Les Championnats du monde de ski 2023 à Courchevel-Méribel, qui se terminent ce dimanche 19 février, ont généré un impact écologique "avéré", selon des associations environnementales. L'organisation ne conteste pas, mais souligne les efforts réalisés pour minimiser l'empreinte carbone de l'événement.
Le souvenir des JO de Pékin, avec ses pistes de ski fabriquées de toutes pièces dans des montagnes dépourvues de neige et sans public, semble loin. Ce mercredi, à l'occasion du parallèle individuel des Mondiaux 2023, la station de Méribel avait fait le plein de visiteurs. Et la piste du Roc de Fer, elle, échappe encore aux conséquences des fortes températures de ces derniers jours.
Mais, à l'heure où les préoccupations environnementales entourent de plus en plus les grandes compétitions internationales, plusieurs associations s'interrogent sur leur maintien ou leur périodicité. C'est le cas, notamment pour ces Mondiaux de ski alpin : un événement qui a généré du trafic routier, de la production de neige artificielle et le terrassement d'une zone humide pour mettre aux normes la piste de l'Eclipse.
Les transports, principal polluant
Interrogée, l'organisation n'est pas dupe. Elle reconnaît que l'impact environnemental de l'événement n'est pas neutre : "On s'est donné les moyens de mettre en place des actions pour limiter au maximum notre bilan carbone. Je ne dirais jamais que l'on est exemplaire, mais je dirais que l'on a fait du mieux possible et qu'il y aura toujours des pistes d'amélioration pour les futurs organisateurs", explique Emilie Meynet, responsable RSE de l'événement.
Parmi les grands enjeux ciblés : les transports. Ce secteur représente la principale cause des émissions de gaz polluant devant les infrastructures et la consommation d'énergie : "On avait réalisé un bilan carbone des finales l'année dernière et on savait que le transport était l'activité la plus impactante." À l'époque, le transport routier représentait 62 % du bilan carbone, selon Emilie Meynet.
Cette année, la responsable s'attend à ce que ce chiffre se situe davantage entre 65 et 70 %, notamment à cause de la dimension plus importante de l'événement et des vacances scolaires en France mais aussi à l'étranger. "Avec notre travail l'année dernière lors des finales de la Coupe du monde, on a pu estimer le bilan carbone de ces Mondiaux. A partir de cette estimation, on s'est fixé l'objectif de réduire l'empreinte carbone de l'événement de 20 %."
Des navettes depuis les grandes villes de la région
En 2021, lors des finales de la Coupe du monde, l'empreinte carbone d'un spectateur a été estimée à 192 kg de CO2, selon les organisateurs. "Nous n'avons pas encore fait le calcul sur ces Mondiaux, mais nous comptons faire moins de 150kg de CO2 par visiteur", détaille Emilie Meynet. À titre de comparaison, en France, la moyenne des émissions d’équivalent CO2 par habitant est évaluée entre 10 et 11 tonnes par an.
On ne peut pas se voiler la face, il y a des impacts avérés sur la nature. Le discours zéro impact n'est pas tenable.
Antoine Pin, directeur de l'association Protect Our Winters France.
"Pour réduire notre impact, nous avons mis en place un plan de transport". Depuis le début de la quinzaine, des dizaines de bus remplis de supporters entament l'ascension de la vallée de la Tarentaise. Un important maillage de navettes et de parkings-relais a été mis en place depuis les principales communes savoyardes, mais aussi depuis les grandes villes de la région (Lyon, Grenoble, Annecy...).
"On ne peut pas se voiler la face, il y a des impacts avérés sur la nature. Le discours zéro impact n'est pas tenable. Mais, on peut noter que l'organisation a été très ouverte sur les échanges avec les associations et les acteurs environnementaux. Elle a choisi de mettre l'accent sur la mobilité. C'est une bonne chose, c'est un fait indéniable que le transport représente le plus gros impact", observe Antoine Pin, directeur de l'association Protect Our Winters France.
Dix-sept hectares de forêt terrassés
La buxbaumie est une mousse végétale très discrète qui se développe au-dessus de 500 mètres d'altitude. Cette espèce a dû être déplacée d'une zone humide détruite en amont de la compétition, pour aménager la piste de l'Eclipse, lieu des compétitions masculines. "On n'a pas coupé pour le plaisir de couper. Il y a eu une étude pour limiter l'impact environnemental. Sur le tracé initial, six zones humides devaient être détruites. On a essayé de s'adapter pour en sauver cinq. Malheureusement, une d'entre elles a été détruite. Mais une mesure compensatoire a été faite avec la restauration d'une zone humide sur la même commune", explique Emilie Meynet.
Elle ajoute également qu'"il y a aussi un enjeu de revégétalisation de la piste pour que la forêt coupée redevienne de la pâture ou de l'alpage". Selon Antoine Pin, la surface terrassée représente près de 17 hectares : "L'organisation n'a pas voulu cacher ça. Elle a dû mettre la piste aux normes de la FIS (Fédération internationale de ski, ndlr). On ne peut que le regretter."
Le rythme de ces rendez-vous questionné
En somme, Antoine Pin n'accable pas les organisateurs, qui, selon lui, ont été dans l'échange, avec l'instauration d'un comité RSE peu de temps après la nomination de Méribel-Courchevel : "Les personnes ont su être à l'écoute mais n'ont pas acté l'étape ultime pour limiter les conséquences environnementales d'un événement comme celui-là, qui est de ne pas l'organiser."
Même son de cloche pour Fredi Meignan, vice-président de l'association Mountain Wilderness, aussi présente dans le comité RSE : "Les grands rendez-vous internationaux ont toujours fait rêver, mais ne peut-on pas ralentir leur rythme ? Nous voyons que nos ressources s'amenuisent. Le maintien des compétitions contribue à l'illusion que ces événements vont encore perdurer, alors qu'ils ne seront plus adaptés d'ici les années 2030-2040."
Nous sommes conscients des efforts actuels de la FIS en termes de développement durable, mais nous les jugeons insuffisants.
Une lettre ouverte de près de 200 skieurs adressée à la FIS.
"Ces compétitions doivent s'adapter à la montagne, et pas l'inverse", poursuit-il. Au-delà de ces Mondiaux, la communauté des skieurs s'inquiète, elle aussi, des conséquences du réchauffement climatique. Dans une lettre publiée pendant la compétition, près de 200 skieurs, dont de grandes stars de la discipline comme Mikaela Shiffrin, Aleksander Aamodt Kilde ou encore Federica Brignone, demandent davantage d'efforts de la part de la FIS.
"L'existence de notre sport est menacée. (...) Nous sommes conscients des efforts actuels de la FIS en termes de développement durable, mais nous les jugeons insuffisants", explique le document. Les athlètes demandent notamment à la FIS d'aménager le calendrier afin de diminuer les voyages intercontinentaux. Ils exigent également de l'instance un plan concret "rendu public avant le début de la saison prochaine" pour réduire son bilan carbone de moitié d'ici 2030.