Sous l'impulsion du maire des Échelles, de nombreux élus locaux de Savoie ont opté pour la visière anti-projection afin de protéger leur population du nouveau coronavirus. L'édile défend le port de visières en plastique, notamment pour les enfants.
Tant sur le plan logistique que sanitaire, la rentrée des classes fait office de casse-tête pour les maires de communes rurales. Aux Échelles (Savoie), Cédric Vial a résolu au moins une partie de l'équation. L'édile a commandé plus d'un millier de visières anti-projection pour équiper tous les foyers de sa commune avant le déconfinement. Sa priorité : protéger les 220 écoliers qui vont retrouver le chemin des salles de classe à partir du 11 mai. Une petite entreprise de la commune a adapté son activité pour prendre cette commande en charge, et la demande explose.
"Le déclic, ça a été l'annonce du déconfinement, se rappelle Cédric Vial, fraîchement réélu maire des Échelles aux élections municipales, alors qu'il était le seul candidat en lice. Les masques n'étaient pas disponibles ni adaptés à la physionomie et au comportement des enfants. La visière (en plexiglas) semblait être la meilleure solution."
L'idée a fait son chemin, mais ce marché est encore balbutiant en France, plus d'un mois après le confinement de la population à cause de l'épidémie de nouveau coronavirus. "La plupart des modèles qu'on trouvait coûtent entre 15 et 25 euros pour des visières qui ne sont pas fonctionnelles pour les enfants", poursuit le premier magistrat de la commune des Échelles, 1250 habitants.
Alors, Cédric Vial se tourne vers une petite entreprise de sa commune, spécialiste de la plasturgie, qui accepte de relever le défi. Des prototypes de visières pour enfants et adultes sont imaginés, en concertation avec des pharmaciens, testés sur des habitants de la commune. Et bingo, le produit fait l'unanimité. La production doit être lancée mercredi 29 avril au plus tard. La PME a accepté de pratiquer des tarifs "compatibles avec le budget des collectivités locales", à moins de 2 euros l'unité pour une commande de 500. "Mais ce n'est pas la petite commune des Echelles qui va leur faire amortir leurs frais", nuance Cédric Vial qui a lancé un appel à l'ensemble des maires de Savoie.
Objectif : 20 000 commandes
"Pour un prix inférieur à un masque en tissu, voilà un produit à la fois fonctionnel et confortable", écrit-il dans un mail adressé aux élus du département, les invitant à se laisser tenter par "cette solution développée par un industriel français d’une petite PME savoyarde". Il explique : "Je ne suis pas commercial, la mairie des Échelles n’y gagne rien du tout, mais je suis absolument convaincu de l’intérêt de cette solution et je souhaitais faire partager cette offre à ceux d’entre-vous qui le seraient également, tout simplement."
Et là encore, l'initiative prend. Ce dimanche, Cédric Vial affirme avoir centralisé "7 600 commandes fermes". Il espère franchir la barre des 20 000 en début de semaine. L'entreprise, qui peut assumer une production pouvant aller jusqu'à 50 000 pièces par jour, pense déjà à augmenter la cadence.
Le maire de la petite commune savoyard concède être passé à une "logique militante", défendant bec et ongles ces visières en plexiglas. "C'est la meilleure solution pour tout le monde", résume-t-il, regrettant qu'on "ne (la) promeuve pas plus". L'élu, également membre de la commission éducation de l'Association des maires de France (AMF), s'est lancé dans une vaste opération pour faire connaître ce produit, écrivant même une lettre au ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer pour lui suggérer cette piste en vue du retour à l'école.
Quelle efficacité ?
Dans son dernier avis, le Conseil scientifique, qui livre ses recommandations à l'exécutif dans le cadre de la crise sanitaire, a jugé le port du masque "impossible" en maternelle. Pour les élèves des écoles élémentaires, le il considère difficile de fixer précisément un âge où "la compréhension serait suffisante pour recommander le port du masque de façon adaptée".
La visière serait-elle la solution miracle ? Pas certain. Sur son site, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) écrit que ces équipements "peuvent protéger les porteurs des grosses gouttelettes émises immédiatement après une toux par une personne à proximité et face à l’écran" mais "ne permettent pas de protéger des particules restant en suspension". En résumé : "Ils n'ont pas l'efficacité des masques de protection respiratoire".
Cédric Vial reconnaît ces défaillances, mais affirme : "Il vaut mieux une visière qu'un masque mal porté qui peut être dangereux", disant avoir vu nombre de personnes manipuler leur masque avec bien peu de précaution. Et surtout, ces protections en plexiglas sont avantageuses car "réutilisables autant de fois que l'on veut", à condition de les laver ou de les désinfecter régulièrement. Ce qui n'est pas le cas pour les masques, même en tissu. "Ce n'est pas une idée d'hurluberlu", défend Cédric Vial, aspirant au développement de cette filière en France.
Le gouvernement doit présenter son plan de déconfinement mardi, comprenant notamment les modalités de la reprise de l'école. Le maire des Échelles y sera attentif, avec l'espoir de voir les élèves du pays reprendre le chemin des salles de classe avec des visières fabriquées par des entreprises locales.