Cette décision fait suite, selon Don Georges Gianni, à la présence de plusieurs personnes portant le burkini sur la plage de Saint-Cyprien au cours des derniers jours.
"Il n'y a pas eu de tensions, aucune altercation. Tout s'est passé correctement, mais pour éviter que cela se reproduise à l'avenir, j'ai préféré prendre cet arrêté", confie le maire de Lecci au téléphone.
En début de semaine, on lui avait signalé la présence de plusieurs femmes portant le burkini, ce maillot de bain couvrant une bonne partie du corps et du visage, adopté par certaines pratiquantes du culte musulman.
Don Georges Gianni s'était rendu sur place, leur demandant de quitter leur burkini ou de quitter la plage. En vain.
Hier après-midi, sur Facebook, la commune de Lecci publiait un arrêté interdisant "l'accès aux plages et à la baignade sur la commune de Lecci (...) à toute personne n'ayant pas une tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité".
L'arrêt prend soin de ne pas viser une tenue en particulier, pas plus qu'une religion. Il souligne en revanche qu"'une tenue de plage manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse alors que la France et les lieux de culte religieux peuvent être la cible d'actes terroristes est de nature à créer des risques de troubles à l'ordre public (attroupements, échauffourées, etc.) qu'il est nécessaire de prévenir."
Précédents
Le maire n'en fait pas mystère, son arrêté s'inspire largement de celui qui avait été pris par la commune de Sisco en août 2016.
Cet été-là, une plage de la commune du Cap Corse avait été le théâtre de violents affrontements entre des membres des communautés corse et maghrébine*.
L'arrêté avait été contesté devant les tribunaux par le Ligue des droits de l'homme, sans succès. Le tribunal administratif de Bastia, la cour administrative d'appel de Marseille, le Conseil d'Etat, avaient à leur tour rejeté la demande de la LDH.
Le Conseil d'Etat avait néanmoins précisé que " les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public".
La question de la validation, ou pas, de ces interdictions reste en effet largement liée à cette question de "risques avérés d'atteintes à l'ordre public".
En leur absence, le Conseil d'Etat a, depuis 2016, suspendu de nombreux arrêtés interdisant le Burkini, estimant que "cette interdiction portait atteinte à la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle".
Il n'est pas le seul. À Ghisonaccia, en 2018, c'est le tribunal administratif de Bastia qui avait suspendu un arrêté de ce type, pour les mêmes raisons.
L'arrêté de Lecci a été transmis à la préfecture de Corse-du-Sud, qui va le soumettre au contrôle de légalité.
* La présence de burkini à l'origine de ces affrontements, évoquée dans un premier temps, avait été écartée quelques jours après la publication de l'arrêté par Nicolas Bessone. Celui qui était alors procureur de la République de Bastia avait plutôt pointé du doigt une "logique de caïds" d'un côté, et d'une "réaction inadaptée" des Siscais de l'autre. L'été suivant, la commune n'avait pas reconduit son arrêté.