Ce règlement est aujourd’hui contesté par une association militante, « Alliance citoyenne ». La contestation a pris la forme d’une entrée forcée dans les établissements nautiques puis de baignades en burkini relayées par des images et des vidéos largement diffusées et commentées.Sur la forme, Éric Piolle condamne cette stratégie du « buzz » et ce coup de force. Et il a raison. En revanche, au lieu d’assumer le règlement qu’il a pris et d’en défendre les motivations, il se défausse de ses responsabilités en laissant croire à une carence du gouvernement, renvoyant à une « hypocrisie d’état ».
Nul n’est besoin de légiférer ou d’une parole du Président de la République : Les outils et les textes sont connus pour répondre à la question posée par les manifestantes : le port du burkini peut-il être interdit dans une piscine municipale ? La réponse est oui pour des questions de respect des règles d’hygiène et de sécurité qui s’imposent à tous dans une piscine publique.
L’appréhension du fait religieux dans la sphère publique est complexe : l’autorité qui décide doit dialoguer, expliquer, justifier, plutôt que de se défausser : c’est aussi cela la démocratie."
Olivier Véran : Député de l’Isère et Rapporteur général de la Commission des Affaires Sociales