Effet indirect des restrictions liées au Covid-19, certaines communautés se retrouvent fragilisées psychologiquement. Les Italiens, bien que proches de leur pays, souffrent de la limitation des déplacements et de l'éloignement de leurs proches. Au point qu'un centre d'écoute a ouvert à Chambéry.
Si quelques notes de bleu subsistent au-dessus de Notre Dame de Chambéry, depuis les fêtes de fin d'année, le soleil venu d'Italie ne semble plus beaucoup réchauffer le cœur de celle que l'on nomme l'église des Italiens. Don Valerio Polisi, qui y officie depuis presque trois ans, l'a constaté pas plus tard que dimanche dernier.
"L'Italien est lié à la famille et plusieurs n'ont pas pu accueillir leurs petits-enfants ou n'ont pas pu rejoindre leur famille pour les fêtes. Le stress émotif est très fort", remarque le prêtre de la mission catholique italienne à Chambéry. Don Valerio ne se contente pas d'écouter ses 70 fidèles pour juger de l'état moral des Italiens expatriés. Noël a agi comme un stigmate de plus d'une vraie remise en question. Sa visite au centre d'écoute, mis en place pour les 25 000 Italiens de Savoie et Haute-Savoie, va le lui confirmer.
"L'idée d'aller vivre à l'étranger, c'est un engagement fort conditionné par l'envie d'une vie meilleure. Cette crise remet forcément ce choix en cause, note Carolina Corsi, psychologue. Tous ceux, par exemple, qui avaient idéalisé la vie en France, ceux qui ont des emplois saisonniers dans le commerce, la restauration, cela remet leur projet en cause de voir que tout est fermé."
Eviter le repli sur soi
Giulia Romanelli, elle, est venue au centre d'écoute en curieuse. Piémontaise, elle est venue faire ses études à Chambéry il y a 10 ans avant de s'y établir. Si elle a vécu plutôt joyeusement le premier confinement grâce aux réseaux sociaux, le second lui a fait découvrir une autre réalité. "On est surchargés d'informations par rapport aux réseaux sociaux et peut-être qu'on ne s'en sert pas si bien que ça. On pourrait s'en servir différemment. Et ce n'est pas un vrai contact non plus. Cette période nous apprend aussi l'importance de la réalité", estime la jeune femme.
L'Italie si près, à quelques kilomètres seulement, et si loin depuis la crise du Covid-19. Un éloignement difficile à vivre pour Giulia comme pour les autres. Mais mettre des mots sur son mal-être n'est pas toujours une démarche évidente. "Il y a un stéréotype qui perdure en Italie. Le fait de se faire aider, c'est parce qu'on est arrivé à l'extrême : on se fait aider, donc on est fou. Et la seconde réaction, c'est le repli sur soi", constate Sara Fonsato, responsable "jeunes" du Comité des Italiens à l'étranger en Savoie.
En une semaine de fonctionnement, le local de la maison des syndicats a reçu peu de visites. Le temps de digérer l'éloignement, les deuils du coronavirus parfois. Don Valerio le sait bien, les blessures du migrant italien d'aujourd'hui ne plus les mêmes que celles de l'expatrié d'hier.