Le réchauffement climatique, deux fois plus rapide dans les Alpes, entraîne un recul des glaciers sans précédent. Un bouleversement qui se fait de plus en plus visible dans la vallée des Chapieux, en Savoie. Et qui entraîne une mutation de la pratique de l'alpinisme.
C'est un petit paradis préservé. Aux confins du Beaufortain et aux portes du massif du Mont-Blanc s'étend la vallée des Chapieux et ses géants. Le Glacier des glaciers et les Lanchettes. Un décor toujours spectaculaire, mais qui change très vite.
"On n'a pas fait d'étude précise sur ce glacier [les Lanchettes, NDLR], mais si on prend les modélisations faites sur d'autres glaciers, on peut dire que d'ici au milieu du siècle, il aura disparu", expose Xavier Cailhol, doctorant en géographie. La masse glaciaire tachetée de gris se scinde, à son extrémité, en plusieurs petits blocs de glace appelés glacierets. Un phénomène qui conduit au recul du glacier.
"Comme il n'y a plus de déplacement, la zone d'accumulation au-dessus ne rejoint plus la zone d'ablation en bas. Ça veut dire que la partie où le glacier se forme, là où la neige reste, ne communique plus avec le bas, donc le glacier ne fait que reculer. Forcément, il perd de plus en plus vite de l'épaisseur et de la masse", résume l'aspirant guide de haute montagne de 27 ans.
Disparition inexorable
Le glacier des glaciers, perché à 2 500 m d'altitude, recule lui aussi d'année en année. Parfois subitement. "D'abord, il y a une perte d'épaisseur et le front ne va pas forcément reculer. Et d'un seul coup, dès que l'épaisseur est devenue trop faible, il y a des reculs qui sont souvent assez brutaux. Dans un premier temps, on n'a pas l'impression qu'il fond et d'un coup, il se retire à vitesse grand V", décrit Xavier Cailhol.
En 2022, les glaciers de référence dans le monde ont connu une perte beaucoup plus importante que la moyenne des dix dernières années, selon les chiffres de l'Organisation météorologique mondiale (OMM). La Mer de Glace, le plus grand glacier français, a perdu 16 mètres de hauteur l'année dernière. Et la perte d'épaisseur cumulée des glaciers depuis 1970 s'élève à près de 30 mètres.
"Au mieux, si on arrête toutes les émissions, il y aura 82 % des glaciers qui auront disparu. Et si on continue comme actuellement, on sera plutôt autour de 95 ou 96 %, voire 98 % des glaciers. On a du mal à se le représenter", complète l'aspirant guide qui étudie l'impact du changement climatique sur la pratique de l'alpinisme.
"Travailler ensemble" pour faire perdurer l'alpinisme
Car dans les Alpes, le réchauffement est deux fois plus rapide qu'ailleurs. Les glaciers reculent, les parois s'effondrent et l'alpinisme, forcément, est de plus en plus impacté. "La couverture nivale, la neige qui est sur le glacier, notamment en haut, et qui vient boucher les crevasses en faisant des ponts de neige, se retire de plus en plus tôt en saison", note Xavier Cailhol. "L'an passé, assez tôt en saison, on n'a plus pu pratiquer ce glacier parce qu'il y avait des crevasses infranchissables. Ça change radicalement."
Mais le monde des cimes demeure une source d'émerveillement. Pour continuer à l'arpenter, montagnards et alpinistes vont donc devoir s'adapter, mieux anticiper les risques en travaillant tous ensemble, en cordée.
Si on arrive à travailler ensemble, on aura une vue qui sera d'autant plus large, d'autant plus complète et d'autant plus objective de ces évolutions.
Xavier Cailhol, aspirant guide de haute montagne et doctorant en géographieà France 3 Alpes
"Il y a besoin d'une coordination et de plus de coopération entre tous les acteurs, juge le géographe. Un gardien de refuge, ça va être quelqu'un qui va rester sur le lieu en permanence, qui va être tout le temps là, qui va pouvoir faire la transmission. Le guide, c'est lui qui va aller chercher partout. Mais l'alpinisme amateur, ça va être pareil. Il va peut-être aller dans des courses que les guides ne fréquentent pas forcément."
Replacer l'humain, l'échange, au cœur de la pratique. Tel est le leitmotiv de Xavier Cailhol. De tout temps, les montagnards ont été résilients. Une qualité à développer plus que jamais pour que perdurent la liberté et l'aventure.