Confiné depuis le 15 mars 2020 dans le refuge de la Leisse en Vanoise, Félix Detrez reconnaît avoir de la chance. Accompagné d'un aide-gardien et sa compagne, il vit cette drôle de période comme un privilège. Témoignage.
Ils sont tous les trois, confinés là-haut depuis le 15 mars 2020, au cœur du parc de la Vanoise et ils ne s'en plaignent pas. Félix, le gardien, est accompagné de Bastien et Manon (un aide-gardien et sa compagne). Ils vivent en autarcie dans le refuge de la Leisse à 2487 mètres d'altitude, loin des affres de la vie d'en-bas.
Autonomie
En temps normal, le refuge accueille les randonneurs qui empruntent les sentiers du GR55 et de la Via-alpina. Il peut recevoir une trentaine de personnes. Mais ce printemps, la bâtisse est fermée au public pour cause de pandémie. Seuls, le gardien et ses aides sont admis à y séjourner durant le confinement.Pour Félix, 26 ans, c'est la première saison en tant que gardien de refuge. Ingénieur de formation, originaire de Picardie, le cours de la vie et sa passion pour la montagne l'ont emmené jusqu'à Lyon, puis les Alpes où il a d'abord été aide-gardien.
"J'ai ouvert le refuge le 13 mars et le 15 au soir, l'arrêté de fermeture est tombé à cause de la pandémie, je n'ai travaillé que trois jours au total". Mais, pour rien au monde, il ne regrette ce choix de rester en montagne durant le confinement : "le paysage est magnifique, nous n'avons pas la pression qui existe en bas, aucun risque de contagion, nous sommes privilégiés même si nous sommes obligés de rester à proximité du refuge et de ne pas partir en randonnée".
Pas question en effet de prendre de risque et de s'éloigner du refuge, d'autant que les secouristes veillent et l'hélicoptère passe régulièrement dans le secteur. "Nous sommes bien conscients qu'il ne faut pas sortir en montagne : il n'y a pas de risque zéro et il serait regrettable de mobiliser les secours et d'engorger les hôpitaux.")
Des stocks de nourriture pour trois mois
Fort heureusement, Félix a fait le plein de provisions pour au moins trois mois. Si les produits frais leur manquent un peu, ils ont trouvé de quoi compenser en transformant certains produits : "on utilise la lactofermentation qui permet de conserver des fruits et légumes en les baignant dans une saumure [technique aussi utilisée pour conserver la choucroute, NDLR], c'est légèrement acide, mais c'est goûteux et ici, le résultat est probant. Cela se conserve bien."Ce confinement au grand air a été l'occasion de faire quelques menus travaux sur le refuge. Réparation des huisseries, nettoyage, déneigement, réfection de la toiture en tavaillon, bricolage divers, pas le temps de s'ennuyer. La petite équipe partage les tâches et les journées passent vite.
Comment faire passer le temps ?
Aux premières loges, pour assister à l'éveil de la nature, le trio a pu contempler des scènes animalières magnifiques. Un rassemblement de chamois au pied de la Grande Casse, le vol d'un gypaète qui a frôlé le refuge, ou encore les premières marmottes, les renards, les lagopèdes, des bergeronnettes et des chocards. Sans la présence des humains, les animaux sont sans doute moins dérangés et se cachent moins. "Nous n'avons pas vu de loup, mais nous avons eu la chance de voir ses empreintes fraîches", constate Félix.
Pour le reste, la lecture, la contemplation, un peu de musique, quelques films à visionner et des jeux de société remplissent leurs journées. "Je crois que nous sommes vraiment privilégiés et sincèrement, je ne regrette absolument pas de rester là-haut durant cette période de confinement. C'est même une grande chance."