Le parquet général de la cour d'appel de Chambéry a requis ce matin l'annulation du jugement accordant à un couple homosexuel franco-marocain le droit de se marier, en faisant valoir la "supériorité" d'une convention bilatérale s'y opposant. La cour d'Appel rendra son jugement le mardi 22 octobre.
La cour d'appel rendra son arrêt pas écrit, mardi après-midi. Si le ministère public a fait appel, c'est parce qu'il a estimé que les conventions internationales régulièrement ratifiées avaient une "valeur supra-légale" à la loi sur le mariage pour tous. Il évoquait une circulaire du ministère de la Justice stipulant que les ressortissants de onze pays ne pouvaient se marier en France avec une personne du même sexe, en vertu de différents accords bilatéraux.
En l'occurrence, la convention franco-marocaine du 10 août 1981 interdit le mariage d'un Marocain avec une personne du même sexe. "Si ces accords pouvaient ne pas être respectés, ils fragiliseraient les rapports internationaux et conduiraient les pays à hésiter à les signer", a estimé le substitut général, Hervé Lhomme.
Pacsés depuis mars 2013, Dominique et Mohammed devaient se marier le 14 septembre en mairie de Jacob-Bellecombette, près de Chambéry. Mais le parquet avait fait opposition au mariage deux jours avant sa célébration. Le couple avait alors saisi le Tribunal de Grande Instance de Chambéry pour obtenir la levée de cette opposition.
Le 11 octobre, le TGI lui avait donné raison, estimant que la loi sur le mariage pour tous du 17 mai 2013 avait modifié "l'ordre public international français", de sorte que l'application de la convention franco-marocaine de 1981 pouvait être écartée.
Pour le parquet général "ce trouble interne à l'ordre public international n'est pas manifeste", la jurisprudence retenant "le mariage de personnes trop jeunes ou trop âgées ou encore la polygamie, mais pas le mariage entre personnes de même sexe. "La loi du mariage pour tous a considérablement modifié les règles. Si on rejetait cette notion alors il y aurait des discriminations très importantes entre les personnes dont les pays ont signé des conventions et les autres", a réfuté l'avocat du couple, Me Didier Besson.
L'avocat a par ailleurs souligné "l'absence de preuve de réciprocité" en droit marocain prévu dans les accords. "Si la cour d'appel devait infirmer le premier jugement, on assisterait à un véritable acharnement judiciaire", a-t-il ajouté à l'issue de l'audience.
11 nationalités sont concernées
Le Maroc n'est pas l'unique pays en convention bilatérale avec la France, qui interdit le mariage homosexuel chez lui. Les personnes originaires de Pologne, de Bosnie, du Monténégro, de Serbie, du Kosovo, de Slovénie, de Tunisie, d'Algérie, du Cambodge et du Laos ne peuvent donc pas se marier avec un partenaire français de même sexe. Seules des actions en justice pourraient permettre aux couples demandeurs d'obtenir gain de cause.