Un impressionnant éboulement s'est produit ce mercredi 23 août en-dessous de l'Aiguille du Midi, près de Chamonix (Haute-Savoie) et fait suite à plusieurs autres chutes de pierres ces derniers jours, en plein épisode de canicule. Pour le géomorphologue Ludovic Ravanel, la multiplication de ces éboulements est un symptôme du réchauffement climatique.
Des fortes chaleurs jusqu'au pied même du toit de l'Europe occidentale. La canicule, qui s'est installée depuis plusieurs jours dans les Alpes du Nord, et les températures record de ces derniers jours ont provoqué d'importants éboulements dans le massif du Mont-Blanc.
Ce mercredi 23 août, une chute de pierres de près de 20 000 mètres cubes a eu lieu dans la face nord de l'Aiguille du Midi, sous la station du téléphérique. L'éboulement a engendré un impressionnant nuage de poussières, qui s'est diffusé dans la vallée de Chamonix.
"C'était tellement gros qu'on le voyait depuis notre bureau", confie un gendarme du Peloton de gendarmerie de haute-montagne (PGHM) de Chamonix. Par chance, les sauveteurs n'ont pas eu à s'employer ce mercredi : le secteur était désert et aucune alerte n'a été lancée.
Des éboulements en série
Ces scènes se répètent ces derniers jours dans le massif du Mont-Blanc. Quelques heures après l'éboulement de l'Aiguille du Midi, une autre chute de pierres s'est déroulée sous l'Aiguille Verte, selon Ludovic Ravanel, géomorphologue et spécialiste de l'évolution des milieux de haute montagne. Là non plus, sans conséquence dramatique.
Deux jours plus tôt, d'importantes chutes de pierres ont été filmées dans le couloir du Goûter, un lieu connu dans l'ascension du mont Blanc pour ses fréquents éboulements.
Cette situation a poussé la préfecture du département à appeler à la plus grande prudence. Ce lundi 21 août, elle avait notamment conseillé aux alpinistes, qui prévoyaient l'ascension du mont Blanc par la voie normale, de reporter leur tentative.
Les éboulements ne se limitent pas au simple massif du Mont-Blanc. Un autre éboulement a eu lieu lundi dans le massif des Ecrins, dans le vallon de Celse Nière. Depuis, l'accès au secteur est déconseillé et les refuges du Sélé et du Pelvoux ont été évacués.
Le dégel du permafrost en cause
Pour le géomorphologue, ces événements sont amenés à se reproduire davantage au cours des prochaines années : "Ça va encore s'intensifier. On voit déjà des éboulements de plusieurs millions de mètres cubes dans l'arc alpin chaque année. Comme en Autriche ou en Suisse cet été. Ce sont des éboulements qu'on ne voyait que très rarement il y a une trentaine d'années", observe-t-il.
En cause : le dégel du permafrost, état thermique du sol qui "permet la présence de glace dans les fissures de la montagne". Cette glace permet de jouer le rôle de ciment. Or, avec le réchauffement climatique, ce "ciment" est mis à mal.
Ludovic Ravanel évoque même une "crise érosive" : "Les régions de montagne sont vouées à subir une érosion sur le très long terme. Mais ces dernières années, nous avons pu observer une très forte accélération de cette érosion à haute altitude, avec des phénomènes naturels importants."
"La dégradation du permafrost est une des conséquences directes du réchauffement climatique, au même titre que la fonte des glaciers. C'est un risque naturel dont on parle moins parce qu'il est encore à l'étude et moins visible. Mais il est tout aussi symptomatique du climat actuel", conclut le géomorphologue.