Le lac de la Thuile, situé sur les hauteurs de Montmélian, est victime de son succès. De plus en plus de monde vient s'y rafraîchir, entraînant une augmentation des incivilités. Les élus passent donc à la verbalisation pour protéger notamment les troupeaux et le travail des agriculteurs de cette commune rurale de Savoie.
Depuis la pandémie de Covid et la fin du confinement, leur petit paradis attire toujours plus de monde. A proximité de l'agglomération de Chambéry, le lac de la Thuile, dans le massif des Bauges, est une perle de fraîcheur plébiscitée par des citadins qui étouffent dans la vallée, particulièrement en période de canicule.
Ils sont donc de plus en plus nombreux à venir se prélasser sur ses berges et à piquer une tête. Une augmentation de la fréquentation qui se traduit, ici, aussi, par une hausse des incivilités.
"Certains arrivent en terrain conquis"
"Depuis le confinement, les gens se sont aperçus que, à côté de chez eux, il y avait des coins super sympas. Ils ont découvert qu'il n'y avait plus besoin de prendre l'avion mais qu'à cinq minutes de voiture on pouvait être dans un coin super. Et certains arrivent en terrain conquis, sous prétexte que la nature est à tout le monde. La cohabitation entre le touriste éphémère et l'habitant est un peu difficile", décrit Jean-François Poitou, premier adjoint au maire de La Thuile, commune de 370 habitants.
"Les gens se garent n'importe où, sur des prés de fauche, sur des prés de parcs à bêtes. Ils rentrent dans les prés, sans s'occuper de savoir s'il y a des troupeaux, et ils laissent les portes des parcs ouvertes, etc.", poursuit-il.
En quatre ans, ils ont donc pris des mesures graduelles. Ils ont commencé par de la prévention et de l'éducation aux pratiques agricoles d'un milieu de montagne. Ils ont installé des panneaux, pris des arrêtés municipaux, mais rien n'y fait. Le joli lac de leur commune est toujours le théâtre de débordements dus à la fréquentation touristique.
"Ne marchez pas dans mon assiette"
Il y a quelques semaines, des panneaux représentant des vaches au regard sévère ont été placés à proximité de parcelles agricoles qui bordent le lac. "Ne marchez pas dans mon assiette", disent les ruminants.
"Cette vache est un peu en colère parce qu'elle en a marre que les gens marchent dans son assiette, qu'ils passent avec leurs chiens et qu'ils laissent leurs déchets au passage. Elle, elle n'aime pas trop manger tout ça", développe Cécile Mongellaz Tucoulat, deuxième adjointe au maire de la Thuile.
"Je suis aussi femme d'agriculteur et c'est une réalité. Depuis le confinement, on rencontre des difficultés avec les nouvelles personnes qui viennent dans nos campagnes. L'agriculteur, quand il fait ses foins, il ne va pas forcément voir qu'il y a des déchets au milieu des herbes hautes. Ça se retrouve dans les ballots de foin et la vache va l'ingérer et elle peut avoir des perforations de l'estomac, ce genre de choses. Nous, ça nous est arrivé une fois", dit-elle.
Jusqu'à 135 euros d'amende
Alors qu'au bord du lac, les touristes cherchent les centimètres carrés encore vacants pour déplier leurs serviettes, s'allonger dans un champ, à l'ombre d'un arbre pour faire la sieste après le pique-nique, semble un geste bien innocent. Encore faut-il s'assurer que le matelas naturel sur lequel on se prélasse n'est pas le gagne-pain d'un habitant du coin.
Il y a ceux qui le comprennent, et il y a les autres.
"Un agriculteur qui vient faire son foin un dimanche, il trouve du monde qui est garé dans ses andains et, en plus, quand il veut rentrer dans son champ on lui dit : 'c'est dimanche, ne venez pas nous embêter'. Cela devient vite exaspérant pour eux et on peut le comprendre", poursuit Cécile Mongellaz Tucoulat.
Les trois adjoints de la commune ont un pouvoir de police, ils sont donc passés à la verbalisation pour éviter les abus. Jusqu'à 135 euros d'amende pour les incivilités.
Ils rappellent aussi que le lac n'est pas une propriété communale mais une propriété privée, partagée par des copropriétaires. "La baignade et le canotage léger sont autorisés, sachant que c'est aux risques et périls des propriétaires", continue Jean-François Poitou, premier adjoint au maire de La Thuile.
"S'il y a le moindre problème, un accident, c'est à la charge des copropriétaires. Donc, si vous venez profiter du lieu où on habite, faites-le avec respect, c'est tout ce que l'on demande", conclut l'élu.