Depuis 40 ans, Jean-Charles Vayr étoffe sa collection unique et méconnue de costumes traditionnels savoyards. Il a sillonné tout le département à la recherche de tenues qui racontent l'histoire de la Savoie, ses rites, ses villages reculés dans la montagne.
C'est au fond d'une remise que se trouve la cache au trésor, pleine de couleurs dans l'obscurité. "L'antre" de Jean-Charles Vayr regorge de costumes, soieries, tabliers, châles et autres coiffes anciennes. "Un univers concentré des traditions vestimentaires de la Savoie", sourit son propriétaire, dont la collection retrace plus d'un siècle d'histoire.
"Ce costume de Saint-Sorlin, c'est sûrement l'une des plus belles pièces. C'est un costume de mariage tellement travaillé de paillettes, de broderie, de rubanerie", décrit Jean-Charles devant une robe de toutes les couleurs exposée sur un mannequin, coiffé d'une cocarde et d'une couronne de fleurs. L'habit pèse entre 7 et 8 kg.
"Quand les femmes mettaient le costume le dimanche, c'était une multitude de couleurs pour faire voir qu'elles étaient plus belles que la voisine d'à côté", raconte le collectionneur. Sa passion est née dans la maison de ses grands-parents, dans le val de Suse, en Italie. Jean-Charles a 18 ans et une enfance difficile derrière lui. Il ouvre une malle et se découvre un passé, une famille.
Je me suis attaché à cette passion en allant voir les anciens qui me parlent de leur vie, qui ont une sagesse inouïe qu'on voit moins. Ces personnages m'ont forgé.
Jean-Charles Vayr, collectionneur de costumes traditionnels savoyards
"C'est par ce coffre, cette photo de mon arrière-grand-mère en costume, que tout a commencé. Une émotion m'étreint parce que je vois deux coiffes de mon arrière-grand-mère avec de vieux rubans. Et là, je suis heureux parce que je peux toucher quelque chose qui lui a appartenu", se rappelle-t-il en tenant une coiffe sombre ornée d'un imposant ruban rose.
"Même si je n'avais pas connu mon arrière-grand-mère, je touchais ce qu'elle avait porté. C'est une transmission tactile. C'est un bonheur incommensurable", poursuit Jean-Charles. "C'est pour ça que je me suis autant attaché à cette passion en allant voir les anciens qui me parlent de leur vie, qui ont une sagesse inouïe qu'on voit moins. Ces personnages m'ont forgé."
"Pas seulement une histoire de costumes"
Dans la quête de son histoire, il a rencontré celle des autres. Jean-Charles Vayr sillonne la Savoie depuis 40 ans jusqu'aux villages les plus reculés. De costume en costume, de famille en famille. Chez les Jay, à Saint-Martin-de-Belleville, il a connu quatre générations.
"Tu te rappelles d'Ernestine ? Quand elle marchait en claudiquant, les rubans des coiffes partaient d'un côté, puis de l'autre. Ça balançait", plaisante le collectionneur en regardant de vieilles photos de famille avec André Jay. "Ça nous rappelle l'ancien temps qu'on n'a pas trop connu mais quand même un peu. Je suis dans les derniers à avoir vu ça", répond André, admiratif du travail de mémoire mené par Jean-Charles.
"Ce n'est pas seulement une histoire de costumes, il faut aimer les gens, vraiment les aimer", assure l'amateur de costumes. Un travail sur le temps long, à la recherche de morceaux d'histoires familiales pour perpétuer une mémoire sur le déclin.