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DOCUMENTAIRE. "Val d'Isère, les leçons d'une catastrophe" : retour sur un drame qui a fait évoluer la prévention des risques en montagne

Le 10 février 1970, une avalanche s'abat sur un centre de vacances à Val d'Isère en Savoie. Bilan : 39 morts, principalement des enfants et des adolescents. Dans son documentaire " Val d'Isère, les leçons d'une catastrophe", Julien Guéraud raconte comment ce drame a modifié la prise en charge des risques en montagne.

C'est bien connu : la montagne, ça vous gagne ! Et, parfois, ça vous tue. Comme ce 10 février 1970 à Val d'Isère. Il est 8h00, l'heure du petit déjeuner pour les enfants et ados du centre de vacances de l'UCPA. Ils sont au réfectoire et 39 d'entre eux n'en sortiront pas vivants. Une gigantesque coulée de neige fait exploser la baie vitrée du bâtiment et s'engouffre bloquant tout sur son passage.

" J'en avais vu des choses mais à ce point là, jamais . Ca a été une journée terrible. "

Jean-Lou Costerg , premier arrivé sur les lieux du drame

A l'époque, Jean-Lou Costerg est moniteur de ski-secouriste. Voisin de l'UCPA, il est le premier sur les lieux. Il se souvient : " La neige sortait par les ouvertures du bâtiment. Une personne appelait au secours et puis il y avait des cris qui venaient de partout. J'ai prévenu les secours. J'étais tellement choqué par ce que je voyais et entendais que mon premier réflexe a été de faire demi-tour... J'en avais vu des choses mais à ce point là... Jamais. Ca a été une journée terrible. " 

Le drame fait l'ouverture des journaux télévisés . C'est, en 250 ans, la plus grosse catastrophe due à une avalanche. Un traumatisme national dans un pays qui depuis 1964 déroule son plan neige. Les stations de ski se multiplient, les habitations pour accueillir les touristes aussi. Le béton pousse partout où il y a de la place : " On a construit des usines à ski et on en était fiers, dit l'ancien directeur des pistes des Arcs. Dans le contexte de l'époque, c'est ce qu'on faisait de mieux ."

Les familles des victimes se tournent vers la justice. Le maire, le département, l'éducation nationale ont négligé les consignes de sécurité. L'Etat et la commune sont reconnues solidairement responsables. Le centre de vacances était construit là où les risques d'avalanche étaient connus. Ce que personne n'avait jamais signalé.

La catastrophe secoue les esprits et agit comme un électrochoc : une politique nationale de prévention des risques en montagne est lancée. L'idée est que ça ne reproduise plus.

On construit des digues pare-avalanches, des rateliers en bois, en métal ou taillés dans la roche fleurissent sur les pentes. Mais la prévention se heurte à la pression foncière jusqu'au 9 février 1999. Ce jour-là, une avalanche s'abat sur le hameau de Montroc, près de Chamonix. Bilan : 12 morts dont le fils de Jean-Claude Bourdais : " Val d'Isère en 70 et Montroc en 99, c'est la même chose. On savait que c'était dangereux. On a construit quand même et on a averti personne ."  Le maire de Chamonix est reconnu coupable par la justice.

En 2005, Jean-Claude Bourdais et d'autres proches de victimes, fondent l'AIRAP ( association  pour l'information sur les risques d'avalanches urbaines). L'objectif est d'obliger l'Etat à prendre en compte dans les plans d'urbanisme, les avalanches dont on trouve la trace jusqu'à 300 ans en arrière. A l'époque, en France, c'est seulement 100 ans.

Aujourd'hui dans les Alpes françaises, 161 communes sont concernées par ces risques d'avalanches exceptionnelles. Alors Jean-Claude Bourdais fait la tournée des popottes municipales pour rappeler la mise aux normes nécessaire et obligatoire des couloirs d'avalanches.

" Aujourd'hui on doit gérer les comportements des gens qui viennent consommer la montagne... "

Jérémy Vallas, maire de Vallorcine

A Vallorcine en Haute-Savoie, seul 20% du territoire est hors avalanche. Le constat du maire est sans appel : " La mise en sécurité totale est impossible. Le mieux c'est l'anticipation, l'éducation des populations pour les amener à des comportements les moins risqués possibles. Alors aujourd'hui on gère le comportement des gens qui viennent consommer la montagne. Le risque zéro n'exite pas et il n'existera jamais ."

Voilà pour les fonds de vallée. Parce que sur les flancs des montagnes c'est aux pisteurs et aux nivologues que revient la prévention du risque. Les premiers mesurent régulièrement la stabilité du manteau neigeux, de moins en moins stable avec le réchauffement climatique. Des mesures qui permettent de mieux anticiper les avalanches, voire de les déclencher quand c'est nécessaire. Ce que font les seconds à qui incombe la sécurité des pistes .

" On peut aller partout mais il faut le faire intelligemment ."

Laurent Langoisseur, pisteur-secouriste aux Grands Montets

Pour Laurent Langoisseur, pisteur-secouriste aux Grands Montets en Haute-Savoie, pas question d'interdire : " On a des skieurs de rando qui partent alors que le risque avalanche est de 4. C'est dommage de ne pas se renseigner. Ca pourrait éviter des accidents. C'est important de garder la montagne libre. On peut aller partout mais il faut le faire intelligemment, avec du bon sens. Quand on ne sait pas, on demande ."  Frédéric Jarry de l'ANENA (association nationale pour l'étude de la neige et avalanches ) constate de son côté que la moyenne des décès dus aux avalanches est passé de 30 à 26 morts par an en une décennie. " Une baisse due à la prévention, à une moindre prise de risques des pratiquants et surtout à l'amélioration des moyens de secours embarqués et à la rapidité d'intervention des secours en montagne ."

D'autre part, pour mieux préparer les skieurs-randonneurs, l'association "La Chamoniarde " organise régulièrement des stages pour apprendre à lire la montagne .

Peut-être que la solution est chez les anciens, ceux qui savaient écouter et observer.

Anne et Erik Lapied sont de ceux-là. Documentaristes et photographes animaliers, ils vivent dans un hameau au coeur des montagnes. Ils expliquent qu'il est construit sur un éperon rocheux que les avalanches contournent. Et d'ajouter : " Nous, on se fie aux bouquetins. Quand ils sont aux pieds des gros rochers on se dit qu'il ne faut pas y aller ."  Et ils n'y vont pas...

La montagne ça vous gagne et pour éviter que ça vous tue il est important de se comporter avec bon sens.  Il y a la responsabilité des politiques, des collectivités territoriales , des professionnels de la montagne et celle de chacun et chacune. 

" Val d'Isère, les leçons d'une catastrophe " donne la parole à ceux qui se battent pour que la montagne reste un espace de liberté le plus sûr possible.

" Val d'Isère, les leçons d'une catastrophe " de Julien Guéraud, une coproductin Mona Lisa Production et francetv AURA, à découvrir le jeudi 25 mai à 22H45 dans la case documentaire La France en Vrai, sur France3 Auvergne-Rhône-Alpes et déjà disponible sur france.tv

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