Un réfugié tibétain a été reconnu coupable, mardi 18 mai, par la cour d'Assises de Chambéry, du double meurtre de sa compagne et d'un ami avec qui elle avait une liaison. La préméditation a bien été retenue pour cette affaire qualifiée de "trio affectif" et "crime passionnel" par l'avocat général.
Vingt-cinq ans de réclusion criminelle avaient été requis, mardi 12 mai, contre un réfugié tibétain jugé depuis lundi devant la cour d'assises de la Savoie pour un double assassinat et une tentative de meurtre. "Le noeud principal de ce dossier, c'est le trio affectif", a estimé l'avocat général Pierre Becquet au début de son réquisitoire.
"Nous sommes dans le schéma classique du crime "passionnel", a-t-il qualifié, pointant "la distorsion entre le discours d'Atsok Drudup Tsang et la réalité du dossier". Le quadragénaire est accusé d'avoir tué à coups de couteau, le 26 mai 2017 à Chambéry, sa compagne Karma Tsering Garsa Tsang et son ami Dawa Tashi Tsang, après avoir appris qu'ils avaient une liaison.
Il comparaît aussi pour avoir tenté de tuer Kévin Pernet Dit Rosset, un salarié du restaurant asiatique où les trois victimes travaillaient et près duquel les faits ont été commis."Il a beau nous dire qu'il a été dépassé par les événements, une chose est sûre, M. Drudup s'est acharné sur les deux victimes" décédées, a constaté le magistrat. L'une d'elles a ainsi reçu onze coups de couteau.
Rappelant l'absence d'altération du discernement chez l'accusé, Pierre Becquet a souligné "sa détermination dans la volonté de tuer mais également dans la préméditation" des deux crimes mortels."L'intention homicide, il n'y a pas de difficulté. Mais vous ne pouvez pas retenir la préméditation, vous n'en avez pas les éléments et la certitude", a rétorqué en défense Me Solène Royon, estimant que son client avait plutôt "dérivé et perdu pied", dans un moment "d'hystérie".
"Ne pas me renvoyer au Tibet"
Concernant Kévin Pernet Dit Rosset, blessé au bras alors qu'il tentait de s'interposer, l'avocat général a considéré que l'accusé était "déterminé" à l'empêcher d'intervenir, qu'il voulait "le neutraliser par tous les moyens". "L'intention meurtrière" est donc pour lui établie. "S'il veut le tuer, il porte un deuxième coup de couteau", ce qu'il n'a pas fait, a répondu la défense, plaidant les violences volontaires.
Lors d'un rendez-vous avant le procès, Kévin Pernet Dit Rosset avait lancé à ses avocats, Mes Daniel Cataldi et Anthony Tona : "Vous vous rendez compte, si Lelandais a pris vingt ans, Drudup prendra moins !" L'avocat général a répondu à l'audience "qu'objectivement", les faits reprochés à Atsok Drudup Tsang étaient plus graves que ceux reprochés à Nordahl Lelandais, condamné le 11 mai à Chambéry pour le meurtre du caporal Arthur Noyer, une affaire retentissante."Ce que je vous demande, c'est de ne pas me renvoyer au Tibet", avait imploré Atsok Drudup Tsang, plus tôt dans la journée, en direction de la cour et des jurés.
L'avocat général a écarté dans ses réquisitions la peine d'interdiction du territoire français, qui impliquerait une expulsion vers le pays d'origine de l'accusé. "Ce n'est pas envisageable pour un réfugié politique. Et sur le plan humain, nous ne pouvons pas infliger à M. Drudup le risque d'être incarcéré et torturé par les autorités chinoises", a considéré le magistrat. Il a réclamé en revanche une période de sûreté à mi-peine, ainsi qu'un suivi socio-judiciaire pendant dix ans à la sortie de prison d'Atsok Drudup Tsang, avec obligation de soins.
Et dans la soirée, le verdict est tombé avec une peine de 22 ans de réclusion criminelle pour Atsok Drudup Tsang.