En dépit de concessions de Christiane Taubira, les avocats restent vivement opposés à la réforme de l'aide juridictionnelle. Ce lundi 26 octobre, le conflit est entré dans sa troisième semaine, et à Chambéry 70 "robes noires" se sont manifestées.
Au coeur des préoccupations des avocats, il y a la fameuse réforme de l'aide juridictionnelle (AJ), dispositif qui permet aux plus démunis d'accéder aux services d'un avocat.
"Les avocats sont très remontés, on attend des propositions concrètes ou le conflit va se durcir et durer", ont encore prévenu les robes noires, ce lundi, lors d'un rassemblement devant le Palais de Justice de Chambéry.
La grève, qui consistait à l'origine en la non-désignation d'avocats commis d'office, s'est muée en appel à ne plaider aucune affaire jusqu'à mercredi.
Images du rassemblement
Du coté de la chancellerie, on annonce une "remise à plat du dispositif" avec des discussions "sur l'augmentation de la rémunération accordée aux avocats pratiquant l'aide juridictionnelle".
Après quinze jours de bras de fer, les deux camps sont au moins d'accord sur le diagnostic: l'aide juridictionnelle est à "bout de souffle". Christiane Taubira se targue d'être la seule ministre de la Justice à avoir pris le problème à bras le corps ces dernières années: l'AJ, un acte relevant de la charité devenu un service public en 1972, doté d'un barème propre de rémunération en 1991, n'a pas été revalorisée depuis 2007.
Le Conseil national des barreaux attend des pistes concrètes "pour sauver" l'AJ. Les avocats en ont avancé certaines, comme la taxation de tous les actes juridiques ou encore des amendes pour les plaignants qui perdent leurs procès.
Interview
Besoin de garanties
La ministre a porté une réforme prévoyant un relèvement du plafond de revenus pour les bénéficiaires, -qui seront désormais un million-, une refonte du barème de rémunération des actes et une participation des barreaux au financement, avec un prélèvement de 15 millions d'euros en 2016-17 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses gérées par les avocats (Carpa).C'est là que le bât blesse. Pas question pour les avocats de financer un service public: "On ne demande pas aux enseignants de financer l'Education nationale", répète à l'envi les bâtonniers, tout en s'indignant de voir "les revenus des jeunes commis d'office baisser" du fait du nouveau barème.
Face à la fronde, la garde des Sceaux a successivement renoncé à demander une participation financière aux avocats et promis de revoir leur rémunération: cela se fera via un "amendement présenté lors de l'examen du budget au Sénat" à la mi-novembre. Mais ces promesses n'ont pas suffi. Face à une ministre affaiblie par les attaques successives des surveillants de prison, des policiers et cible préférée de la droite, les avocats exigent désormais des "garanties".