"Ça me rend service car je ne sais pas lire, je ne sais pas écrire" : un centre social itinérant pour les Gens du Voyage

En Savoie, un Centre social itinérant va à la rencontre des Gens du Voyage. Cette initiative de l'association La Sasson permet aux Voyageurs de connaître leurs droits et tisse aussi un lien social essentiel.

Quand Aurélie, Myriam ou les deux Fanny débarquent chez les Gens du Voyage (ou "Voyageurs"), les enfants jaillissent des caravanes. Elles ont gagné le surnom de "drôles de dames" car, comme dans un feuilleton, elles proposent une surprise à chaque épisode.

"Parfois, on s'ennuie mais quand elles sont là, on ne s'ennuie plus", sourit Kassy, une fillette du campement, devant une table remplie de jeux de société. "Je suis contente parce que ça nous fait bouger. Je sors de ma maison pour faire des dessins. Ça me fait du bien. Je travaille avec les dames et en plus, elles sont très gentilles", ajoute sa sœur, Kissmy.

Le Centre social itinérant des Gens du Voyage (CSI) permet aussi aux Voyageurs d'exercer leurs droits, comme n'importe quel autre citoyen. Aurélie Mollaret leur sert de médiatrice auprès des administrations.

"Ca me rend service car je ne sais pas lire, je ne sais pas écrire. C'est dur quand on ne comprend pas beaucoup les papiers. Ils viennent voir comment je vais, ils m'appellent quand je suis malade", explique Lolie Mallet, la grand-mère de Kassy et Kissmy.

"Ils nous font part de tous les droits qu'ils n'ont pas ou auxquels ils ne répondent pas et nous, on fait le lien avec le droit commun. Ils ne s'autorisent que très peu à avoir accès au droit commun par crainte du préjugé, par crainte d'être reconnu comme voyageur, stigmatisés, etc.", note Aurélie Mollaret, la responsable du Centre social itinérant.

Les drôles de dames visitent très régulièrement les cinq aires d'accueil et les 25 terrains familiaux de Savoie. Cette initiative de l'association La Sasson est agréée et soutenue financièrement par la Caisse d'allocation familiale de la Savoie.

Sortir de l'exclusion 

"C'est de l'accès aux droits, c'est mieux se connaître, parce qu'il n'y a rien de pire que de s'ignorer et de laisser parler les préjugés. C'est ce qui fait qu'il y a des tensions dans la société. Tout ce qui permet d'apaiser et de mieux se comprendre, c'est ce qui fait que la société essaiera de mieux fonctionner", estime le directeur de la CAF de la Savoie, Vincent Clerc.

Comment sortir de l'exclusion ceux qui ont si longtemps vécu en autarcie, piégés par leur mauvaise réputation ? Dans une fiche d'avril 2024, le Défenseur des droits souligne "l'ampleur et le cumul de discriminations" auxquels cette population se trouve confrontée, notamment dans l'accès aux services publics et pour la scolarisation des enfants.

Jour après jour, Aurélie et son équipe ont su gagner la confiance des Voyageurs. "Ce qui est bien avec ces dames, c'est qu'elles savent se mettre au niveau. Quand elles parlent avec nous, je vois que leur langage n'est pas le même. Elles savent se mettre à notre portée et c'est pour ça que cela se passe bien. Si vous venez nous voir avec une grande cravate, vous seriez accueilli pareil mais le dialogue ne serait pas le même, parce qu'il y a des mots qu'on ne comprend pas", assure Loulou Debard.

Pour pérenniser le centre social itinérant, l'association La Sasson discute avec l'ensemble des collectivités locales de Savoie. Ce dispositif, aujourd'hui reconnu, pourrait servir d'exemple et s'étendre à d'autres publics pour permettre à tous, même très éloignés de l'administration, d'accéder aux droits sociaux. Qu'ils soient Voyageurs ou sédentaires, vieux ou jeunes, Français ou étrangers.