Le Ségur de la santé suscite peu d'espoir dans les hôpitaux auvergnats

Lancé lundi 25 mai par le ministre de la Santé Olivier Véran, le Ségur de la santé ne suscite pas beaucoup d’espoir au sein des personnels des hôpitaux d'Auvergne. Plusieurs syndicats craignent même que les mesures issues de la concertation aggravent la situation.

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Lancé lundi 25 mai par le ministre de la Santé Olivier Véran, le “Ségur de la santé” doit permettre de trouver des remèdes aux maux dont souffre l’hôpital public. Cette concertation qui doit réunir plus de 300 représentants du monde médical se veut ambitieuse. Pourtant, en Auvergne, elle ne suscite pas beaucoup d’espoir chez les principaux concernés. 

C'est comme le grand débat après la crise des gilets jaunes : de la poudre aux yeux

“Je n’y crois pas, c'est comme le grand débat après la crise des gilets jaunes : de la poudre aux yeux !” se désole Marie-Claudine Ferrara, responsable CGT au CHU de Clermont-Ferrand. “Il s’agit de faire croire aux Français qu’on s’occupe de l’hôpital, que nos gouvernement ont pris la mesure du problème.” Pour la responsable syndicale, les décisions issues de la concertation pourraient même aggraver la situation : “Ce que dit Olivier Véran, c’est “on n’a pas été assez vite, on n’a pas été assez fort” … Quand il dit ça, il ne parle pas des conditions de travail, il parle des restructurations, du plan “Ma santé 2022” qui favorise le privé au détriment de l‘hôpital public …” La possible remise en question des 35 heures ne passe pas non plus : “il va falloir faire avaler aux gens qu’on va leur retirer des RTT ou des jours de congé...”

Travailler plus ? Au CHU de Clermont-Ferrand, tout le monde fait déjà des heures supplémentaires !

Du côté de Force Ouvrière, le ton est semblable. “On n’attend rien de ce Ségur. On craint même des choses négatives“ estime Pascale Guyot, secrétaire du syndicat au CHU de Clermont-Ferrand. “Finalement, notre sentiment c’est qu’ils vont se servir de cette situation pour accélérer leur projet initial, le plan “Ma santé 2022”, la privatisation de certains pans de l’hôpital … Si on prend la revendication salariale, on voit que l’axe proposé, c’est “pour augmenter les salaires, il va falloir faire sauter le carcan des 35 heures à l’hôpital.” C’est ça le seul outil proposé par le gouvernement : pour gagner plus, il faut travailler plus ? Au CHU de Clermont-Ferrand, tout le monde fait déjà des heures supplémentaires ! Il y a l’équivalent de 550 à 600 emplois à temps plein sur les comptes épargne temps. Tout ça, c’est tout le temps qui n’a été ni payé ni récupéré.”  

David Dall'Acqua, médecin urgentiste à l’hôpital de Vichy et délégué départemental de l’AMUF Allier ne fonde pas non plus beaucoup d’espoirs sur cette concertation : “Je reste assez pessimiste sur la hauteur des moyens qui seront mis en oeuvre. On nous dit qu’on va rattraper la moyenne européenne au niveau des salaires. Ca serait déjà un grand pas. Sur la nouvelle gouvernance des hôpitaux, j’ai peu d’espoir. Sur le temps de travail, on peut très bien l’augmenter mais pourquoi  ? Pourquoi les infirmiers n'arrivent pas à poser leurs RTT ? Pourquoi on les rappelle sur leurs congés ? Parce qu’il n’y a pas assez de personnel ! On travaille à flux tendu !”

Il faut arrêter de nous parler de fermetures de lits

Sur ce qu'ils aimeraient voir sortir de ce Ségur de la santé, tous les interlocuteurs sont d’accord : une augmentation significative des rémunérations et des moyens, des recrutements, un plus grand nombre de lits. “Il faut surtout une revalorisation salariale pour le personnel quel qu’il soit de manière à ce qu’elle soit à la hauteur des missions de chacun.” insiste David Dall’Acqua. “Il faut de l’attractivité, qu’on arrive à attirer des gens vers l’hôpital, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ! Il faudra nous donner les moyens d’employer les gens motivés pour offrir des soins de qualité. Et nous avons besoin de lits. Il faut arrêter de nous parler de fermetures de lits. C’est intolérable de voir des gens passer une nuit, voire deux sur un brancard.”

On ne veut pas de médaille. On ne veut pas défiler le 14 juillet. On veut une revalorisation salariale

Marie-Claudine Ferrara regrette que le gouvernement joue sur les symboles plutôt que sur le concret : “On ne veut pas de médaille, on ne veut pas défiler le 14 juillet. On n’est pas des héros, on fait notre métier. La reconnaissance de nos métiers, ça passe par une revalorisation salariale ! C’est arrêter de faire fonctionner l’hôpital comme une entreprise. La santé n’est pas une marchandise. Il faut augmenter le point d’indice, recruter, arrêter de faire signer des contrats d’un mois à des centaines d'employés… On a des infirmières qui ne sont pas titulaires et qui sont là depuis 4 ou 5 ans, et je ne vous parle pas des aides-soignantes…“

Plutôt que de partir du budget, il faudrait partir des besoins de la population

Pascale Guyot met aussi l’augmentation du point d’indice en tête des priorités :  “Ça fait 10 ans que le point d’indice est gelé, on a perdu 18 % de notre pouvoir d’achat. Le dégeler permettrait de rattraper tout ce retard. Ca reviendrait en moyenne à 300 euros par personne et par mois.” Elle plaide aussi pour que les mesures concernent l’hôpital au sens large : “On entend parler de revendication des soignants. Mais à l’hôpital il n’y a pas que les soignants : il a des aides-soignants, les ASH (agents de service hospitalier), les administratifs, des médico-techniques (manipulateurs radio, préparateurs en pharmacie ...), des assistantes sociales … Tous ces métiers permettent à l'hôpital public de tourner.” La représentante de FO demande aussi l’ouverture de lits et des recrutements. Pour cela, elle estime qu’il faut changer jusqu’aux modalités de financement de l’hôpital public : “On veut sortir du système de l’ONDAM, l’Objectif National de Dépenses de l’Assurance Maladie voté tous les ans. Il détermine un budget qui est de plus en plus contraint d’année en année. On demande tous les ans toujours plus d’économies. Plutôt que de partir du budget, il faudrait partir des besoins de la population et mettre en face les moyens nécessaire pour les satisfaire.” 

Nicole Notat a toujours accompagné les gouvernements dans leurs pires réformes

Vu ces réactions, Olivier Véran aura fort à faire pour convaincre les personnels de l’hôpital public que son Ségur sera une source de progrès. “Surtout avec une Nicole Notat comme conseillère !“ se désole Marie-Claudine Ferrara. Le choix de l’ancienne secrétaire générale de la CFDT comme coordinatrice accentue encore la défiance envers le Ségur : “Elle a toujours accompagné les gouvernements dans leurs pires réformes” se remémore Pascale Guyot. “Elle a été la seule à soutenir le plan Juppé en 1995. Ca me fait penser que tout ça ne sera pas dans l’intérêt des agents.”
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